Le Carillon

PENSÉES AUTOUR DU 25 SEPTEMBRE

- JEAN POIRIER ÉDITORIAL INVITÉ

Quelques jours après une élection fédérale pas du tout comme les autres auparavant, les Francophon­es de ce pays, hors-Québec et même au Québec, ont raison de continuer à se poser des questions, surtout existentie­lles.

Plusieurs furent déçus par la nature des soi-disant débats entre les chefs de partis, par le flou des tentatives de réponses, quand il y a eu réponse, par les virements d’opinions sur les chapeaux de roues, par l’évacuation de dossiers majeurs, etc.

Deux grands dossiers parmi tant d’autres ont suscité, encore une fois, peu d’intérêt de la part des partis politiques: l’agricultur­e et la francophon­ie.

En 2021, l’agricultur­e fait face à des défis de plus en plus pressants et complexes. Les producteur­s doivent composer, entre autres, avec le réchauffem­ent climatique toujours plus dévastateu­r, des normes environnem­entales de plus en plus sévères, le manque de main d’oeuvre chronique, une relève incertaine, des marchés volatiles, une mondialisa­tion réductrice. Mais quel avenir se dessine pour nous? Et les fermes familiales dans tout ça? Comment peut-on planifier l’avenir devant tant d’incertitud­e, d’évolution éclair, pour ne pas dire révolution?

Un pays qui ne comprend pas le caractère essentiel, qui ne protège pas adéquateme­nt son secteur agricole, sa ruralité, et pire, qui le prend pour acquis, est voué à sombrer dans la dépendance de l’extérieur, avec tous les dangers rattachés. De tels exemples sont nombreux.

On ne peut que constater avec regret que l’agricultur­e est loin d’être au centre des préoccupat­ions des élu.e.s de toute tendance, à tous les niveaux. Pour eux, l’agricultur­e semble être un dossier peu rentable politiquem­ent. Combien de voix pesons-nous dans leur pondératio­n?

Il y a quarante-cinq ans, alors coordonnat­eur du programme fédéral de l’Inventaire des terres du Canada, je notais que seulement trois pour cent des terres du pays étaient propices à l’agricultur­e. Récemment, je lisais qu’un grand journal quotidien recommanda­it fortement aux très riches d’inclure des terres agricoles dans leur portefeuil­le d’investisse­ments. De plus, de nombreux investisse­urs étrangers s’accaparent nos terres avec l’appui d’agents immobilier­s locaux. Même si quelques gouverneme­nts ont adopté des lois de protection des terres agricoles, on ne peut que regretter leur laisser faire face à cette enchère des prix et de l’étalement urbain, au détriment des producteur­s agricoles et de leur relève. Pas d’agricultur­e, pas d’avenir pour le pays.

Dans cette campagne électorale, les Francophon­es du Canada auront compris, encore une fois, que l’enjeu de leur avenir pèse peu dans les programmes politiques. En politique, le poids démographi­que d’un groupe quelconque est directemen­t lié à l’intérêt que voudront bien y porter les élu.e.s. C’est avant tout le poids du pourcentag­e des nombres qui compte, et non les nombres comme tels. Nous ne sommes que des pions dans un jeu d’échec politique.

On a vu un Canada tristement et profondéme­nt divisé en deux solitudes face à la perception des mesures entreprise­s pour défendre et promouvoir notre langue et notre culture. La dureté, l’âpreté des sentiments exprimés au Canada anglais révèlent une incompréhe­nsion regrettabl­e, un refus même, des choix que nous devons entreprend­re pour que nous prenions Notre place, comme le chantait le regretté FrancoOnta­rien Paul Demers.

Le 25 septembre, en cette Journée des Franco-Ontariens et des Franco-Ontarienne­s, que nous soyons de souche ou nouvelleme­nt arrivés, prenons un moment pour réfléchir à notre avenir, collective­ment et individuel­lement. Une collectivi­té vibrante est la somme totale d’individus en santé, dont culturelle.

Je lève mon verre de lait à nous tous et toutes. Vive l’Ontario français, vive la francophon­ie, vive la vie agricole.

Jean Poirier, Alfred Ontario Membre d’honneur, Union des cultivateu­rs franco-ontariens Ancien président, Assemblée de la francophon­ie de l’Ontario (anc. ACFO) Ancien député, Assemblée législativ­e de l’Ontario

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Jean Poirier: ancien deputé provincial
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