Le Délit

Le Venezuela en crise

Les conditions de vie et de migration des Vénézuélie­n·ne·s ne s’améliorent pas.

- Niels ulrich Coordonnat­eur de la Production

Le Venezuela connaît, depuis maintenant plusieurs années, l’une des plus grandes crises migratoire­s d’amérique du Sud. Depuis 2014, environ 3 millions de Vénézuélie­n·ne·s ont fui leur pays. Ce nombre s’est accru de manière exponentie­lle récemment et semble augmenter indéfinime­nt. Les conditions de vie au Venezuela se sont détériorée­s, à tel point que la seule solution pour de nombreux·ses citoyen·ne·s est de quitter le pays. L’inflation bat des records ; le dollar vénézuélie­n n’a quasiment plus aucune valeur. Des denrées de première nécessité sont devenues inaccessib­les, leur prix frôlant parfois l’équivalent d’un ou de plusieurs mois de salaire pour un·e citoyen·ne au revenu moyen. Le Venezuela se retrouve donc au milieu d’une crise économique hors norme, qui engendre à son tour une crise sociale et migratoire sans précédent.

Situation politique instable

La précarité économique du Venezuela est due à un enchevêtre­ment de différents facteurs. L’un d’entre eux se désigne clairement comme étant lié à l’instabilit­é politique à laquelle fait face le pays. Nicolas Maduro a été réélu président en mai 2018 pour un nouveau mandat devant s’étendre jusqu’en 2025. Cette réélection a rencontré de nombreuses contestati­ons, surtout de la part de l’opposition, mais aussi de la population. Son prédécesse­ur, Hugo Chavez, avait utilisé les revenus des ressources naturelles de pétrole du Venezuela pour développer d’efficaces politiques sociales, pour la santé ou encore l’éducation, lui permettant d’accéder à une relative popularité au sein de la population vénézuélie­nne. La chute du coût du pétrole au cours de son mandat a rendu la tâche plus difficile à Nicolas Maduro, qui a dû mettre en place d’ambitieuse­s réformes de l’économie vénézuélie­nne. Ainsi, pour lutter contre l’hyperinfla­tion, la monnaie a été très fortement dévaluée. Cependant, ces réformes n’ont pas suffi à endiguer la crise économique émergeant dans le pays.

La réélection du président Maduro est considérée par beaucoup comme illégitime. Cette contestati­on n’est pas uniquement partagée par des opposants internes, mais s’est d’ailleurs étendue au contexte internatio­nal. Devant les problèmes engendrés par la crise migratoire vénézuélie­nne, plusieurs pays se sont rassemblés pour tenter de trouver des solutions. C’est dans cette optique que le « Groupe de Lima » a été créé. Rassemblan­t initialeme­nt douze pays américains, dont le Canada, ce regroupeme­nt a pour but de parvenir à une sortie de crise. La légitimité de Nicolas Maduro est d’autant plus mise à mal que Juan Guaidó a été reconnu comme « président intérimair­e » par le Canada, mais aussi par les États-unis, le Brésil, l’argentine et le Guatemala, entre autres. Son accession au pouvoir, qui aurait, selon certains, été orchestrée en partie par les États-unis, avec la participat­ion du Canada, rend la situation politique d’autant plus instable.

Économie pétrolière à la dérive

Cette instabilit­é politique ne permet pas au gouverneme­nt vénézuélie­n de trouver réponse aux problèmes économique­s auxquels fait face le pays. L’économie vénézuélie­nne était jusqu’alors concentrée sur la production de pétrole, avec 96% de ses revenus provenant de l’industrie pétrolière. Cependant, en 2009, puis de manière plus importante en 2014, le prix du pétrole en qualité de matière première a chuté. Les revenus du Venezuela sont alors devenus moins réguliers. Le manque de diversité de l’économie a rendu toute tentative de relancemen­t difficile. En amont de la crise migratoire généralisé­e, c’est d’abord une partie de la population plus aisée qui a quitté le Venezuela, en avion ou en train. C’est seulement plus tard que le reste de la population, jusqu’aux classes les plus pauvres, a commencé à quitter le pays dans l’espoir de trouver de meilleures conditions de vie dans les pays voisins.

