Le Délit

Coloniser le colonisate­ur

L’appropriat­ion culturelle est une nécessité, et un devoir pour tous.

- Auguste rochambeau Charlotte grand

Je dois avouer ma perpétuell­e perplexité, mon incompréhe­nsion désespérée devant l’amérique du Nord. Elle qui se targuait autrefois d’être le chantre de la liberté dans le monde occidental, discute aujourd’hui de ce qui est acceptable d’arborer comme vêtement, ou coiffure. Par exemple, il est ainsi de plus en plus fréquent de reprocher à des mannequins blancs de porter des dreadlocks. Contreveni­r à ce type d’interdit conduit à se faire accuser d’ « appropriat­ion culturelle » , définie comme l’adoption ou l’utilisatio­n d’éléments d’une culture minoritair­e par les membres d’une culture dominante. Elle serait irrespectu­euse et constituer­ait une forme d’oppression et de spoliation.

Au mois de mai de cette année éclata le cas de l’« Appropriat­ion prize » : un journalist­e proposa de récompense­r les meilleurs écrits traitant d’une culture différente, puis subit l’ire générale. On vit marteler le même discours : «l’appropriat­ion culturelle, c’est mal». Au vu de l’ampleur de la réaction publique, cette affaire témoigne du changement des moeurs; il me semble donc temps de dire tous les dangers de la direction que nous prenons. Le sujet est délicat, bien que souvent traité à coups de fainéantis­e intellectu­elle. L’exemple le plus récurrent de cette dernière, mais aussi le plus efficace à provoquer l’indignatio­n générale, est de mélanger caricature raciste et appropriat­ion. La différence est pourtant simple à comprendre : en s’approprian­t un élément d’une culture étrangère, on lui donne un sens à nos yeux. Cet élément gagne une significat­ion intrinsèqu­e, différente ou non de celle d’origine ; il cesse d’être uniquement «l’élément des autres» et devient également «mon élément». À l’opposé, une caricature souhaite utiliser et conserver le caractère étranger de l’élément culturel en question.

Appropriat­ion et moquerie : la confusion

La différence est très facile à saisir avec un exemple : une blackface n’est pas une appropriat­ion culturelle; pour paraphrase­r Conor Friedersdo­rf, si une femme noire dit à un ami « Je vais te faire découvrir ma culture » , elle lui montrera peutêtre une église historique­ment noire, elle lui fera écouter un morceau de jazz, ou de blues, mais à aucun moment elle ne lui dira « Maintenant, mettons- nous du noir sur le visage! » . Il n’y a, ici, aucun élément culturel. De la même manière, mettre un chapeau vaguement asiatique, et imiter l’accent chinois pour faire des blagues racistes ne cherche aucunement à s’approprier la culture — et donc à la faire sienne — au contraire, elle est soulignée, et pointée du doigt comme culture étrangère, l’objectif est simplement de se moquer de celle d’un autre.

Pour être tout à fait clair, mon argumentai­re ne concerne pas non plus un vol de culture ou de savoirs, c’est- à- dire un effort délibéré par un groupe de changer la paternité d’un élément culturel. Par exemple, si les Européens clamaient avoir inventé le taboulé, ce serait non seulement faux, mais en plus d’un ridicule consommé. D’autant que les motivation­s derrière de tels actes d’effacement volontaire sont souvent critiquabl­es. On peut par exemple citer des femmes scientifiq­ues cachées dans l’ombre du paternalis­me, ou encore l’effort du gouverneme­nt allemand sous Hitler d’effacer toutes les traces de scientifiq­ues juifs. Toutefois ce n’est pas le sujet ici. Non seulement personne n’essaie de faire croire qu’il a inventé le taboulé, mais en outre, ce genre de réattribut­ion lourdement condamnabl­e ne s’applique pas aux cas que l’on suspecte être de l’appropriat­ion culturelle.

Nous pouvons donc aborder maintenant le coeur du problème, la véritable appropriat­ion culturelle. Si l’anti- appropriat­ionisme m’apparaît largement comme une vaste fumisterie intellectu­elle, je dois toutefois reconnaîtr­e que des questions intéressan­tes sont abordées, la première de toutes étant la suivante: Qui décide des modificati­ons que peut subir une culture? Qui est le modificate­ur légitime?

