LE PLUS GRAND MOMENT DE MICHEL THERRIEN
« J’ai été entraîneur dans la Ligue nationale pendant 15 ans, dont 12 comme entraîneur en chef. Mais vous savez quoi ? Le plus grand moment de ma carrière, ça reste la Coupe Memorial remportée avec les Prédateurs. »
Celui qui parle, c’est Michel Therrien, celui qui a conduit les Prédateurs de Granby à la conquête de la coupe Memorial, le trophée symbolisant la suprématie au hockey junior canadien, au printemps 1996. Et on a beau chercher, on ne trouve pas d’événement sportif plus marquant dans la grande histoire de La Voix de l’Est.
« Y’a rien comme gagner, tout gagner ! Y’a rien qui se compare à ça ! insiste Therrien, qui passe aujourd’hui ses hivers en Floride, en semi-retraite. Peut-être que si j’avais gagné la Coupe Stanley, je ne vous parlerais pas en premier lieu de notre victoire à la Coupe Memorial, mais ça demeure sans l’ombre d’un doute ma plus grande fierté. »
Le triomphe des Prédateurs a représenté tellement pour la LHJMQ. Rappelons qu’aucune équipe du Québec n’avait gagné le précieux trophée depuis les Remparts de Guy Lafleur, en 1971. Pendant des années, les équipes du Québec faisaient pâle figure au championnat canadien.
« Si on n’avait pas gagné à Peterborough, est- ce que les Olympiques de Hull [devenus Gatineau, NDLR] auraient soulevé la coupe un an plus tard, est-ce que l’Océanic de Rimouski aurait fait de même en 2000, est-ce que toutes ces équipes de la LHJMQ auraient gagné depuis ? Je ne sais pas. Notre triomphe a ouvert la voie, il a permis au Québec de reprendre confiance, de perdre ce maudit complexe d’infériorité qu’on avait tout le monde ! »
INACCEPTABLE DÉFAITE
Au cours de la saison régulière 1995-1996, les Prédateurs n’avaient perdu que 12 matchs dans un calendrier de 70. Mais il faut savoir que dès le jour un du camp d’entraînement, le message de Michel Therrien et des frères Morrissette, les propriétaires de l’équipe, était clair.
« Nous avions trois objectifs : remporter le trophée Jean- Rougeau (saison régulière), la Coupe du président (séries) et la Coupe Memorial, raconte Therrien. Et perdre était aussi inacceptable au mois de novembre qu’au mois d’avril, en éliminatoires. C’est pas compliqué, on ne voulait jamais perdre ! »
Le pilote se rappelle encore de la discussion qu’il avait eue avec son capitaine Francis Bouillon pendant le camp d’entraînement.
« J’ai dit à Francis : "Je veux que tu sois le premier capitaine d’une équipe du Québec depuis Guy Lafleur à soulever la coupe Memorial. Je sais que c’est ce que tu veux aussi et je veux que tu entraînes les gars dans le vestiaire dans ton sillon." »
Les Prédateurs avaient une bonne équipe, c’est clair. Et à la date limite pour effectuer des transactions, le directeur général Jean-Claude Morrissette est allé chercher ce qu’il manquait à son club : Georges Laraque, le joueur le plus craint au Québec, sinon au pays.
« Tu ne deviens pas la meilleure équipe de hockey junior au Canada sans faire des efforts, des efforts et encore des efforts et sans faire des sacrifices, des sacrifices et encore des sacrifices. Les gars ont travaillé comme des fous tout au long de la saison, les dirigeants aussi. On avait un objectif à atteindre et on était prêts à tout pour réussir. »
Therrien se souvient aussi de sa situation personnelle. Il était jeune papa et il faisait la navette LavalGranby à tous les jours.
« Je couchais à l’hôtel le vendredi soir parce qu’on avait toujours un entraînement tôt le samedi matin. Le reste du temps, je voulais être à la maison le soir avec les enfants. »
Le 19 mai 1996, la bande à Therrien réalise son objectif, son rêve. En finale du tournoi de la Coupe Memorial, les Prédateurs rossent les Petes de Peterborough 4- 0.
Toutes ces années plus tard, personne n’a oublié les images des Francis Bouillon et Daniel Goneau, en larmes au banc des joueurs, quelques minutes avant la fin du match.
« On était fiers, tellement fiers, dit encore Therrien. On avait gagné pour nous, pour la ville de Granby, pour notre ligue, pour le Québec. Vous vous souvenez de Jean-François Brunelle, qui se promenait partout avec son gros drapeau du Québec après notre victoire et notre retour à Granby ? »
Non, personne n’a oublié le retour des Preds dans la région, eux qui étaient attendus par une tonne de partisans sur l’autoroute 10. Puis, il y a eu le défilé sur la rue Principale,
« Notre triomphe a ouvert la voie, il a permis au Québec de reprendre confiance, de perdre ce maudit complexe d’infériorité qu’on avait tout le monde ! »
— L’ex- entraîneur Michel Therrien
qui avait attiré plus de 30 000 Granbyens.
UN MOMENT CRUCIAL
Michel Therrien, aujourd’hui âgé de 60 ans, a dirigé les Prédateurs une autre saison avant de faire le saut chez les professionnels. Ce fut aussi la dernière saison de l’équipe à Granby.
« Granby, ça a été un moment crucial dans ma carrière, dans ma vie. Jamais je n’aurais coaché chez les pros ni dans la Ligue nationale sans ces deux années passées chez vous. Sans Granby, je n’aurais pas eu deux longs séjours derrière le banc du Canadien, je n’aurais pas dirigé Sidney Crosby à Pittsburgh, je n’aurais pas travaillé à Philadelphie. Et aujourd’hui, je ne travaillerais pas à la télé. »
Huit joueurs de l’édition 19951996 des Prédateurs ont atteint la Ligue nationale, un chiffre impressionnant. Ils n’ont pas tous connu de longues carrières, mais ils ont joué dans le show, comme on dit, ce qui reste un très bel exploit.
« Quand c’est la fête d’un gars, je lui écris, je prends de ses nouvelles. L’autre jour, Martin Chouinard est débarqué en Floride, il m’a appelé et on a soupé ensemble. Ceux qui ont vécu la conquête des Prédateurs, on est unis pour la vie. »