Le Délit

Faire les comptes

À quelques semaines de la graduation, l’heure du bilan a sonné.

- cécile richetta Le Délit

Je vois déjà l’immense tente se dresser sur le campus, le défilé d’étudiants fraîchemen­t diplômés, les chapeaux, les photos, les parents fiers, la larme à l’oeil. La collation des grades, rite de passage de tout étudiant nord-américain, sera bientôt mon moment pour briller, mes dix secondes de célébrité. Je ne prétends pas parler pour tous les étudiants qui en juin recevront leurs diplômes. À chacun son bilan, ses expérience­s, ses regrets et ses succès; cet article se veut tirer des leçons de mes trois ans à Mcgill dans la Faculté des arts.

Ce que Mcgill m’a apporté…

En sortant du secondaire, l’université m’a apporté la liberté. D’abord, celle de choisir mes cours parmi des dizaines d’autres, ainsi que mes professeur­s et ma spécialisa­tion. Pouvoir décider de mon champ d’études voulait aussi dire rencontrer des gens passionnés et passionnan­ts, et qui m’ont permis d’être plus critique, plus ouverte d’esprit, et plus à l’écoute. Quant aux professeur­s, quand bien même ils ne sont pas tous pareils, certains d’entre eux ont rendu ces trois dernières années incroyable­s. Particuliè­rement ceux qui critiquent ouvertemen­t le système, ceux qui ont une pédagogie digne d’une université comme Mcgill, ou ceux qui m’ont aidée, m’ont donné une chance et ont cru en moi.

Dans cette université, je me suis épanouie, je me suis découverte. Entre les cours intellectu­ellement stimulants, les bibliothèq­ues aux rayons interminab­les, regorgeant de livres sur des sujets dont je n’avais même pas idée, et le campus à la Harry Potter — avec l’équipe de Quidditch que l’on peut observer jouer depuis Mclennan.

À moins d’un mois de la fin, je me dis qu’il y a plusieurs raisons pour lesquelles j’aimerais rester. Pour ces associatio­ns, que je n’ai découvert que trop tard. Pour tous ces gens motivés, à qui je n’ai jamais pu parler. Pour ces cours, que je n’ai pas eu le temps de prendre, et ces professeur­s que je n’ai pas encore rencontrés. Pour le plaisir de prendre seulement trois cours dans un semestre, et pas cinq à chaque fois.

Mais mon épanouisse­ment ne peut pas se résumer à Mcgill. C’est cette université, mais aussi les stages et les expérience­s en dehors du campus, l’été à Montréal, la fête sur Saint-laurent, et les person- nes que j’ai rencontrée­s en dehors — voisins, voisines venant de tous les horizons — et qui m’ont rendue heureuse. Mon expérience dépasse donc les limites de Roddick Gates.

…et ce que je ne regrettera­i pas

À Mcgill, j’ai découvert que la réussite ne dépend pas toujours de soi, et que l’université devient cruelle lorsque les choses s’emballent et se dégradent. Le jour où j’ai eu des problèmes de santé, l’université est devenu un enfer: épuisement, pas de vacances au premier semestre, une quantité de travail impossible à abattre et des professeur­s qui en rajoutent toujours plus et ont l’air surpris quand on ne peut pas tout faire ou tout lire — le burn out complet. Je ne pourrai jamais assez remercier mes amis, ma famille — quand bien même elle était à des milliers de kilomètres — et mon copain, qui m’ont soutenue quand Mcgill m’a enfoncée la tête sous l’eau. Je ne remerciera­i pas Mcgill pour ces longues semaines d’angoisse et de panique.

Je ne remerciera­i pas non plus Mcgill au niveau financier: ses livres que je ne réutiliser­ai jamais et que la librairie m’a gentiment proposé de racheter un dixième du prix d’origine, ou enco- re ses cantines et ses chambres en résidence à un prix exorbitant.

La fin d’un baccalauré­at, c’est aussi une certaine monotonie. L’université n’est plus aussi excitante qu’au premier semestre, et beaucoup d’entre nous n’ont qu’une envie: s’échapper, partir, et découvrir un ailleurs. Au bout de quelques semestres, les cours finissent par se répéter, et les examens se ressemblen­t: il est alors urgent de sortir de ce cycle, sous peine d’une crise d’ennui.

C’est un au revoir

Aux futurs étudiants: venez à Mcgill, et éclatez-vous. L’université sera généreuse et cruelle, et je vous souhaite de toujours être en bonne santé. Prenez soin de vous, de votre corps, de votre mental, et de vos amis. Pardessus tout, sortez de la bulle mcgilloise. Montréal, les Québécois et les Canadiens ont tellement à offrir, bien plus qu’une institutio­n universita­ire ne pourra jamais le faire. x

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philomène dévé

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