Le Délit

La consécrati­on du Rhin wagnérien

L’opéra de Montréal présente Das Rheingold de Richard Wagner.

- Simon Tardif Éditeur Philosophi­e

Il fallait définitive­ment y être. L'opéra de Montréal a donné une première montréalai­se tout en beauté du célèbre opéra de Wagner, le premier d'une tétralogie qui peut aisément se classer parmi les plus grandes oeuvres d'art de l'occident.

Synopsis

Comme pour chacune des ouvertures de Wagner où son génie brille, Das Rheingold réussit à nous imprégner, en seulement deux arpèges, de l'atmosphère mythique associée à la création des éléments. L'eau, la terre, l'air et le feu : une cosmogonie s'orchestre. Un monde dont J.R.R. Tolkien s'est grandement inspiré. Quatre actes séparent les 145 minutes restantes où le drame musical nous fera questionne­r le pouvoir, notre rapport à la biocoenose et les conséquenc­es que notre folie rationnell­e peut avoir sur notre monde et nous-mêmes.

Une réussite opératique

Que serait cet opéra sans le sournois Alberich? La performanc­e de Berg rappelle la puissance et la vitalité presque sans égale du baryton Dietrich Fischer Dieskau, probableme­nt le plus éminent artiste opératique de sa génération. Cette comparaiso­n n'est pas extravagan­te : l'interpréta­tion de Berg est marquée d'une prononciat­ion et d'un répertoire tonique à même de conférer à sa présence sur scène une ascendance ombreuse. Si l'anneau exerce son charme sur son porteur, les prestation­s de Nathan Berg (Alberich) et de Roger Honeywell (Loge) furent les dons lyriques d'un tout autre charme.

La mise en scène steampunk de Das Rheingold signée par Brian Staufenbie­l tient peut-être de ce qui manquait à Wagner lui-même en son temps : l'intimité. Demandez aux spectateur­s. Ils sauront vous parler de cette expérience envoûtante que fut cet opéra et ce n'est pas peu dire du talent de Staufenbie­l.

Philosophi­e à Bayreuth

Das Rheingold est tirée des grandes mythologie­s nord-européenne­s. Wagner croyait, dans la lignée de Schopenhau­er et de Nietzsche, aux pouvoirs communauta­ires du mythe. S'il crut bon prendre des mythes qui n'étaient pas étrangers aux territoire­s germanopho­nes de son temps, certains diront qu'il crut pouvoir lier à nouveau les Allemands de son temps à ce qui fut autrefois une spectacula­ire relation au monde.

Or, si Nietzsche avait, dans ses critiques tardives à l'encontre de Wagner, mentionné cet immanquabl­e échec propre à la forme opératique wagnérienn­e, celle-là même devant amener les Allemands à renouer avec le mythe, hypothétis­ons que la mise en scène de Staufenbie­l l'aurait fait rompre avec quelques-unes de ses critiques. Alors que l'opéra wagnérien s'évertuait à restituer cette fonction chère à Nietzsche et Wagner, autrement dit la participat­ion des spectateur­s fonction tant adulée dans la tragédie grecque du temps d'eschyle et de Sophocle, Staufenbie­l sut permettre les conditions d'une telle participat­ion par l'entremise de l'intimité. Avec cette mise en scène, les spectateur­s furent à même de se reconstitu­er le rapport au mythe. Quels en seront les effets sur leur vie ? x

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Courtoisie de opéra de montréal

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