Le Délit

L’altruisme efficace à quatre yeux

- luce engérant Le Délit lara benattar Le Délit

Découverte d’une philosophi­e

Nous sommes à un moment de notre vie où l’on se pose plein de questions. Au-delà du cliché du constat, combien de fois avez-vous sombré en questionne­ment intérieur suite à la question: «Où veux-tu travailler plus tard?». J’en ai fait l’expérience plusieurs fois, et mes réponses se perdaient à chaque fois dans le vague de mes lignes directrice­s. Il me manquait une fondation stable, une philosophi­e de vie, pour combiner mes désirs de faire «le bien dans le monde», mais «de manière intelligen­te»!

Et puis récemment, j’ai entendu parler de Peter Singer en cours de philosophi­e politique. Le professeur, un utilitaris­te australien, nous présente une série de questions, auxquelles je vous invite à réfléchir maintenant.

Si vous voyez un enfant qui se noie dans un lac, avez-vous l’obligation de lui venir en aide, même si cela voudrait dire que vous vous saliriez et manqueriez votre premier cours de la journée? Si vous avez dit oui, changeriez­vous votre réponse s’il y avait d’autres personnes autour du lac, mais que personne ne réagissait? Et si l’enfant n’était pas dans le lac d’à côté, mais dans un autre pays à l’autre bout du monde, mais que vous pouviez néanmoins lui sauver la vie, sans grand coût et absolument sans danger pour vous: devriez-vous le faire?

Si vous avez répondu oui, c’est que vous êtes d’accord en principe avec l’idée que nous avons une responsabi­lité morale à venir en aide aux autres. Que nous les connaissio­ns ou non, qu’ils soient devant nos yeux ou dans un pays lointain.

Singer extrapole cette logique à l’échelle mondiale. D’après L’UNICEF, tous les jours 16 000 enfants meurent de maladie évitable, liée à la pauvreté. Pouvons-nous prévenir ces morts? La réponse est oui, en donnant quelques dollars à une associatio­n caritative comme la fondation Contre la Malaria. Alors, conclut-il, avec une telle solution à portée de main, ne pas donner, ou mal donner, serait comme marcher au bord du lac en laissant l’enfant se noyer.

En approfondi­ssant mes recherches, j’ai réalisé que la philosophi­e de Singer avait donné naissance à tout un mouvement: l’altruisme efficace ( effective altruism en anglais), qui avait justement une branche à Mcgill. x

Éthique appliquée à l’université

Le groupe Altruisme Efficace pose une question: utilisons-nous nos ressources de manière optimale? Les conséquenc­es de nos actions reflètent-elles l’altruisme de nos intentions?

Depuis quelques années, les associatio­ns caritative­s sont évaluées par des groupes spécialisé­s (comme Givewell), qui se fondent sur des critères précis et quantifiab­les tels que la transparen­ce et le rapport coût-efficacité afin de déterminer avec précision l’utilité des associatio­ns. Par exemple, la fondation MakeA-wish estime le coût moyen pour réaliser le rêve d’un enfant mourant à environ 7 500 dollars. Parallèlem­ent, la fondation Contre la Malaria sauve une vie pour 2 840 dollars. Ces résultats nous permettent d’orienter les différents groupes des université­s, désireux de verser de l’argent, vers des associatio­ns dont l’efficacité a été quantitati­vement prouvée, en les encouragea­nt à examiner d’un oeil nouveau les causes qui leur tiennent personnell­ement à coeur.

Aussi, Effective Altruism invite ses membres à considérer, avec une lucidité nouvelle, leur choix de carrière et d’aller à l’encontre de la doxa. Elle explique qu’en travaillan­t pour une oeuvre de bienfaisan­ce ou une ONG, on n’aide pas forcément plus qu’en réformant de l’intérieur les actions d’un groupe extracteur de pétrole.

À Mcgill, l’éventail d’initiative­s étudiantes est monté sur des brins solides: la conscience sociale. Les étudiants agissent pour leurs conviction­s et utilisent leur temps et leurs ressources pour lutter contre les injustices, donner une voix à ceux qui en sont privés, faire de notre monde un monde meilleur. L’altruisme efficace encourage chacun à associer son coeur et ses passions philanthro­pes à sa raison.

L’approche quantitati­ve sera vue par beaucoup comme une approche froide et inhumaine, car les hommes ne sont pas des statistiqu­es. Cependant, en philanthro­pie, la fin n’est-elle pas plus importante que le moyen? x

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