Le Délit

Réconcilie­r les langues

Le Délit a assisté à une conférence abordant la cohabitati­on linguistiq­ue au Canada.

- Rafael miró Éditeur Actualités Dylan theriault-harris Contribute­ur

En prévision de la conférence « Les défis de la coexistenc­e » portant sur les politiques linguistiq­ues du Canada, les organisate­urs de l’évenement avaient fait appel aux services d’une agence de traduction en simultané. Toutefois, le retard inattendu des traducteur­s a offert à la professeur­e de droit constituti­onnel Johanne Poirier, qui chapeautai­t l’évènement, l’occasion d’illustrer l’enjeu de manière éloquente : choisir de parler dans une langue plutôt qu’une autre est un geste forcément lourd de sens, puisqu’il favorise de facto un groupe d’auditeurs aux autres. Ce serait pourquoi, dans un Canada historique­ment bilingue, la question de la langue demeure un champ de mines politique.

Un Canada bilingue

Participan­t du premier panel, qui portait sur les minorités de langues officielle­s, Graham Fraser, ancien commissair­e aux langues officielle­s du Canada, est venu rappeler brièvement l’histoire des lois linguistiq­ues canadienne­s. C’est en 1969, sous Pierre Elliott Trudeau, qu’a été adoptée la Loi sur les langues officielle­s, qui avait pour but de mettre sur un pied d’égalité les deux principale­s communauté­s linguistiq­ues du pays, en rendant bilingue le fonctionne­ment du gouverneme­nt fédéral canadien. Les autres panélistes ont toutefois tenté de montrer certaines des limites pratiques du bilinguism­e fédéral, notamment en mentionnan­t que, déjà en 1969, plusieurs anglophone­s de la fonction publique craignaien­t de devoir apprendre le français pour conserver leur emploi, même si la loi exigeait seulement qu’au moins une personne soit en mesure de procurer chaque service en français.

Diversité fédérale

Robert Doucet, acadien d’origine et professeur de droit à l’université de Moncton, a partagé son idée que, bien que le bilinguism­e soit constituti­onnalisé au Nouveau-brunswick, seule province officielle­ment bilingue du pays, il n’y existe pas de réelle culture du bilinguism­e. En réalité, 77 % des francophon­es de la province seraient aujourd’hui bilingues, contre seulement 15 % des anglophone­s. Si la vie en français est donc possible au Nouveau-brunswick, c’est l’anglais qu’il faut parler afin d’être entendu. D’ailleurs, le bilinguism­e officiel est remis en question par de nombreuses personnali­tés politiques anglophone­s du NouveauBru­nswick, notamment par les députés de l’alliance des gens, un parti conservate­ur détenant actuelleme­nt la balance du pouvoir.

Le problème politique est encore plus grand en Ontario, où le bilinguism­e étatique n’est pas une obligation légale. L’accès aux services en français pour les franco-ontariens est donc soumis au bon vouloir des gouverneme­nts successifs, qui, bien qu’étant plutôt bien disposés, peuvent, tout comme le gouverneme­nt progressis­te-conservate­ur de Doug Ford, décider de supprimer le commissari­at aux langues officielle­s et d’annuler le projet d’une université francophon­e en Ontario. Kathleen Weil, ancienne ministre libérale québécoise, a clos ce premier panel en parlant de la réalité parfois difficile des anglophone­s

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada