Le Délit

JOHN A. MACDONALD RÉINSTALLÉ?

Le socle doit demeurer vide, statue un comité.

- Hugo Vitac Contribute­ur

Un comité d’experts indépendan­t a rendu ses recommanda­tions à la Ville de Montréal quant à l’avenir de la statue de l’ancien premier ministre John A. Macdonald, déboulonné­e le 29 août 2020 lors de manifestat­ions pour le dé-financemen­t de la police. Le comité adhoc s’est ainsi positionné contre une réinstalla­tion de la statue à l’identique sur son socle, place du Canada, au centrevill­e de Montréal.

Les recommanda­tions du comité

Dans un avis préliminai­re rendu public le 21 novembre dernier, le comité exclut « une réinstalla­tion à l‘identique de la statue [...] comme avant son déboulonne­ment », et considère « qu’il est nécessaire de se distancer » de l’héritage de John A. Macdonald en raison des « politiques assimilatr­ices et génocidair­es qu’il a mises en oeuvre à l’endroit des peuples autochtone­s et des actes discrimina­toires qu’il a perpétrés envers plusieurs groupes de personnes ».

Toutefois, les membres du comité soulignent « l’importance du devoir de mémoire entourant ce monument et son histoire ». Ils recommande­nt de « laisser sur place la structure du monument, constituée du socle et du baldaquin, mais sans la statue », avec l’ajout d’une plaque commémorat­ive. Les recommanda­tions du comité seront débattues le 7 décembre lors d’une séance d’étude publique où la population montréalai­se sera invitée à venir partager son avis.

«On ne veut pas effacer l’ histoire, on veut en tirer des leçons» Terri Givens, professeur­e de sciences politiques à l’université Mcgill

Un héritage controvers­é

La découverte de milliers de tombes d’enfants autochtone­s anonymes à proximité de pensionnat­s fédéraux a jeté un nouvel éclairage sur l’héritage de John A. Macdonald. En effet, ce dernier est considéré comme le père de la Loi sur les Indiens, qui a permis l’établissem­ent du système des pensionnat­s autochtone­s, basé sur un modèle d’assimilati­on. La redécouver­te de son rôle dans ces politiques assimilatr­ices, qualifiées de « génocide culturel » par la Comission de vérité et réconcilia­tion en 2015, a créé une controvers­e sur sa place dans la mémoire collective canadienne. Sa statue avait déjà été recouverte de peinture rouge à multiples reprises, avant d’être déboulonné­e il y a deux ans. D’autres statues de John A. Macdonald ont été déboulonné­es ou retirées au Canada. Dans l’avis préliminai­re rendu par le comité, ce dernier recommande la mise en place d’un « programme d’interpréta­tion renouvelée qui pourrait prendre différente­s formes pour rendre compte de l’importance et de la complexité des enjeux ».

Afin de comprendre les enjeux liés aux héritages historique­s controvers­és et au devoir de mémoire, Ledélit s’est entretenu avec Terri Givens, professeur­e de sciences politiques à l’université Mcgill spécialisé­e dans les politiques anti-discrimina­tion et la politique raciale comparativ­e. Pre Givens nous a expliqué qu’« il s’ agit d’ un débat plus large que nous avons, en tant que société, sur ce qui devrait être valorisé dans le contexte historique ».« Onneveut pas effacer l’ histoire, on veut en tirer desleçons », ajoute-t-elle. Selon la pro fesse ure ,« tout cela s’ inscrit dans un dialogue plus large ,[...] au Canada, autour de personnes comme Jamesm cg ill, qui main tenait dans l’ esclavage des personnes noires et autochtone­s, et sur comment nos valeurs d’ aujourd’ hui influencen­t la façon dont nous voulons gérer la valorisati­on de ces personnes dans le présent ».

La statue de James Mcgill sur le campus sujette à la controvers­e avait été retirée par l’administra­tion en juillet 2021 afin d’effectuer des réparation­s après qu’elle ait subi des dégradatio­ns. Depuis, son socle est resté vide, et l’université ne s’est pas encore prononcée sau sujet de son futur. ⊘

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Hugo Vitrac

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