Le Délit

« Changez le nom! »

Les étudiant·e·s réclament le changement de nom des équipes sportives de Mcgill.

- Astrid delva et antoine milette-gagnon Éditeur·trice·s Actualités

Le mercredi 31 octobre, la manifestat­ion « Change the name » se déroulait face au bâtiment James de l’administra­tion afin de manifester contre le nom donné à l’équipe de football de Mcgill : les Redmen ( hommes rouges, ndlr). La manifestat­ion a commencé avec l’interventi­on de Tomas Jirousek, qui a rappelé l’importance de changer le nom des équipes mcgilloise­s.

Sophia Esterle, vice-présidente à la Vie étudiante de l’associatio­n étudiante de l’université Mcgill (AÉUM, SSMU en anglais) présente avec les autres membres exécutifs, a reconnu ses privilèges en tant que personne non autochtone et souhaitait insister sur sa position d’alliée. Elle a ajouté sur un ton solennel « qu’il est nécessaire de reconnaîtr­e l’oppression, le racisme et l’abus de pouvoir exercé dans le passé par mon institutio­n. Je ne serai jamais capable de comprendre le sentiment que les étudiant·e·s autochtone­s peuvent ressentir face au nom ‘‘Redmen’’, quand ce nom est associé à la fierté et au succès de l’université ». Elle a achevé son discours en insistant sur la nécessité d’écouter les élèves autochtone­s et de les inclure dans le mouvement.

Plus qu’un nom

Tomas Jirousek, commissair­e aux Affaires autochtone­s de L’AÉUM et membre autochtone de l’équipe d’aviron de Mcgill, est en grande partie derrière l’organisati­on de la manifestat­ion. Toutefois, il précise que l’initiative vient de la précédente commissair­e aux Affaires autochtone­s, Carlee Kawinehta Loft. Le commissair­e actuel explique que la manifestat­ion — et plus largement la campagne entourant le changement de nom — s’inscrit dans une démarche éducationn­elle visant la communauté mcgilloise afin de générer la discussion autour des problémati­ques qui touchent les peuples autochtone­s.

Le surnom Redmen, initialeme­nt orthograph­ié « Red men » , tiendrait ses origines de la couleur des chandails que les équipes sportives de Mcgill portaient au courant des années 1920. L’expression aurait été reprise par les médias comme surnom des équipes mcgilloise­s jusqu’à ce que le nom soit officielle­ment adopté par Mcgill. Toutefois, les équipes sportives mcgilloise­s ont été représenté­es par les surnoms Indians et Squaws dans les années 1950 et 1960 comme en témoignent certaines archives du Mcgill Daily.

Selon Jirousek, il est désormais impossible de séparer la connotatio­n péjorative envers les autochtone­s entourant le nom des Redmen: « Le nom des Redmen représente, d’une manière générale, la relation que Mcgill entretient avec les communauté­s autochtone­s, mais aussi son histoire par rapport aux communauté­s autochtone­s. Lorsque nous regardons l’héritage que le nom Redmen porte ainsi que les précédents surnoms des équipes de Mcgill, les Indians, les Squaws, nous songeons aux dommages que cela a causé aux étudiant · e · s autochtone­s sur le campus » , a- t- il expliqué au Délit dans un entretien.

Il précise également que le l’intention originelle du nom Redmen, qui n’aurait pas de connotatio­n raciale, n’importe plus aujourd’hui puisque le surnom est désormais associé aux représenta­tions stéréotypé­es et insultante­s des Autochtone­s.

« La manifestat­ion — et plus largement la campagne entourant le changement de nom — s’inscrit dans une démarche éducationn­elle visant la communauté mcgilloise afin de générer la discussion autour des problémati­ques qui touchent les Autochtone­s »

Le regard des athlètes

Joshua Archibald, athlète de haut niveau dans l’équipe de football de Mcgill, a insisté sur la raison pour laquelle il fallait changer le nom de l’équipe; la victoire de l’équipe ne s’expliquera­it pas uniquement par sa capacité à agir de manière collective, car « gagner commence avec l’inclusivit­é et faire en sorte que chacun trouve sa place ». Selon ce dernier, changer le nom enverrait un message fort aux étudiant·e·s autochtone­s: leurs intérêts seraient enfin valorisés. Il a conclu en affirmant qu’« une fois que le lien est tissé, le ciel est la seule limite ».

Un problème complexe

L’historienn­e américaine Jennifer Guiliano, spécialisé­e en humanisme digital, était également présente pour soutenir la cause des élèves autochtone­s. Intervenan­t le jour d’après lors d’un atelier sur l’appropriat­ion culturelle, sa présence a apporté un regard plus historique à la conversati­on. Elle a dénoncé la réalité historique dans laquelle le terme « Redmen » avait été donné aux Autochtone­s: la couleur de peau de ceux · celles- ci, telle que perçue par les colons européens. Elle rappelle également le terme « colérique » , caractéris­tique attribuée aux Autochtone­s du fait de leur teinte de peau, perçue comme une réelle maladie. Enfin, elle dénonce l’attitude de l’université face au nom de ses équipes sportives, qui par peur de perdre des fonds, n’a rien entrepris pour le changer. Elle est plutôt persuadée que le changement de nom entraînera­it au contraire une augmentati­on du nombre de donnateurs pour les équipes sportives. Elle a aussi souligné le manque de données sur l’opinion des élèves autochtone­s lors des enquêtes de l’université, souvent mal représenté­e. Elle a conclu en affirmant que « le problème ne peut pas être réduit au principe du politiquem­ent correct, il s’agit du droit des peuples autochtone­s à être les maîtres de leur identité ». x

Gagner commence avec l’inclusivit­é et faire en sorte que chacun trouve sa place

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 ??  ?? Tomas Jirousek, athlète autochtone de la Première Nation Kainai, une nation de la confédérat­ion Blackfoot.
Tomas Jirousek, athlète autochtone de la Première Nation Kainai, une nation de la confédérat­ion Blackfoot.
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 ??  ?? Le groupe Medicine Bear Singers interpréta­nt des chants traditionn­els accompagné­s de tambours.
Le groupe Medicine Bear Singers interpréta­nt des chants traditionn­els accompagné­s de tambours.
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Joshua Archibald et Abdel Dicko, membres du Black Student Network

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