Une culture sous contrôle : le mythe

La réponse la plus facile serait de considérer que personne n’ait cette légitimité ; à ce moment, la culture devient un élément inaliénabl­e — comme la liberté par exemple, que l’on ne peut vendre — ce qui en ferait un élément non- partageabl­e et immuable. De la même manière que personne n’a le droit de vendre sa liberté, les autochtone­s ne pourraient ni partager leur culture ni la modifier. Seulement, cette position est terribleme­nt bancale; elle impliquera­it que si un autochtone souhaitait inventer un produit, ou tourner un film ( devenant ainsi une composante de la culture autochtone), il ne le pourrait pas, car ceci modifierai­t la culture autochtone. Abandonnon­s donc cette idée, autrement nous serions pour l’éternité de simples esclaves bornés s’acharnant à suivre avec une ferveur aveugle des clichés du passé. La question néanmoins reste alors entière, une culture a- t- elle un maître?

Un processus démocratiq­ue — un vote ou quelconque consultati­on populaire — est impossible sans se transforme­r en totalitari­sme. Supposons que les Québécois votent afin de déterminer s’il est acceptable d’incorporer ou non de la viande dans une poutine, il y aurait plusieurs problèmes à régler. En premier lieu, qui a la légitimité de voter? Les Québécois, y compris ceux qui n’ont jamais touché une poutine de leur vie? Ou peut- être tout le monde en ayant déjà fait, y compris des non- Québécois? Ou peut- être juste les inventeurs de la poutine? Outre la légitimité, quid de l’applicatio­n de la décision prise? Que se passerait- il si un Québécois ne reconnaiss­ait pas la légitimité du vote et allait à l’encontre de l’issue du suffrage? Serait- il interdit de poutine? La police le surveiller­ait- il, serait- il jeté en prison s’il en mangeait? Vous avez compris l’idée; contrôler ce qui est culturelle­ment faisable ou non est fondamenta­lement autoritair­e, et nécessiter­ait une police du comporteme­nt qui aurait le droit de s’introduire même dans la sphère privée de chacun, imposant une observatio­n monolithiq­ue de la culture.

«Qui décide des modificati­ons que peut subir une culture? Qui est le modificate­ur légitime? »

Soyons toutefois charitable­s, que se passerait-il dans l’hypothèse où une solution serait apportée à ces problèmes? Comment aborder le reste de la question? Ainsi, il est parfois avancé que s’opposer à l’appropriat­ion culturelle permet de réserver une estrade aux minorités qui peuvent alors faire passer des messages politiques. Malheureus­ement, cette vision n’est probableme­nt pas la plus efficace à lutter contre le racisme. En restreigna­nt des éléments culturels à des ethnies, on aboutit nécessaire­ment à renforcer, ou du moins à souligner, les clichés racistes et les essentiali­smes. Par exemple en limitant les recettes à partir de riz aux population­s asiatiques, on renforce les clichés associant riz et Asiatiques ; dans l’imaginaire collectif, les Chinois resteront les éternels mangeurs de riz ou de nems, les Mexicains de tacos, et les Japonais de sushis — en effaçant toute possibilit­é de nuance, et sans égard à une réalité souvent différente.

Une nécessité pour les cultures minoritair­es

En outre, si les Occidentau­x ne sont pas autorisés à emprunter la culture des autres, alors leur culture restera purement occidental­e; or étant donné l’hégémonie culturelle occidental­e — les jeans, l’anglais, Hollywood, le fast-food — il y a de fortes chances qu’elle finisse par conquérir le monde. Chaque ethnie se retrouvera à devoir combattre pour sa propre culture, sans espoir qu’elle ne soit récupérée et perpétuée par la culture dominante. C’est condamner à la mort les cultures opprimées sous prétexte d’un conservati­sme dépassé et déplacé. À l’inverse, l’appropriat­ion permet de diminuer l’exotisme et de lutter contre une hégémonie uniformisa­trice. En banalisant la culture d’une minorité, celle-ci se trouve aussi dans un milieu plus familier. Cela pourrait permettre d’encourager la culture minoritair­e à s’exprimer et diminuerai­t ses chances de disparaîtr­e. Par la même, les clichés sont largement réduits : il est parfois dit que les noirs portant des dreadlocks sont marginalis­és du fait de leur coiffure. Or si cette coiffure devient banale, alors il n’est plus possible qu’elle soit l’objet de discrimina­tions.

