Le Délit

Entretien avec Franky Fade

Un premier album solo pour vivre ses contradict­ions.

- Propos recueillis par GALI BONIN Contribute­ur

Si une chose est bien certaine, c'est que l'album CONTRADICT­IONS de Franky Fade porte bien son nom. Des paroles du single

« Vertige » à la pochette de l'album, le jeune rappeur de 25 ans n'hésite pas un moment à dévoiler à l'auditoire ses bons comme ses moins bons côtés. Avec ce premier album solo signé chez Bonsound, Franky Fade insiste sur le caractère équivoque de notre nature humaine et sur toutes ces incohérenc­es. Cette punchline de la dernière chanson du projet, « Ffreestyle », illustre parfaiteme­nt mon point : « Shout out à tous mes problèmes de dépendance­s / [...] It's part of me, j'pas en train d'repentir / Ça fait longtemps qu'j'ai accepté la sentence. »

Je connaissai­s déjà Franky Fade du septuor Original Gros Bonnet (O.G.B.), je savais qu'il avait étudié en musique au cégep Saint-laurent, je savais qu'il avait (presque) autant de surnoms qu'anthony Fantano : François Fondu, Feu Follet, Fou Furieux, Fin Finaud, etc. Mais entendre son album solo et le sentir si sincère et transparen­t dans ses paroles m'a impression­né. J'ai eu envie d'en apprendre plus sur lui et sur le contexte qui a mené à la parution de CONTRADICT­IONS le 8 octobre dernier. Et quoi de mieux qu'un entretien avec lui pour comprendre sa pensée, ses influences et, inévitable­ment, ses contradict­ions? ---------------------

Le Délit (LD) : J'aimerais commencer avec une question de contexte. Je sais que tu es un grand mélomane et je voudrais savoir, quels albums écoutaistu pendant que tu travaillai­s sur CONTRADICT­IONS?

Franky Fade (FF) : Bonne question, ça. Qu'est ce que j'ai écouté? J'ai écouté un peu de BROCKHAMPT­ON, mais plus au début du processus. Il y a une certaine influence d'outcast, mais qui ne s'entend pas nécessaire­ment. Il y a certaineme­nt une influence de Frank Ocean. Je pense qu'on l'entend plus, celle- là. Mais je ne pourrais pas dire « ça, c'est l'influence de ça » , « là c'est telle autre chose » . .. J'écoute toujours beaucoup de musique et ça se transforme pas mal dans ma musique après.

Un truc qui pourrait être intéressan­t, c'est que j'écoutais beaucoup de musique soul des années 70. Du Bill Whiters, Roy Ayers, Bootsy Collins… Fuck, il y a des noms qui m'échappent... Attends, je peux aller les trouver : j'ai mes petites playlists! [Franky Fade sort son cellulaire et se met à chercher dans ses listes de lecture, ndlr] Ah ouais! Il y a du Sly and the Family Stone, du Mini Riperton, une chanteuse que j'aime beaucoup ; du Darondo, du Isaac Hayes et du Otis Reding.

LD : Est- ce que tu crois que toute cette musique soul est venue influencer ta production musicale, d'une certaine manière?

FF : Pas nécessaire­ment dans le son, mais dans la façon de penser la musique, oui. Souvent, ce sont des idées assez simples qui sont ensuite complexifi­ées par la richesse des instrument­s ou par l'arrangemen­t. La manière dont les tracks de soul sont construite­s, c'est toujours intelligen­t. Il y a une réflexion. Ça va où tu penses que ça va aller, mais d'une façon tellement satisfaisa­nte. Ça, c'est quelque chose que j'aime bien et que j'essaie de recréer. Donc, dans mon album, les idées peuvent être simples à la base. Il n'y pas nécessaire­ment des gros patterns harmonique­s super compliqués. Les mélodies ne sont pas forcément complèteme­nt surprenant­es ou dures à écouter, non plus. Mais autour de tout ça, j'essaie de mettre un petit plus dans l'arrangemen­t.

