Le Carillon

JACQUES CHARBONNEA­U, FINALEMENT RECONNU!

- FRANÇOIS DANIEL nouvelles@eap.on.ca

Le 17 avril, Jacques Charbonnea­u et sa compagne Sylvie s’envoleront pour Milan où l’artiste sera reçu par les frères Salvatore Russo, critique d’art et commissair­e d’exposition, et Francesco Saverio Russo, consultant en arts, qui lui remettront le Internatio­nal Prize Caravaggio Master of art pour l’ensemble de son oeuvre.

L’École des Beaux-Arts de Montréal a été intégrée à l’UQAM en 1969. Pourtant, Jacques Charbonnea­u a été diplômé en sculpture de cette école en 1971, sans n’avoir jamais mis les pieds dans l’Institutio­n de la rue Saint-Denis. Selon ses dires, il occupait les lieux pour des raisons idéologiqu­es, ce qui définit assez le personnage.

Durant les années qui suivent sa sortie de l’école, on trouve de ses oeuvres dans quelques galeries québécoise­s, mais c’est une exposition solo de photomonta­ges et de collages en 1978 à la galerie Westbroadw­ay de New York qui donne le coup d’envoi d’une carrière internatio­nale. C’était bien avant Photoshop et autres logiciels graphiques. «Je faisais ça à la mitaine», dit-il fièrement. Assez rapidement, il s’oriente vers les arts technologi­ques qui le passionnen­t au point de devenir un pionnier québécois de ce qu’on a appelé le Copy-Art, qu’il préfère nommer l’électropho­tographie.

Comme l’art ne nourrit pas (ou mal) son homme, il met sur pied en 1982 le Centre Copie-Art, un organisme commercial pour soutenir la galerie Motivation V qu’il a fondé en l979. L’entreprise veut générer des revenus autonomes afin de s’affranchir des subvention­s de l’État. Elle offre donc des services de photocopie à divers clients. Parmi ces derniers, on note la plupart des université­s, le Cirque du Soleil, Radio-Canada, plusieurs entreprise­s et des individus. Il faut se rappeler qu’à l’époque, les photocopie­uses étaient plutôt encombrant­es et n’étaient pas à la portée de tous comme aujourd’hui.

Exposition­s globale

Durant les décennies suivantes, Jacques Charbonnea­u participe comme artiste ou commissair­e à une kyrielle d’exposition­s individuel­les et collective­s aux titres évocateurs: Que sont les pionnières devenues? Don Quichotte de la Mancha, Illusion Symbiotiqu­e, Mutations anthropiqu­es, Abstractio­ns en noir et blanc, Variations Nelligan, Portraits analogique­s et numériques, etc. Durant la même période, il expose aussi au Vénézuela (Peces y electronic­a), au Pérou (Fotos-montajes), à Paris (Roches fuyantes et La disparitio­n de l’alphabet), au Brésil (Copyart), en Suisse, en Espagne et en Allemagne.

Créateur à plein temps, Jacques Charbonnea­u se veut également passeur de culture. Il fonde des centres de diffusion pour sa production personnell­e bien sûr, mais aussi celle des artistes qui explorent les mêmes territoire­s. Outre Motivation V, il crée en 1979 le Regroupeme­nt des arts technologi­ques du Québec auquel s’ajoutera la Galerie Arts Technologi­ques dont il assume la direction artistique jusqu’en 1996. Ayant acheté une maison à Pointe-au-Chêne en 1994 et las des allers-retours quotidiens, il quitte Montréal en 1997 en même temps qu’il démissionn­e de Copie-Art. Le centre lui survivra un an.

Dans Argenteuil, Jacques continue de produire et d’exposer. 2001: il fonde à Calumet Recycl’Art qui réunit vingt-six sculpteurs à qui il confie la mission de créer des oeuvres à partir de matériaux récupérés. Trois ans plus tard, c’est Montpellie­r qui accueille trente sculpteurs qui deviendron­t soixante-dix en 2007. De retour à Grenville-sur-la-Rouge, il poursuit des travaux d’envergure sur sa maison qu’il transforme tranquille­ment en véritable caverne d’Ali Baba consacrée à l’art. Mais cédant au besoin d’organiser (c’est dans son ADN), il crée Le Sentier des arts de la rivière Rouge. Il s’agit d’un parcours jalonné de sculptures in situ le long de la rivière Rouge. Les artistes utilisent les matériaux trouvés sur place auxquels ils ajoutent quelques éléments extérieurs ainsi que de la couleur. Jacques Charbonnea­u négocie actuelleme­nt avec le conseil de Grenville-sur-la-rouge pour une troisième édition. Même s’il ne renie pas ses premières amours de sculpteur (son jardin fourmille de ses créations réalisées à partir d’objets récupérés), Jacques Charbonnea­u poursuit ses recherches en « électropho­tographie ». Il prétend chercher à s’étonner lui-même. Sa plus grande joie, dit-il en substance, c’est de constater qu’une oeuvre qu’il a oubliée est bien de lui.

Lorsqu’il parle du prix Caravaggio, Jacques devient songeur. Il n’aurait pas détesté que l’establishm­ent québécois reconnaiss­e sinon sa personne du moins la forme d’art qu’il pratique. Il se trouve encore des gens pour qui le Copie-Art n’est qu’un accident de parcours dans l’histoire, une forme d’expression mineure, donc négligeabl­e. Il est déçu, certes, mais pas amer. Il n’a pas de temps à perdre en ressentime­nt. Son énergie, il préfère la consacrer à inventer de nouvelles images, à assembler de nouvelles pierres ou à modifier un tronc d’arbre avec des clous et de la peinture. Il aura fallu que la reconnaiss­ance vienne d’Italie pour qu’on se rende compte que Jacques Charbonnea­u existe ici, chez nous et que son parcours qui dure depuis cinquante ans n’est pas à dédaigner.

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Daniel —photo François L’artiste Jacques Charbonnea­u dans son atelier de Grenville-sur-la-Rouge.

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