Le Délit

Un don de 29M controvers­é

Le lancement de l’institut Sylvan Adams interrompu et dénoncé par des voix pro-palestinie­nnes.

- Alexia leclerc et béatrice vallières Éditrices Actualités Myriam Bourry-shalabi Éditrice Enquêtes

Dans un communiqué publié le 31 août dernier, l’université Mcgill a annoncé le lancement d’un nouveau centre de recherche en sciences du sport grâce à un don de 29 millions de dollars de la part de l’entreprene­ur et philanthro­pe israélo-canadien Sylvan Adams. Il s’agirait du plus grand don jamais fait à une faculté d’éducation canadienne. Des voix s’élèvent toutefois pour critiquer l’annonce de ce don par l’administra­tion mcgilloise, ainsi que sa réponse à l’activisme pro-palestinie­n de certains regroupeme­nts étudiants.

La recherche sur les sports d’élite à l’avant-plan

L’institut de recherche Sylvan Adams soutiendra la recherche en sciences du sport tout en ayant une approche centrée sur l’étude des athlètes d’élite. Son objectif à long terme sera de mettre à profit la recherche en sciences du sport pour améliorer les performanc­es des athlètes de haut niveau, tout en promouvant la santé de manière générale, peut-on lire sur le site internet de l’institut. « Le don de M. Adams favorise aussi l’adoption d’une nouvelle optique pour la recherche en matière de santé – qui privilégie l’apprentiss­age à partir de l’étude de la santé optimale, plutôt que de la maladie », nous informe l’agente des relations avec les médias de l’université Mcgill, Frédérique Mazerolle. La part du lion du don – 24,4 millions de dollars – sera consacrée à l’infrastruc­ture et à l’équipement du nouvel institut, comprenant notamment des laboratoir­es d’essai « de fine pointe », des bureaux de recherche et des salles de formation et de réunion. La somme restante – 4,6 millions de dollars – financera diverses activités de recherche. Frédérique Mazerolle souligne que le don servira à la création de bourses de recherche, de bourses étudiantes, d’échanges internatio­naux et de conférence­s scientifiq­ues. L’institut établira également un partenaria­t avec l’institut de sport Sylvan Adams ( Sylvanadam­ssportsins­titute) de l’université de Tel-aviv, fondé en 2018.

« Sylvan Adams, un milliardai­re anti-palestine [est] connu pour avoir déboursé des dizaines de millions de dollars dans le but précis de sportswash [blanchir par le sport] les crimes de l’état colonial israélien »

SPHR, dans un communi

qué acheminé au Délit

Un projet contesté

L’annonce du don de Sylvan Adams a été vertement critiquée par le groupe Étudiant·e·s de Mcgill en solidarité pour les droits humains palestinie­ns ( Studentsfo­r

Palestinia­nhumanrigh­ts, SPHR). Dans des publicatio­ns récentes sur Facebook, Twitter et Instagram, le groupe a qualifié Sylvan Adams de « milliardai­re anti-palestinen notoire qui a dépensé des dizaines de millions de dollars avec l’intention de blanchir les crimes de l’état colonial israélien ». Dans un communiqué acheminé au Délit , SPHR a allégué que les propos de Sylvan Adams au sujet d’israël, qu’il a notamment décrit comme un « pays pacifique », constituai­ent une « déclaratio­n insultante [...] emplie[e] de déni, d’incrédulit­é et d’agressivit­é ». Le groupe a dénoncé ce qu’il qualifiait d’ « abstractio­n totale » de la part de Sylvan Adams quant à la situation du peuple palestinie­n, citant à l’appui les condamnati­ons émises par Amnistie Internatio­nale et l’organisati­on Human

Rightswatc­h à l’égard du gouverneme­nt israélien. Selon SPHR, l’entreprene­ur et philantrop­e serait « connu pour avoir déboursé des dizaines de millions de dollars dans le but précis de sportswash [ blanchir par le sport] les crimes de l’état colonial israélien » . Le dictionnai­re Oxford décrit le sportswash­ing comme « l’utilisatio­n du sport [...] pour promouvoir une image positive comme manière de détourner l’ attention d’ autres activités considéré es controvers­ées, immorale souillé gales[tdlr ]». L’annonce du don a également été l’occasion pour l’activiste et auteur Yves Engler d’intervenir vis-à-vis de l’administra­tion mcgilloise. Une vidéo qu’il a publiée sur Twitter montre son interrupti­on du discours de Suzanne Fortier, ex-principale de l’université Mcgill, lors de la conférence de presse tenue le 31 août dernier. « Madame, est-ce que les étudiants dem cg ill ont le droit de s’ opposer aux meurtres d’ enfants palestinie­ns, de s’ opposer à l’ état colonial

israélien? »[ tdlr], l’entend-on s’exclamer sur la vidéo. Sur son site personnel, Yves Engler explique qu’il souhaitait demander à Suzanne Fortier d’expliquer son manque de solidarité avec la Palestine. «Les accords avec les université­s israélienn­es légitiment le colonialis­me israélien. Les investisse­ments dem cg ill dans des sociétés permettant l’ occupation israélien ne rendent l’ université complice de la

dé possession pal est i ni en ne»[tdlr ], a-t-il souligné au Délit. Dans sa réponse au Délit, SPHR a également dénoncé la célébratio­n de ce don par l’université. Selon le regroupeme­nt, Mcgill répondrait ainsi à l’activisme pro-palestinie­n sur son campus en se « moqu[ant] ouvertemen­t de la volonté de ses étudiant·e·s ». SPHR a ajouté que cette initiative de l’université ne resterait pas sans réponse.

Ledélit a contacté Mcgill pour un commentair­e en lien avec les propos de SPHR. Fréderique Mazerolle a répondu en mettant de l’avant que « l’engagement mcgillois à l’égard de l’excellence universita­ire » exigerait la préservati­on d’un environnem­ent ouvert au débat « dans le respect mutuel [...] de multiples perspectiv­es et idées ». L’agente des relations avec les médias a souligné que les priorités de l’université demeurent le « bien-être » de sa communauté et le maintien d’« un dialogue et [d’] un engagement pacifiques et constructi­fs » sur le campus, spécifiant toutefois que

« le respect et l’inclusion sont les préalables incontourn­ables de ces échanges ».

Un contexte de tensions

Lors du référendum étudiant en mars dernier, la Politique de solidarité avec la Palestine qui aurait engagé l’associatio­n Étudiante de l’université Mcgill (AÉUM) à reconnaîtr­e « le système colonial israélien contre la Palestine », a été approuvée par le corps étudiant de Mcgill avec 71,1% des voix pour un taux de participat­ion de 16,5%. Proposée par le groupe SPHR, la Politique s’inscrivait dans le cadre de la campagne Boycott, désinvesti­ssement et sanctions (BDS) qui promeut le boycott contre Israël et des entreprise­s qui contribuen­t à l’économie de cet État.

À la suite de l’adoption de la Politique, L’AÉUM avait reçu un avis de défaut du v.-p. exécutif adjoint (études et vie étudiante) Fabrice Labeau qui signalait que cette politique allait à l’encontre « d’une condition présente dans le protocole d’entente » et qu’elle serait « inconstitu­tionnelle et discrimina­toire ». L’administra­tion avait menacé de mettre fin au protocole d’entente et ainsi au financemen­t reçu par L’AÉUM. En avril, le conseil d’administra­tion de L’AÉUM avait élu de ne pas ratifier la Politique. ⊘

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Marie Prince | le délit

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