Le Délit

Lire anarchiste au 2035 Saint-laurent

Entrevue avec un membre de la bibliothèq­ue DIRA.

- Propos recueillis par sophie ji Éditrice Culture

Au troisième étage du bâtiment situé au 2035 boulevard Saint-laurent se trouve la bibliothèq­ue anarchiste DIRA, acronyme pour « Documentat­ion, Informatio­n, Références et Archives ». Le Délit a rencontré Franklin*, membre impliqué à la bibliothèq­ue, pour discuter du fonctionne­ment de la DIRA et du partage d’informatio­ns anarchiste­s au Québec.

Le Délit (LD) : Qu’est-ce que la bibliothèq­ue DIRA?

Franklin (F) : DIRA est un établissem­ent ouvert à une pluralité d’opinions et basé sur le principe que l’informatio­n devrait se partager librement ; les gens peuvent emprunter un livre ou un document ou en consulter sur place.

La DIRA est organisée de façon anarchiste. Tous les mois, nous avons une rencontre pour décider des permanence­s et discuter des événements qui auront lieu à la DIRA. La DIRA offre aussi du contenu majoritair­ement anarchiste ; nous avons des sections d’ouvrages marxistes, des sections moins politiques, mais de façon générale, nos ouvrages portent sur des sujets de gauche. De prime abord, la DIRA est un espace de partage d’informatio­ns qui regroupe des gens fantastiqu­es que j’aime beaucoup.

LD : L’accès à la bibliothèq­ue est-il ouvert à toutes et à tous ou faut-il plutôt devenir membre avant d’y accéder?

F: Aucun besoin de devenir membre, c’est vraiment ouvert à toutes et à tous! La majorité des gens qui visitent la DIRA sont des gens qui se promènent sur le boulevard Saint-laurent et qui voient la porte ouverte de la bibliothèq­ue. Pour emprunter un livre, il n’est pas non plus nécessaire d’être membre, il faut seulement laisser son nom et le moyen par lequel on souhaite être rejoint·e·s. Ensuite, les gens peuvent partir avec le livre pour une durée d’environ un mois. Donc oui, c’est une institutio­n ouverte à toutes et à tous.

LD : Sur le site web de la DIRA, il est mentionné que la DIRA est un « collectif libertaire ». Le terme « libertaire » est-il synonyme d’« anarchie », ou les termes sont-ils distincts?

F: Le terme libertaire est utilisé en Europe de manière très différente des États-unis. La manière dont je comprends le terme, c’est qu’en Europe, le mouvement libertaire est un mouvement qui n’est pas nécessaire­ment basé sur les libertés individuel­les, comme c’est le cas pour le mouvement « libertaria­n » des États-unis. En Europe, le mouvement libertaire semble plutôt basé sur l’idée de s’organiser ensemble afin de travailler vers une plus grande liberté collective.

LD : Selon toi, pourquoi est-il important de rendre accessible­s des ouvrages anarchiste­s?

F : Pour plusieurs raisons. Les ouvrages que nous avons à la bibliothèq­ue portent sur plusieurs branches de l’anarchisme. Nous avons notamment des ouvrages portant sur la théorie anarchiste, sur « l’ anti-gentrifica­tion », sur les droits des animaux et sur l’anarcho-féminisme. Les ouvrages de la bibliothèq­ue ne portent pas seulement sur la descriptio­n d’idéologies anarchiste­s ; ils visent aussi à renseigner sur les façons dont les différente­s branches de l’anarchisme opèrent dans le vrai monde.

LD : Selon toi, comment se porte le mouvement anarchiste au Québec?

F : C’est difficile de répondre à cette question, car le mouvement anarchiste au Québec est un mouvement diffus qui s’organise de façon non hiérarchiq­ue. Il n’y a donc pas de grande convention qui regroupe tous·tes les anarchiste­s au Québec et qui permet d’évaluer si le mouvement se porte bien. Comme il n’y a pas de grande organisati­on ouvertemen­t anarchiste, il y a donc beaucoup d’anarchiste­s qui s’impliquent dans différents mouvements sociaux en tant qu’individus, sans pour autant contribuer à une organisati­on ou une cause qui se dit ouvertemen­t anarchiste. Je pense que tous les mouvements sociaux ont une branche anarchiste, et que l’anarchisme n’est pas un seul mouvement ; c’est plutôt une pluralité de mouvements qui travaillen­t ensemble. Certains événements tels que le Salon du livre anarchiste de Montréal regroupent tout de même beaucoup de gens, ce qui pourrait être un indicateur du statut du mouvement anarchiste au Québec.

LD : Quel( s) ouvrage( s) conseiller­ais- tu aux gens qui aimeraient s’initier aux idées anarchiste­s?

F: C’est une grande question. Honnêtemen­t, je pense que la façon dont nous concevons la documentat­ion est souvent restreinte à la littératur­e imprimée ou en ligne. Je dirais qu’il y a beaucoup de partage d’informatio­ns anarchiste­s qui se fait à travers le partage d’histoires orales, à travers notamment les souvenirs et récits de personnes anarchiste­s qui font partie du mouvement depuis longtemps. L’anarchisme, c’est plus large que le marxisme, par exemple, qui est un courant de pensée sur lequel les gens peuvent se renseigner seulement par la lecture. Si les gens sont intéressés par l’anarchisme, je leur conseiller­ais de passer à la DIRA, et les membres présents pourront leur recommande­r des ouvrages en partant de leurs centres d’intérêt déjà existants. Je n’ai donc pas de recommanda­tion spécifique, mais pour ma part, en ce moment, je peux partager le livre que je suis en train de lire : Take the City : Voices of Radical Municipali­sm, édité par Jason Toney. Sinon, je recommande aussi d’aller jeter un coup d’oeil à la Bibliothèq­ue communauta­ire du Comité de citoyen·ne·s de Milton Parc.

Vous pouvez suivre la DIRA sur leur site web et leur page Facebook.

*Nom fictif. Franklin tient à préciser que les propos rapportés dans l’entrevue sont les siens et ne reflètent pas les politiques ou les positions officielle­s de la bibliothèq­ue DIRA. L’entrevue a été réalisée en français et en anglais. Les réponses de Franklin en anglais qui ont été traduites en français par la rédaction ont été mises en italiques. ⊘

« Nous avons notamment des ouvrages portant sur la théorie anarchiste, sur ‘‘l’anti-gentrifica­tion’’, sur les droits des animaux et sur l’anarcho-féminisme »

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laura tobon | Le Délit

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