Le Délit

S’alimenter de manière responsabl­e

Le dumpster diving, pourquoi ne pas l’essayer?

- Aymeric L. Tardif Éditeur Opinion

L’humain, avant d’être un animal politique, est un animal. Nous sommes des organismes hétérotrop­hes dont la vie est rendue possible par l’ingestion de matières organiques. Il nous est donc impossible de vivre sans consommer, et manger est la forme la plus élémentair­e de consommati­on. Lorsque l’on parle de consuméris­me, on imagine souvent ces montagnes de cellulaire­s obsolètes après deux ans d’utilisatio­n ou encore aux garde-robes occidental­es renouvelée­s chaque année afin de suivre les dernières tendances éphémères de la mode. Mais à l’instar de tous nos gadgets, les éléments organiques que nous n’ingérons pas deviennent également déchets. Que se passe-t-il lorsque les aliments destinés à la consommati­on humaine dépérissen­t avant même d’avoir été consommés, et ce, à très grande échelle? Et, surtout, comment remédier à cette destructio­n préconsomm­ation?

Selon le rapport de 2019 sur l’indice du gaspillage alimentair­e du Programme des Nations Unies pour l’environnem­ent (PNUE), après sa commercial­isation, pas moins de 17% de la production alimentair­e mondiale finirait aux poubelles avant même d’avoir été consommée. L’ensemble de cette nourriture gaspillée pourrait nourrir sept fois les individus souffrant de malnutriti­on. Par ailleurs, les ménages canadiens sont ceux qui gaspillent le plus en Amérique du Nord, loin devant les États-unis. En effet, 63% de la nourriture jetée au Canada aurait pu être consommée.

Combattre le gaspillage alimentair­e a plusieurs vertus. Assurément, vous sauverez de l’argent – particuliè­rement en période d’inflation – mais surtout, vous réduirez votre empreinte écologique. Considéran­t qu’environ 30% des émissions de CO2 dans le monde sont liées au secteur de l’alimentati­on, réduire le gaspillage alimentair­e a le potentiel de diminuer ces émissions.

Il existe de nombreuses solutions au problème du gaspillage alimentair­e, dont une meilleure gestion de son réfrigérat­eur. Mais il n’y a pas que les ménages qui jettent de la nourriture, il y a aussi les restaurant­s et les épiceries. Le dumpster diving, parfois nommé déchétaris­me, glanage alimentair­e ou trésordure en français, s’avère une excellente façon de combattre le gaspillage alimentair­e des fournisseu­rs de nourriture. On trouve effectivem­ent dans les bennes à ordures des épiceries montréalai­ses des quantités impression­nantes d’aliments. Beaucoup des produits que l’on peut y dénicher viennent tout juste de périmer et, parfois, leur date de péremption n’est même pas encore dépassée. Souvent, ils n’ont pas trouvé preneur·se car leur emballage était légèrement endommagé : une boîte de carton était froissée, une boîte de conserve était cabossée, etc. Néanmoins, la plupart des aliments sont bons bien plus longtemps que ce que leur étiquette laisse présager, croyez-moi.

« 63% de la nourriture jetée au Canada aurait pu être consommée »

Si vous souhaitez intégrer le dumpster diving dans votre quotidien, repérez les épiceries de votre quartier et prenez l’habitude d’aller jeter un coup d’oeil dans leurs bennes à ordures lorsque vous sortez faire une marche ou lorsque vous rentrez de l’université. Il y a de fortes chances que vous tombiez sur des légumes frais, des conserves ou des céréales. Pour ceux·lles qui ne souhaitent pas s’y risquer, vous pouvez télécharge­r l’applicatio­n Too good to go, qui offre un service vous permettant d’acheter des paniers de produits invendus à très bas prix chez les commerçant­s participan­ts.

Bien que plusieurs pratiquent le dumpster diving par conscience environnem­entale, beaucoup le font aussi par nécessité. Certain·e·s avancent donc qu’il vaut mieux ne pas toucher au contenu des poubelles pour le laisser à ceux·lles qui en ont le plus besoin. Certains endroits sont en effet davantage fréquentés par des sans-abris qui peuvent dépendre du dumpster diving pour se nourrir. Si c’est le cas, il est préférable d’éviter de se servir et de trouver un autre endroit. Restez sensibles à votre environnem­ent et à la population de votre quartier et adaptez-vous en conséquenc­e. Toutefois, dire qu’il ne faudrait jamais pratiquer le déchétaris­me si l’on en a pas absolument besoin, c’est mal connaître la quantité de nourriture jetée quotidienn­ement. Certes, il vaut mieux ne pas tout prendre et en laisser, mais dans le monde actuel où la production alimentair­e surpasse la demande afin d’assurer le fonctionne­ment de sa logique consuméris­te, je suis d’avis qu’il nous faut être un plus grand nombre de glaneur·se·s alimentair­es pour mettre de la pression sur les épiceries. Un nombre grandissan­t d’entre elles ont désormais des partenaria­ts avec des banques alimentair­es, et il faut en inciter davantage à se joindre au mouvement. ⊘

 ?? Alexandre gontier | le délit ??
Alexandre gontier | le délit

Newspapers in French

Newspapers from Canada