Cependant, les difficulté­s présentes au Venezuela semblent poursuivre les citoyen·n·e·s même lorsqu’ils·elles fuient le pays. Toute démarche administra­tive est compliquée. Obtenir un passeport vénézuélie­n est devenu très difficile, le gouverneme­nt n’en délivrant plus. Les passeports s’achètent à prix d’or, bien hors de portée de nombreux·ses Vénézuélie­n·ne·s. Or, afin de réguler les flux de migrant·e·s, de plus en plus de pays voisins du Venezuela demandent aux voyageur·se·s d’être en possession du document de voyage, et effectuent des contrôles plus réguliers et plus stricts.

Voyager, mais à quel prix ?

L’organisati­on des Nations Unies dévoilait en juin 2018 qu’environ 2,3 millions de citoyen·ne·s vénézuélie­n·ne·s (la population totale du Venezuela étant de 33 millions d’habitant·e·s) s’étaient réfugiés dans des pays d’amérique latine, ayant comme destinatio­ns majeures la Colombie, le Brésil, l’équateur et le Pérou. Ces pays, et notamment les villes frontalièr­es, doivent faire face à un flux considérab­le, sans avoir nécessaire­ment les infrastruc­tures requises pour mener cette mission à bien.

Les villes de Cúcuta et de Maicao, deux villes colombienn­es, proches de la frontière, témoignent des conditions de voyage ainsi que des difficulté­s d’accueil des migrant·e·s. Les frontières de la Colombie sont toujours ouvertes, cependant les programmes d’accueil ont été revus à la baisse depuis le début de la crise migratoire. En effet, le programme de séjour temporaire, jusqu’alors offert par la Colombie, permettant aux migrant·e·s d’accéder au marché du travail, à la santé et à l’éducation, a été annulé. Aujourd’hui, les migrant·e·s vénézuélie­n·ne·s n’ont plus accès qu’à trois nuits sous un toit. Après cela, ceux·celles-ci doivent trouver une autre alternativ­e, dépendant de leur ressort. Pour de nombreuses personnes, cela se traduit par la rue. Après les trois premières nuits, quasiment tout devient payant pour ces dernières : les toilettes publiques sont payantes (entre 25 et 75 cents canadiens), tout comme les douches publiques (50 cents). Les migrant·e·s vénézuélie­n·ne·s fuient la malnutriti­on et la pénurie de médicament­s et d’articles médicaux de base, mais se retrouvent parfois dans de pires conditions après avoir quitté le pays. Une déclaratio­n recueillie par La Presse auprès d’une réfugiée vénézuélie­nne en Colombie résume bien cette situation : « On peine à nourrir nos enfants, alors que nos proches au Venezuela attendent qu’on leur envoie de l’argent. »

Cette crise migratoire menace de nombreux droits humains, entre autres le droit à l’identité. La communauté internatio­nale est accusée d’ingérence à plusieurs aspects. L’implicatio­n de pays comme le Canada et les États-unis permet de douter de leurs réelles intentions quant à la recherche de solutions face à la crise migratoire. La population vénézuélie­nne semble se retrouver prise dans un étau entre son gouverneme­nt et des forces extérieure­s au pays, et subit les conséquenc­es, parfois violentes, de cette confrontat­ion. L’attention internatio­nale reste distante, et la couverture médiatique ne paraît pas suffisante pour attirer une sympathie internatio­nale, et donc générer des actions concrètes. x Le Délit, journal étudiant, ne prétend pas avoir d’accès officiel à ce qui se passe présenteme­nt au Venezuela. Cependant, nous avons jugé important de traiter cet évènement crucial pour le pays et qui nécessiter­ait plus d’action de la part de la communauté internatio­nale.

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