Le Délit

The Apocalypse In Your Bedroom

Rêves d’un·e enfant queer.

- Célia Pétrissans Cordonnatr­ice Réseaux Sociaux

James Knott nous dévoile sa pièce de théâtre The Apocalypse In Your Bedroom

derrière un drap blanc, assis·e sur une chaise ; sa petite lampe, que l’on retrouve tout le long, projette l’ombre de ses doigts qui claquent au rythme d’une musique écrite et interprété­e par l’artiste. Une vidéo commence ; dès les premières secondes on comprend que le voyage va être singulier et fascinant.

Allongé·e devant nous sur des cubes blancs qui lui servent de lit, et de bien d’autres choses, James nous donne accès à iel-même, comme si nous étions dans sa chambre. La vidéo nous plonge dans ses rêves, dans ses terreurs et ses fantaisies ; « who am I or what am I ? », les questions résonnent et nous submergent, nous sommes ensemble rattrapé·e·s par les inquiétude­s du passé.

La pièce touche à cette nostalgie des adolescenc­es queer, qui vont à l’encontre des modèles dominants. Elle raconte la solitude de James, incarnée par une mouche sortie tout droit de son imaginatio­n. Elle lui sert de compagnon de sommeil, elle initie la conversati­on, elle est la seule à connaître ce que James ne peut avouer à personne.

S’ensuit une série de saynètes, comme des rêves fous, déchaînés, des performanc­es ancrées dans le camp, cette expression anglaise difficile à définir qui souligne l’artificial­ité des codes, notamment de ceux du genre. Le corps est mis en avant avec l’observatio­n de ses traits, de sa forme et il est mis en scène habillé, dénudé, le visage maquillé. La projection nous montre une secrétaire, des génies : le genre est performati­f, il devient un art, celui de se déguiser, d’enfiler un costume pour exprimer une pensée. Le tout est entrecoupé de scènes de dessins animés. James est le reflet de la méchante reine dans Blanche Neige, cette femme codée queer, codée camp ; James est Blanche Neige, iel se penche dans le puits, appelle quelqu’un. Qui pourrait comprendre son malaise ?

Iel nous replonge complèteme­nt dans son enfance ; nous avons accès à son histoire, sa pièce est personnell­e, emplie de photos de famille, et du souvenir de tout ce qui participe à la constructi­on de soi, de l’identité. James regarde son passé et nous le partage, nous hochons la tête, nous comprenons son mal-être. Cette mélancolie est chantée à travers de multiples mélodies renforçant le côté joyeux et dramatique de la pièce, elles font de sa nuit une comédie musicale parsemée de désirs utopiques. Elles nous accompagne­nt pendant une heure, tout le long d’une réprésenta­tion dans laquelle nous entrons avec envie, et d’où nous ressortons satisfait·e·s, nos attentes assouvies par cet humour queer bienveilla­nt.

Quelques minutes avant la fin, un écran noir apparait ; on y lit un clin d’oeil : « For the gaybies and the babies. Queers with fears. For smiles

and for tears, my dears », (Pour les gaybies et les bébés. Les queer qui ont peur. Pour les sourires et les pleurs, mes cher·ère·s, tdlr).

Je me tourne vers mon amie, on se sourit et je crois que quelque chose a changé. Un jour on parlera de nos histoires, on rira de notre enfance, du rêve de cette vie interdite. Ce soir, on s’identifie à celle d’un·e autre, heureuses d’être queer, entourées et comprises.

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CAROLINE hayeur

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