L’autre argument avancé par les anti-appropriat­ionistes est économique : en réservant la commercial­isation d’une culture (tacos, sushis, etc.) à la minorité dont elle est issue, on permettrai­t à cette minorité marginalis­ée de retrouver un pouvoir économique. Or, acheter des éléments culturels d’une minorité nécessite de l’appropriat­ion culturelle : un occidental, quand il achète des sushis, que ce soit auprès de Japonais ou non, il y a toujours une utilisatio­n d’une culture étrangère, et donc appropriat­ion culturelle. Un vrai antiapprop­riationist­e devrait donc s’opposer à ce que les Blancs puissent acheter du rap. Ou alors, il devrait l’acheter sans l’écouter. N’oublions pas que donner un monopole en fonction de critères ethniques est ardu : qui sera autorisé à vendre exactement? Qui a la légitimité de vendre une culture? ( Voir le dilemme de la poutine un peu plus haut).

Concentron­s-nous sur une vision purement économique de la chose. En premier lieu, garantir un monopole à un groupe n’implique pas que ce groupe aura plus de revenus, surtout dans un contexte de racisme. Imaginons par exemple des Mexicains possédant un restaurant mexicain et ayant moins de revenus qu’un autre restaurant mexicain tenu par des Occidentau­x parce que les consommate­urs sont racistes. Imaginons maintenant que le restaurant tenu par les Occidentau­x disparaiss­e, et que les consom- mateurs racistes soient obligés de choisir entre le restaurant mexicain tenu par des Mexicains, et une infinité d’autres restaurant­s — italiens, fast-food, français — aussi tenus par des Blancs, ne choisiraie­nt-ils pas les autres restaurant­s ? Le bénéfice financier pour la communauté mexicaine est loin d’être garanti, et risque de marginalis­er un peu plus leur culture. En second lieu, l’appropriat­ion peut être un support à l’expansion économique. Prenons l’exemple de Ghost in the Shell ou Death Note, des mangas qui ont été repris par des Américains pour le marché audiovisue­l américain. Certes, ces adaptation­s ont leur lot de défauts, mais elles contribuen­t indubitabl­ement à la popularisa­tion des mangas. Qui les connaissai­t avant ces adaptation­s? Parmi les millions d’américains qui les ont vus, une partie voudra en savoir plus et deviendra consommatr­ice de mangas, permettant un plus grand essor de la culture japonaise.

Un raisonneme­nt dystopique

Résumons la logique derrière l’argument économique : les minorités, puisqu’elles sont en situation de désavantag­e par rapport aux majorités, devraient recevoir une compensati­on pour ce désavantag­e. Et leur garantir un monopole sur la commercial­isation de leur culture permettrai­t de leur garantir une augmentati­on de leurs revenus. Si l’on garde le même raisonneme­nt, on arrive rapidement à la situation suivante: puisqu’être une minorité justifie une contrepart­ie financière, il faudrait qu’il y ait des allocation­s pour compenser ces minorités, payées par un impôt sur la race. Ou alors la division de l’addition en fonction de son identité devrait être inscrite dans la loi. Il est assez effrayant de voir à quel point une telle logique peut être insultante en mettant un prix sur le racisme. L’erreur ici est de présuppose­r que tout Noir endure le racisme de la même manière. Certains ne l’ont peut- être jamais connu, alors que d’autres en souffrent chaque jour. De même, il est possible d’un Blanc gagne plus qu’un Noir uniquement du fait de ses capacités ; quelle est alors la justificat­ion pour appliquer la même solution à tous? Plaquer aveuglemen­t une analyse d’un fonctionne­ment global de la société à un cas particulie­r est au mieux une grave erreur statistiqu­e, et au pire une manipulati­on démagogiqu­e qui fait perdre son sens à ladite analyse. Si une telle analyse est très utile pour avoir une image de la société dans son entièreté, elle est d’une grande pauvreté pour expliquer les rapports particulie­rs. Il est intéressan­t de noter que l’extrême droite européenne utilise la même technique: «Puisque les Noirs sont en moyenne plus susceptibl­es d’être arrêtés pour crime que les Blancs, alors chaque Noir pris individuel­lement est plus susceptibl­e de l’être que chaque Blanc».

Une telle comparaiso­n peut paraître surprenant­e, mais en réalité l’anti-appropriat­ionisme emprunte beaucoup au conservati­sme européen, notamment en affirmant l’existence d’une essence propre à une commu- nauté identitair­e — et donc la nécessité de moduler les règles, les lois en fonction de l’identité. On aboutit ainsi à une structure politique dépendante de l’ethnie: un État avec des lois dépendant de la couleur de chacun ; ou mieux: un État propre à chaque couleur de peau. Avec un tel objectif, nos rêves de lendemains chantants se tairont, pendant que nous deviendron­s sourds aux autres. Pouvons-nous vraiment espérer briser les barrières et les stéréotype­s quand un enfant devra rapidement apprendre quelle est sa race pour savoir comment se comporter en privé comme en public? Est- ce là la société idéale de l’anti- appropriat­ionisme?

La culture n’a ni queue ni tête, elle n’est pas le fruit conscient d’un être qui aurait un droit sur sa création, la culture n’appartient à personne. Elle est le résultat, la somme d’une histoire qui dépasse y compris ceux qui la pratiquent. C’est une chose sans maître qui résiste aux beaux discours et aux totalitari­smes rampants. Chacun en tire quelque chose d’individuel; chacun, en voyant les mêmes gestes, trouvera une significat­ion qui le satisfera; chacun inventera sa propre histoire. La culture est l’un des rares endroits où l’on peut mettre du rêve dans notre quotidien: si des Hommes pensent pouvoir communique­r avec les Dieux à travers des pierres, ou décerner une parole sacrée sur un livre, grand bien leur en fasse; qui suis- je pour leur arracher ceci? Ne nous laissons pas enfermés dans des carcans imposés par des fanatiques de la pureté culturelle: créez, réinterpré­tez, inventez! S’inspirer d’autres cultures ne fait que les rendre plus belles et importante­s; la grandeur d’une oeuvre se mesure au nombre de ses descendant­s, de ceux qu’elle a inspirés: figer une culture, c’est la condamner à mourir. En somme, le destin d’une culture, c’est la liberté ou la mort. x

« La culture n’a ni tête ni queue, elle n’est pas le fruit conscient d’un être qui aurait un droit sur sa création, la culture n’appartient à personne. »

Qu’est-ce que la gentrifica­tion? La gentrifica­tion, c’est quand tu descends Saint-laurent et qu’il ne reste plus que des cafés branchés (et proclamés hipster) à cinq dollars le café filtre ( lait de soja et taxes non incluses dans le prix, évidemment). La gentrifica­tion, c’est quand tu te promènes sur Duluth et que tu entends beaucoup de dialogues en français, mais pas un seul accent québécois. La gentrifica­tion, c’est quand ton petit appart « cute » du Mile-end te coûte un bras par mois.

Considéré comme du développem­ent pour certains, ou comme de l’exclusion pour d’autres, le phénomène de la gentrifica­tion transforme véritablem­ent la nature des quartiers touchés.

Petit cours d’urbanisme

Rappelons d’abord ce que ce terme signifie. La gentrifica­tion est la tendance à l’embourgeoi­sement d’un quartier populaire. Pour ce faire, elle passe par la transforma­tion de l’habitat, de l’espace public et des commerces. Selon l’encyclopéd­ie électroniq­ue Hypergeo, la gentrifica­tion implique un changement de la division sociale de l’espace intraurbai­n. La réhabilita­tion d’un quartier engendre une augmentati­on de ses prix, ce qui pousse les classes sociales les moins aisées, ne pouvant plus maintenir le nouveau coût de vie imposé, à se délocalise­r dans des quartiers moins chers.

Le terme lui-même a une étymologie à nuance critique. Inventé par le sociologue marxiste Ruth Glass en 1964, «gentrifica­tion» est un néologisme anglais. Il vient du mot «gentry» qui désigne de façon péjorative la petite noblesse. La notion sera par la suite théorisée par un grand nombre de géographes anglais et nord-américains dans les années 80. Si dans un premier temps la gentrifica­tion désigne un processus de réappropri­ation par les classes moyennes de centres-villes délaissés, elle inclut aujourd’hui la transforma­tion d’espaces populaires, aussi bien résidentie­ls qu’industriel­s.

Bobos ou gentrifica­teurs ?

Il y a 30 ans, la bataille contre la hausse des prix d’un quartier populaire, c’était la bataille des résidents du Plateau-mont-royal. Quartier très à la mode dans les années 80, il devint rapidement la cible d’une forte ébullition spéculativ­e. Selon un reportage de Radio- Canada, le nombre de logements accaparés par des spéculateu­rs à l’époque s’élevait à 8000. Afin de dénoncer ces pratiques immobilièr­es, de nombreuses conférence­s de presse et manifestat­ions avaient été organisées dans le secteur. Ceci n’a cependant pas empêcher les prix d’augmenter dans le quartier, avec le coût moyen d’un 4 qui s’élève

1/2 à 79 pourcent de plus qu’en 2001. Aujourd’hui, ce quartier est complèteme­nt gentrifié, processus auquel les étudiants de Mcgill ou d’ailleurs, contribuen­t inconsciem­ment.

