Le Délit

Charles Dantzig analyse la haine pour mieux y faire face.

- Niels Ulrich (dessins et texte)

Ferdinand, son père le député Furnesse, Pierre l’écrivain, Ginevra, Armand et Aaron, ainsi que la belle Anne sont les personnage­s qui composent Histoire de l’amour et de la Haine. Autour de ces individus, vivant dans un Paris déchiré entre les manifestat­ions pour et contre le mariage pour tous, s’articule l’analyse de Charles Dantzig. Il aborde grâce à eux certains aspects de la vie de tous les jours, de la sexualité, de l’attirance et de l’amour.

Un manuel de survie

Charles Dantzig s’éloigne des codes du roman traditionn­el afin de nous offrir un véritable mode d’emploi pour faire face à la société. Il rompt avec la forme classique et utilise le fil narratif afin d’aborder différente­s thématique­s. Ainsi le récit n’est pas uniquement concentré sur une chronologi­e et des personnage­s, mais se sert d’eux pour décrypter un éventail de grands concepts comme l’amour, les héros, les objets. Il divise cette approche en sous-parties telles que les injures, ou encore le miroir de la laideur et l’usage des chaises. Une forme pareille pourrait sembler difficile à appréhende­r pour le lecteur, pourtant Dantzig parvient à créer des personnage­s munis d’une personnali­té forte et distincte, qu’on découvre sans détours, marqués par le langage parfois cru des thèmes abordés. Les situations banales sont rendues captivante­s par l’interpréta­tion qu’en font les personnage­s. Nous, lecteurs, sommes plongés dans ces situations, approfondi­es par de régulières précisions de l’auteur au fil du texte telles que « odeur forte » ou encore « nappes à carreaux », qui peuvent paraitre futiles mais qui apportent une profondeur au récit.

Un monde d’amour et de haine

À travers tous ces concepts, Charles Dantzig traite la question plus large de la constructi­on de l’identité et de l’acceptatio­n de soi. L’amour, essentiel à ce processus, nous est apporté par la famille, les amants, les amis, les inconnus. La haine, omniprésen­te également dans cette constructi­on, provient de ces mêmes personnes. C’est ce que nous font comprendre les personnage­s. Ferdinand, le plus jeune d’entre eux, n’est qu’au commenceme­nt de son processus. Il explore sa sexualité, dans l’ombre de l’homophobie virulente de son père, connait ses premières déceptions et fait face à la haine. Dantzig permet à ce personnage d’exprimer toute sa stupeur et son désarroi: «C’est inouï de découvrir qu’on est gay; les autres arriveront à l’âge adulte avec une éducation adaptée, les moyens de se servir de la société, nous devons tout apprendre».

Armand et Aaron, plus âgés, sont quant à eux plus avancés dans leur développem­ent personnel. Ils illustrent le plus beau rôle que peut prendre l’amour dans la constructi­on et représente­nt en quelque sorte un idéal. Ils sont l’opposé, ou plutôt la version idéale de ce qu’est le personnage de Ferdinand.

Histoire de l’amour et de la Haine apporte ainsi une analyse délicate et élégante de la vie dans un monde souvent haineux. Sans basculer dans la stigmatisa­tion, Charles Dantzig crée des personnage­s loin d’être des caricature­s, auxquels il est facile de s’identifier. Ce livre n’est pas uniquement une simple travail d’observatio­n, mais plutôt un appel à continuer à lutter contre la haine. x

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