Aux citoyens de se manifester !
L’industrie des journaux s’est développée de façon différente au Québec qu’ailleurs au Canada. Des raisons politicosocio- économiques font que le Québec a compté au fil des décennies peu de quotidiens (une douzaine au tournant du 21e siècle), contrairement au Canada anglais où on les dénombrait encore récemment par centaines. Il n’était pas rare de retrouver un quotidien dans de petites municipalités de moins de 5000 habitants à l’ouest de la Belle Province. Ce n’était pas le cas ici au Québec.
Pourquoi signaler cette particularité bien québécoise de la presse écrite quotidienne au Canada ? Parce que la grande région de Granby sort du lot grâce à la présence du quotidien La Voix de
l’Est depuis 1945 (le journal a été lancé en 1935 comme hebdomadaire puis est devenu un quotidien 10 ans plus tard).
On doit féliciter les créateurs du journal pour leur audace. La présence de La Voix de l’Est a permis non seulement à la région de se développer économiquement, elle a en plus donné un outil à ses citoyens pour qu’ils participent à la vie de leur communauté. Quand on sait ce qui se passe autour de nous, on se sent interpellés pour s’engager dans le débat public.
L’intérêt des citoyens pour le quotidien était grand. Durant de nombreuses années, au tournant du 21e siècle, La Voix de l’Est se retrouvait souvent dans le palmarès canadien des quotidiens ayant le plus haut taux de pénétration dans leur marché. Dit autrement, le quotidien comptait plus d’abonnés et de clients annonceurs, toutes proportions gardées, que les autres journaux quotidiens au Canada, incluant les quotidiens des grandes villes du pays.
La Voix de l’Est est maintenant à la croisée des chemins. L’ère du numérique, propulsée par les géants de l’Internet tels Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft, les fameux GAFAM, a chamboulé le modèle d’affaires de tous les journaux imprimés sur la planète.
Les annonceurs investissent dans les GAFAM et beaucoup moins dans les journaux, affectant du coup les finances de ces derniers et leurs capacités à investir dans leurs équipes de journalistes. C’est notamment ce qui explique la réduction de la taille des salles de nouvelles un peu partout. L’impact immédiat est qu’on parle de moins en moins des régions dans les médias.
ÉVITER LES DÉSERTS MÉDIATIQUES
Difficile de lutter contre le changement. Il faut s’adapter. Pour que les médias écrits, notamment La
Voix de l’Est, continuent de produire des reportages de qualité, les citoyens de la région ont un rôle de premier plan à jouer : ils doivent s’abonner aux versions numériques de ces médias. Et les gens d’affaires, les municipalités ainsi que les institutions publiques doivent investir une partie de leurs budgets publicitaires dans leurs médias régionaux. C’est la seule façon de s’assurer que les régions ne se transforment pas en déserts médiatiques.
Toute la région (les citoyens, les gens d’affaires et les décideurs) doit se manifester pour aider ses médias! Et du coup continuer d’avoir accès à du journalisme local de qualité! Tout est entre leurs mains.
Michel Laliberté, ex-journaliste de La Voix de l’Est (de 2002 à 2019)