LD : Parlons un peu de la pochette de ton album.

On remarque que tu as vraiment une belle identité visuelle qui est continue et se transforme de singles en singles. La pochette de ton album est très intéressan­te, parce qu'on voit que tu y es mis à nu, mais qu'il y a aussi une certaine distance entre toi et le spectateur. Tu lui tournes le dos, il y a un filtre bleu ajouté à la photo… Pour un album qui s'appelle CONTRADICT­IONS et sur lequel tu te mets beaucoup à découvert dans les chansons, on peut dire qu'il y en a une ici, une contradict­ion.

FF : Oui, exactement. On savait déjà qu'il y allait avoir deux singles, donc on voulait qu'il y ait une progressio­n dans les pochettes. Le fil conducteur, c'était le bleu. L'idée de base, c'était qu'on se rapproche de moi et qu'on dévoile mon visage à la fin, que la pochette de l'album soit un portrait de moi en gros plan. Mais quand on s'est mis à regarder les photos qu'on avait prises, cellelà [celle de la pochette, ndlr] est ressortie. J'ai commencé à jouer avec et je lui ai donné cet aspect « Docteur Manhattan ».

Quand j'ai vu cet effet là, je me suis dit oh shit! C'est quand même fou que ce soit mon premier album pour partir ma carrière solo, que dans les chansons je me dévoile et qu'il y ait des moments assez vulnérable­s ; mais que, dans la pochette, on sente une distance et qu'on ressente une certaine pudeur. C'est une contradict­ion que je vis. Je veux faire carrière en musique, je veux une certaine reconnaiss­ance, une certaine fortune aussi. Mais, en même temps, il y a quelque chose dans cette espèce de cirque de la célébrité qui ne m'attire pas du tout. Je sais que ça ne va pas forcément m'amener du bonheur ou me rendre heureux. Cette contradict­ion-là, je trouvais ça cool de la placer sur la pochette aussi puisqu'elle n'était pas forcément super explicite dans mes paroles.

LD : Justement, parlons des paroles de ton album. Tu te mets à nu, tu te mets à découvert. Tu as même dit que ça te rendait vulnérable par moments. Est-ce que c'est difficile de se rendre aussi disponible pour l'auditoire?

FF : Je n'ai pas trop réfléchi, je pense que j'ai juste fait la musique qui sortait. Probableme­nt que le confinemen­t a participé à tomber dans une création plus intime. Être dans une situation où on était très, très longtemps seul avec soi-même, ça m'a forcé à me poser certaines questions. Il n'y a pas non plus des tonnes de réponses dans l'album, mais il y a quand même une progressio­n dans ma façon de penser, de dealer avec certains trucs. Ça s'est fait comme ça : c'était naturel. Je ne me suis pas censuré, mais je ne me suis pas non plus poussé à aller dans des zones qui me rendaient inconforta­ble. Je pense que j'étais juste rendu là dans ma progressio­n artistique. Je suis de plus en plus à l'aise à parler de certains sujets. Je trouve ça bien finalement : ça ouvre des portes. Ça rend le projet plus relatable que si j'avais un front et que je faisais juste dire que j'étais le meilleur rappeur du monde.

L'album CONTRADICT­IONS de Franky Fade est disponible sur toutes les plateforme­s de distributi­on musicale. Son lancement aura lieu le 9 novembre au Ausgang Plaza, à Montréal. Une supplément­aire à déjà été annoncée pour le 10 novembre. Franky Fade va débuter sa tournée du Québec dans les jours suivants. ⊘

« J’écoute toujours beaucoup de musique et ça se transforme pas mal dans ma musique après »

« C’est une contra- diction que je vis »

« J’écoutais beaucoup de musique soul des années 70 »

« Il y a quand même une progressio­n dans ma façon de penser, de dealer avec certains trucs »

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barbara lajeunesse
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POCHETTE du single vertige paru en juin 2021
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POCHETTE du single rewind PARU EN AOÛT 2021
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POCHETTE DE L’ALBUM contradict­ions

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