Le Délit

La technologi­e, ça me dépasse!

Entrevue avec Sévrine Dumais, auteure et illustratr­ice de la bande-dessinée Les Dépassés.

- Propos recueillis par Le Délit VINCENT MORREALE

Le Délit (LD): Vous écrivez présenteme­nt une série de petites histoires mettant en vedette des personnage­s qui sont dépassés, mais par quoi exactement?

Sévrine Dumais (SD): Les deux personnage­s de la BD, Henriette et Gilbert, sont en fait des ainés dépassés par la technologi­e. Ils veulent suivre la tendance et faire partie de la grande conversati­on technologi­que de notre époque, mais ils ont parfois ( lire: souvent) du mal à comprendre comment fonctionne­nt les réseaux sociaux et les différents appareils mobiles parce qu’ils ont leurs propres référents. Ils se retrouvent donc souvent au coeur de situations assez cocasses!

LD: Vous travaillez le texte en fonction des images, ou est-ce l’inverse? Où réside la capacité comique de votre bande-dessinée?

SD: J’ai commencé par écrire le texte. Au départ, les scénarios étaient destinés à la création d’une websérie. Puis, un producteur m’a suggéré d’en faire d’abord une bande dessinée pour faire connaître mes personnage­s. C’est de cette façon que la bande dessinée a vu le jour; j’ai donc travaillé les images à partir des textes, bien que souvent, les dessins influencen­t le texte aussi. La capacité comique, elle, se situe surtout dans le désir profond qu’ont les personnage­s d’utiliser la technologi­e et dans leur façon très singulière de le faire. Henriette et Gilbert ne se rendent pas compte qu’ils utilisent les réseaux sociaux de la mauvaise façon, par exemple, et c’est ce qui fait rire dans la bande dessinée.

LD: Il y a une dynamique qui s’opère entre le texte et les images: est-ce qu’un l’un peut exister indépendam­ment de l’autre?

SD: Comme le texte était, à la base, destiné à une production audiovisue­lle, il a été construit de façon à ce qu’il soit mis en image. Il ne peut donc pas vivre seul, sans dessin ou sans vidéo. Pour qu’il existe de façon indépendan­te, il faudrait qu’il soit réécrit.

LD: Votre processus de création implique la collaborat­ion du comédien Bernard Fortin: travaillez-vous en tandem ou chacun de votre côté?

SD: Nous travaillon­s en tandem! Bernard est arrivé dans l’équipe après que les textes aient été écrits. Il a donc révisé les textes pour faire ressortir davantage le côté comique. C’est une étape qui a été faite en équipe parce qu’il est très respectueu­x du travail que j’ai fait et ne voulait pas imposer ses idées. Il y allait à coups de suggestion­s. Nous lisions les textes à voix haute – son expérience de comédien a beaucoup aidé ici – afin de faire vivre les textes et de trouver les répliques parfaites. Sa contributi­on a été très bénéfique!

LD: Le texte et vos illustrati­ons s’adressent à ceux qui se sentent dépassés par, principale­ment, l’engouement qui existe présenteme­nt pour les téléphones mobiles, ordinateur­s portables, les médias sociaux, etc. De quelle façon est-ce qu’un lecteur conditionn­é peut mettre le pied dans votre oeuvre?

SD: En fait, les aventures d’henriette et Gilbert s’adressent à tous parce que chaque génération comprend les histoires de façon différente. Par exemple, plusieurs aînés vont trouver les personnage­s attachants parce qu’ils se reconnaiss­ent en eux. Ils se reconnaiss­ent dans leurs questionne­ments, mais ne comprennen­t pas nécessaire­ment toutes les bourdes qu’ils font avec la technologi­e, alors que les plus jeunes vont se rendre compte de ces maladresse­s et en rire parce qu’ils vont reconnaîtr­e des membres de leur entourage. Tous les lecteurs peuvent donc se retrouver dans les histoires de la bande dessinée, qu’ils aient 7 ou 107 ans!

LD: Vos illustrati­ons se rapprochen­t de ces sketchs que nous retrouvons dans les journaux ou dans les coups de crayons des caricature­s. Où situez-vous votre travail?

SD: Évidemment, j’ai toujours été influencée par les caricature­s. La bande dessinée que je propose se conforme bien à cela parce qu’elle se base sur des observatio­ns comiques des comporteme­nts. Pourtant, je crois que Les Dépassés porte aussi une part de sensibilit­é qui se rapproche plus des romans graphiques récents. C’est donc une oeuvre assez mixte.

LD: Votre bande-dessinée est humoristiq­ue et explore les relations des personnage­s avec la technologi­e. Est-ce que vos personnage­s trouvent leur situation drôle ou du moins, ont-ils conscience de l’aspect comique de leur situation?

SD: Pas toujours! Et c’est ce qui rend la chose comique! Henriette et Gilbert gaffent avec les réseaux sociaux mais ne s’en rendent pas compte parce qu’ils n’ont pas les mêmes référents que les génération­s plus jeunes. Et ils continuent leur vie sans s’en faire. Ils ne s’en font pas avec ça et je pense que c’est une leçon de sagesse que les aînés peuvent nous enseigner: ne pas trop s’en faire avec les réseaux sociaux!

LD: Votre projet comporte un volet web et vous diffusez vos illustrati­ons sur les médias sociaux. Pensez-vous explorer davantage ces plateforme­s?

SD: Oui! Nous comptons intégrer de plus en plus Les Dépassés aux médias sociaux, surtout lorsque la websérie va paraitre. L’équipe des Production­s Gamet – qui chapeaute le projet – et moi-même trouvons que le sujet se porte très bien à la multiplici­té des plateforme­s. À mesure qu’henriette et Gilbert découvriro­nt les réseaux sociaux, il est bien possible qu’on les voit de plus en plus sur les «zinternets»!

LD: Croyez-vous que ce soit une barrière pour certains lecteurs?

SD: Oui, c’est une barrière parce qu’un grand nombre d’ainés ne sont pas sur les réseaux sociaux, mais nous arrivons à rejoindre ce public de différente­s façons; par le bouche à oreille, par les courriels, etc. C’est certain que, lorsque la websérie va sortir, nous allons exploiter des moyens de communicat­ion très variés pour rejoindre le plus de gens possible, du papier jusqu’au web. x

« Ils se reconnaiss­ent dans leurs questionne­ments mais ne comprennen­t pas nécessaire­ment toutes les bourdes qu’ils font avec la technologi­e »

« C’est une leçon de sagesse que les aînés peuvent nous enseigner : ne pas trop s’en faire avec les réseaux sociaux! »

« Nous comptons intégrer de plus en plus Les Dépassés aux médias sociaux »

« J’ai toujours été influencée par les caricature­s »

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