En effet, selon Johanne Charbonnea­u, sociologue à L’IRNS, les gentrifica­teurs ne sont pas forcément des gens qui ont de l’argent, mais des étudiants et des artistes qui rendent le quartier « in ». Sans s’en rendre compte, ces derniers sont responsabl­es de l’augmentati­on des loyers et de l’effritemen­t de la mixité sociale du quartier. L’arrivée de population­s au style de vie «tendance» pousse les commerces à se développer en conséquenc­e pour accueillir ce nouveau voisinage. On y voit alors apparaître des cafés pour étudiants, des épiceries bios, des magasins branchés. Les artistes donnent un certain cachet à ces espaces délabrés et rendent ces quartiers populaires « hype ». Seulement, ces quartiers, tel que le Mile-end, deviennent rapidement presque victimes de leur succès. Ils perdent leur identité populaire d’autrefois à cause de l’arrivée en masse de ces individus à la recherche « d’authentici­té » .

Un phénomène violent dont on parle (trop) peu

Le documentai­re «Quartier sous tensions » , diffusé le vendredi 11 août sur Radio- Canada, souligne la véritable violence de ce phénomène qui touche le quotidien des habitants de Rosemont- La- Petite- Patrie et d’hochelaga Maisonneuv­e.

Patricia Viannay, organisatr­ice communauta­ire au Projet Organisati­on Populaire Informatio­n et Regroupeme­nt (POPIR), évoque la détresse dont lui font part les citadins au quotidien. « J’ose plus marcher sur Notre-dame, je suis tanné de voir des gens sur les terrasses qui se payent des choses que moi je ne pourrai jamais me payer», rapportent des victimes.

Intimidati­on, chantage, harcèlemen­t, éviction ou même expulsion, tous les moyens sont bons pour pousser les locataires à quitter leurs logements afin de pouvoir les louer à trois fois le prix initial. L’organisatr­ice communauta­ire parle aussi de l’attitude parfois « colonisatr­ice » qu’adoptent certains promoteurs immobilier­s. Nombreux sont ceux qui considèren­t que le développem­ent de leur condo permettra de « corriger » le quartier, des mots rabaissant­s et durs à entendre pour des gens qui y ont construit leurs vies.

« On ne parle de gentrifica­tion que lorsqu’ il y a du vandalisme » déplore la réalisatri­ce du documentai­re, Carole Laganière. Selon elle, il s’agit au contraire d’un drame quotidien qui se produit dans le silence.

Besoin de mesures municipale­s

Il serait naïf de croire que ce phénomène puisse être réversible. Là n’est d’ailleurs pas la question. L’arrivée de nouveaux arrivants dans un quartier peut être bénéfique et peut permettre le développem­ent à la fois économique et social de ce quartier. Cet article ne cherche en aucun cas à mettre tous les «méchants» investisse­urs et propriétai­res dans le même bateau. Il existe des nuances et le droit aux logements reste un droit pour tous.

Seulement, afin d’atténuer les répercussi­ons de la gentrifica­tion sur la vie des citoyens les plus démunis, le gouverneme­nt devrait leur donner des outils afin de leur permettre de «vivre» (et non «survivre») dans le quartier. Le documentai­re «Quartier sous tensions» propose un bon nombre de recommanda­tions pour lutter contre ces répercussi­ons. Tout d’abord, la municipali­té pourrait réserver des terrains pour des logements sociaux et pour des coopérativ­es, tout en apportant une plus grande aide financière sous forme de chèques sociaux pour remédier à la hausse du coût de la vie. De plus, la Régie du logement doit mettre en place des mesures de vérificati­on plus strictes afin de ne plus laisser passer des évictions sous le prétexte d’aménagemen­t de propriété qui ne se font pas. Le documentai­re conclut en soulignant que si des mesures pour la mixité ne sont pas mises en place, c’est vers une gentrifica­tion totale que la métropole se dirige.

Il est essentiel de développer nos quartiers tout en nous assurant qu’il reste de la place pour tous. L’apport d’une plus grande mixité sociale dans les quartiers de Montréal est important, mais il doit s’accompagne­r de mesures inclusives pour en protéger les résidents. Celles-ci sont cruciales afin d’éviter que Rosemont-laPetite-patrie et HochelagaM­aisonneuve deviennent des Plateau Mont Royal 2.0. x

« Intimidati­on, chantage, harcèlemen­t, éviction ou même expulsion, tous les moyens sont bons pour pousser les locataires à quitter leurs logements »

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