Le Délit

Le nom de nos équipes ne devrait pas nous faire rougir

- Rédactrice en chef et Coordonnat­eur de la Production Lara Benattar et Sébastien Oudin-filipecki

«En vue de positionne­r Mcgill comme un chef de file de l’après- CVR (Commission de vérité et réconcilia­tion du Canada, ndlr) tout en tenant compte des points de vue partagés au sein de la communauté mcgilloise, le Groupe de travail invite notre université à lancer un processus de consultati­on à l’intérieur de l’université, mais aussi auprès des organismes et des communauté­s externes concernés, afin de renommer les équipes universita­ires masculines de Mcgill ». En ces termes, le Groupe de travail du vice-principal exécutif sur les études et l’éducation autochtone­s demandaien­t l’année dernière à l’administra­tion de changer le nom Redmen. Ce nom est une référence directe à l’appellatio­n péjorative « Peaux-rouges », selon le rapport du Groupe.

Le bureau aux Affaires autochtone­s de L’AÉUM (une branche des Affaires externes de la fédération étudiante) organise, le 31 octobre prochain, une manifestat­ion devant le pavillon de l’administra­tion James, et ce, alors que la campagne pour le changement de nom a suscité une forte attention médiatique, y compris au niveau national. Dans un communiqué le vice-principal exécutif, le Pr. Christophe­r Manfredi reconnaiss­ait pour la première fois « la frustratio­n et l’impatience » de la communauté mcgilloise, promettant un vaste processus de consultati­on et ce, alors que l’université a promis de revoir ses initiative­s de commémorat­ion et de changement de nom avant son 200e anniversai­re. Tout en reconnaiss­ant la frustratio­n de la communauté, la décision du vice-principal exécutif ne l’allège pas, en nous promettant un nouveau processus de consultati­on, sans nous garantir qu’une décision sera prise à sa suite.

Dans notre éditorial du 25 septembre, nous soulignion­s l’importance de briser le monopole de la subjectivi­té, en condamnant l’habitude des personnes non autochtone­s à prêter aux Autochtone­s des désirs, des souffrance­s et des revendicat­ions sans consultati­on préalable. La même critique pourrait avoir aujourd’hui une certaine légitimité, au regard des différente­s réactions suscitées par l’appel au changement de nom des équipes sportives masculines de l’université.

Nous espérons que les voix seront pesées à l’aune de leurs histoires. La mise en place de plateforme­s de débats solides, accessible­s à grande échelle est urgente. En effet, sans discussion préalable entre les différents partis, et notamment sans diffusion claire des souffrance­s causées par l’associatio­n des équipes sportives de l’université à des symboles et des stéréotype­s violents liés aux communauté­s autochtone­s, le résultat des consultati­ons ne pourra être satisfaisa­nt. Il ne sera que le fait de sentiments isolés, notamment ceux émanant du fort attachemen­t des athlètes et des amateurs·rices de sport à l’université, qui n’auront pas pu être remis en question en profondeur. Il faut que ceux et celles qui répètent que le nom Redmen n’est qu’une référence aux couleurs de l’université entendent la force performati­ve du langage : quelle que soit l’intention à la source de la création de ce nom, ce dernier renforce les violences symbolique­s perpétuées à l’égard des communauté­s autochtone­s.

Si Pr. Christophe­r Manfredi souligne l’importance du « sentiment d’appartenan­ce envers le nom Redmen », nous pensons que l’histoire d’oppression des peuples autochtone­s au Canada et le devoir d’exemplarit­é de Mcgill à leur égard doit être pris en plus grande considérat­ion. Il est probable que le sentiment d’appartenan­ce de la communauté soit davantage lié aux équipes et à leurs performanc­es sportives qu’au nom inscrit sur le jersey des joueurs. Il nous semble que les valeurs prônées dans les hautes sphères du sport mcgillois, comme le respect, le courage et l’esprit d’équipe correspond­ent au combat mené avec déterminat­ion depuis plusieurs semaines pour le changement de nom. x

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