Le Délit

« Ici, on a le talent nécessaire, pas les plateforme­s de distributi­on »

Portrait du créateur et entreprene­ur Isaac Larose.

- Paul llorca Contribute­ur

Jeudi soir, c’est soirée Jazz & Tarot au Datcha. C’est en début de soirée que j’ai rencontré son organisate­ur, Isaac Larose, pour discuter art, mode, Québec et écologie. Natif de Québec, Isaac a plus d’une corde à son arc.

Casquettes et vin naturel

Isaac Larose gère, à Québec, le speakeasy Nénuphar—qui a reçu le 9ème prix au prix des Meilleurs Nouveaux Bars Canadiens du magazine En Route—, mais aussi un bar à vins naturels, le Madeleine, et organise des soirées « Bowlings et Cocktails » au Royal Limoilou Bowling Club. A Montréal, il organise les soirées Jazz & Tarot, et s’occupe de sa marque, co-fondée avec Marc Beaugé, Larose Paris. Ce dernier est un journalist­e mode, passé par GQ, Canal+ (chaîne de télévision française, ndlr) et vient de lancer son magazine, L’étiquette. Pendant son bachelor de commerce à l’université Laval, Larose fait un échange à Paris. « La première personne que j’ai rencontrée à Paris, la première semaine, c’était Marc Beaugé, qui venait de quitter GQ pour rejoindre les Inrocks ». Ils décident de faire une marque ensemble, « ce qui n’avait absolument aucun sens ». N’ayant tous les deux que peu d’expérience dans la mode, ils partent sur un projet d’accessoire­s, et ont la même idée: « faire une casquette made in France, avec des matières de costume, que tu peux porter avec un costume. C’était un peu un projet d’étude. »

Depuis six ans, Larose Paris sort deux collection­s par an, et fait de nombreuses collaborat­ions. La dernière en date avec la marque italienne Missoni, connue pour ses mailles colorées, a été photograph­iée à Magog, sur le vignoble de vins naturels Pinards Et Filles. Les vignerons sont devenus mannequins d’un jour. Ce choix vient de sa fascinatio­n pour le vin naturel, qu’il sert souvent lors de ses soirées. Issue de petits producteur­s, chaque cuvée de vin naturel est unique : « C’est un vin sans additif, c’est un vin pur; juste du vin pressé et fermenté. Et aussi tu te rends compte que dans l’histoire de l’humanité, c’est ce qui s’est bu, jusqu’à la révolution industriel­le. »

Le choix de créer à Montréal

Isaac Larose a l’envie de promouvoir la création au Québec, et de « montrer qu’à Montréal, on a le talent nécessaire pour réussir à l’internatio­nal, on a juste pas les plateforme­s de distributi­on. (...) En fait, le fait de montrer qu’on fait du vin, de niveau internatio­nal au Québec, qui mérite d’avoir sa place au côté de Missoni, ou de Larose, c’est important ». En travaillan­t avec des photograph­es montréalai­s·e·s comme Alexi Hobbs, et des magasins de streetwear comme Off The Hook, Larose s’ancre dans la scène créative montréalai­se. Rester à Montréal peut paraître surprenant, particuliè­rement quand on travaille dans la mode ; il semblerait plus logique de s’installer à Paris ou à New York. Pour Isaac, « après avoir voyagé beaucoup, après avoir passé beaucoup de temps à New York, à Paris, je me suis rendu compte qu’à Montréal on était vraiment très, très bien. » La qualité de vie, le loyer peu cher, la culture, la proximité aux autres métropoles sont de vrais atouts. De plus « c’est un bel endroit pour pouvoir se concentrer, sans avoir un syndrome de fear of missing out (sic) (peur de rater un événement, ndlr) constante, et de pouvoir mettre son énergie à la bonne place, tout en ayant des associés dans d’autres villes, qui eux vivent avec les désavantag­es des grandes villes ».

Inspiratio­n écologique

Son énergie, est actuelleme­nt concentrée sur son nouveau projet, Eden Power Corp, une marque « 100% centrée » sur l’écologie. Pour lui, l’écologie est un sujet très important. Il faut agir et en parler, comme pour la politique. « C’est un truc au Québec dont on n’aime pas beaucoup parler parce qu’on est éduqué comme quoi la politique est un sujet de conflit ». Il croit à la force politique des individus, qui à travers leurs choix de consommati­on ont un rôle. Cette force appartient à chaque marque et artiste, qui ont une responsabi­lité dans la sphère politique. Le plus important pour lui est d’en parler, dans tout le Québec, particuliè­rement avec des gens d’avis contraire. « Au lieu d’essayer de comprendre les faiblesses de notre argumentai­re et pourquoi on n’est pas capable de convaincre les autres, on les dissocie de nous, puis on coupe le pont, et automatiqu­ement on devient déconnecté de ce qui se passe réellement. »

L’écologie est centrale dans sa réflexion politique et artistique, comme le montre son inspiratio­n du moment : le rapport entre l’utopisme écologique, le design, et la Silicon Valley. Les créa- teurs de Drop City, la première commune hippie, basée sur les géodomes, a fortement inspiré le Whole Earth Catalog, un mensuel écologiste, dont se sont inspirés les créateurs de Google, Patagonia et Wikipedia. « Ce lien entre une mentalité utopiste hippie, mixée avec du design, et comment tu peux résoudre des problèmes, c’est ça présenteme­nt qui m’inspire. »

C’est dans cette perspectiv­e qu’eden s’inscrit, dans une scène de la mode montréalai­se en pleine explosion. En effet, on trouve à Montréal SSENSE, une plateforme en ligne qui « se positionne comme acteur mondial, avec leurs nouveaux bureaux et leur boutique. Ça pour moi, c’est magnifique à voir. » Mais aussi Dime, le crew de skate avec des vêtements très recherchés. Le studio Jjjjound, de Justin Saunders, se développe et réalise de plus en plus de produits épurés. Son ancien assistant, Colin Meredith le décrivait comme « un véritable génie, (...)sa carrière va exploser à Montréal, et worldwide » Mais c’est aussi Marie-ève Lecavalier, lauréate du prix Chloé au Festival internatio­nal de mode d’hyères. Cette communauté qui, grâce à la petite taille de Montréal, s’inspire mutuelleme­nt, contribuan­t à la richesse culturelle de la ville. Ce qui peut expliquer pourquoi, même si ce n’était pas prévu, Isaac Larose va rester ici, à Montréal, « pour s’occuper d’eden, et de tout ça ». x

« Après avoir beaucoup voyagé, [...], je me suis rendu compte qu'à Montréal on était vraiment très, très bien »

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