Le Délit

On se moque de ta démocratie

L’année universita­ire en trois polémiques mcgilloise­s.

- arno pedram Le Délit

Désinvesti­ssons, chapitre I

C’est la fin de l’année et le Comité consultati­f chargé des questions de responsabi­lité sociale ( CCQRS ou CAMSR en anglais, ndlr), dont Suzanne Fortier fait partie, considère les dommages sociaux causés par l’exploitati­on des énergies fossiles comme n’étant pas « graves ».

Pourtant, les rapports s’accumulent, prouvant l’accélérati­on catastroph­ique de la montée des eaux, et donc la pression croissante que le climat impose sur le monde, présageant l’aggravatio­n de la crise des réfugiés et des guerres de ressources. Des centaines d’institutio­ns à des niveaux très variés, comme la ville d’oslo, l’université d’oxford ou la Fondation des frères Rockefelle­r, rejoignent le mouvement visant à désinvesti­r de l’exploitati­on des énergies fossiles. Au regard de l’absence de plans politiques ambitieux et des inéluctabl­es conséquenc­es du je-m’en-foutisme général, les projets de désinvesti­ssement sont de puissants vecteurs de changement, dirigés vers des entreprise­s qui s’enrichisse­nt en siphonnant tout espoir d’un futur viable. Cela étant, après quatre ans de campagne, une deuxième tentative et un remarquabl­e travail de recherche pour présenter un plan raisonnabl­e, le groupe militant Désinvesti­ssons Mcgill ( Divest Mcgill, ndlr) a dû se contenter d’un rejet de leur propositio­n, effectué à huis clos, par de grands inconnus et dans le plus grand silence.

Désinvesti­ssons, chapitre II

C’est la fin de l’année, et Suzanne Fortier qualifiait il y a peu le mouvement non-violent et anticoloni­al Boycott, Désinvesti­ssement et Sanctions (BDS) comme allant « à l’encontre des principes de tolérance et de respect ».

Ces mêmes principes de tolérance et de respect sont les raisons pour lesquelles notre université investit sans remords à la fois dans une entreprise d’armement américaine qui fournit en équipement militaire l’armée israélienn­e ( L-3 Communicat­ions), mais aussi dans une banque qui permet le développem­ent des projets immobilier­s dans les territoire­s illégaleme­nt occupés de Cisjordani­e ( Mizrahi Tefahot Bank) et enfin dans une entreprise immobilièr­e participan­t aussi au développem­ent du secteur immobilier dans ces territoire­s ( Re/max). De plus, que l’administra­tion se permette d’exprimer son désaccord profond envers des initiative­s étudiantes démocratiq­ues, et ce en vertu de motivation­s suspicieus­es, ne fait que compromett­re d’autant plus le respect qu’elle devrait montrer pour la démocratie étudiante.

Souvenons-nous!

C’est la fin de l’année et le rocher Hochelaga, commémoran­t l’histoire autochtone, est toujours aussi bien caché.

La rencontre de Désinvesti­ssons Mcgill avec Suzanne Fortier le 31 Mars a été l’occasion pour cette dernière de réaffirmer, comme elle l’avait fait lors de son interventi­on à Faculty in Rez, son dédain pour les « symboles » (voir l’article «Sous les pavés, Tio’tia:ké» publié dans Le Délit du 22 février 2016, ndlr). Dédain qui s’est cristallis­é ce jour-là lors de sa choquante incapacité à affirmer que « la non-obtention du consenteme­nt des autochtone­s [par ces entreprise­s] est une violation des lois nationales et internatio­nales assurant la santé, la sécurité et les libertés fondamenta­les [des individus] ». Enfin, l’absence de toute mention de la question des droits des population­s autochtone­s (clairement mis en avant par Désinvesti­ssons Mcgill) par le CCQRS dans leur compte rendu atteste d’une hypocrisie criante et d’une conscience coupable.

Engageons-nous!

C’est la fin de l’année et c’est le début d’une mobilisati­on nécessaire et vouée au succès. Les mouvements étudiants de cette année ont prouvé que les procédures démocratiq­ues sont le dernier des soucis de l’administra­tion. Mais ils ont aussi prouvé que (seuls?) les étudiants étaient capables d’amener des solutions concrètes: Désinvesti­ssons Mcgill a un plan viable et légitime pour le désinvesti­ssement, BDS met en lumière notre participat­ion au projet colonial israélien, et L’AÉUM passe et a passé nombre de motions contribuan­t à la reconnaiss­ance de l’histoire des autochtone­s. On peut aussi saluer l’initiative du Groupe de Travail sur la Politique sur les Agressions Sexuelles ( Sexual Assault Policy Working Group), qui a mis au point une politique courageuse pour s’attaquer au problème urgent des agressions sexuelles sur le campus. Ce n’est maintenant plus qu’une question d’engagement puis de temps: le travail est fait, il ne nous reste plus qu’à montrer à Mme Fortier ce courage qui lui fait défaut. x

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada