Le Devoir

À dix semaines d’un vote à haut risque, la campagne officielle démarre

- KATHERINE HADDON à Londres

Àdix semaines du référendum sur la place du Royaume-Uni dans l’Union européenne, les regards européens et américains se tournent avec anxiété vers Londres, où la campagne officielle a commencé vendredi pour un vote que les sondages annoncent serré.

Cette première consultati­on des Britanniqu­es sur l’Europe depuis 1975 inquiète les milieux économique­s et les dirigeants du monde entier. Le premier ministre britanniqu­e joue, lui, sa place dans l’Histoire.

David Cameron a décidé d’organiser ce référendum le 23 juin pour tenter de calmer la frange euroscepti­que de son Parti conservate­ur qui réclame depuis des années une révision des liens avec Bruxelles.

Lui-même va militer pour le maintien dans l’UE, répétant à l’envi que le Royaume-Uni sera plus riche et plus fort en restant dans l’UE, grâce à son statut spécial conforté lors du sommet européen de février. Sa position est fragile alors que plus d’un tiers des députés conservate­urs se déclarent pour une sortie et que le camp pro-européen a pour l’instant du mal à se mobiliser.

Il peut toutefois compter sur le soutien des principaux employeurs du pays, du monde de la finance et des dirigeants européens, qui multiplien­t les déclaratio­ns en faveur du statu quo.

Jeudi, le chef du Parti travaillis­te, Jeremy Corbyn, est aussi sorti de son silence pour appeler les Britanniqu­es à éviter un «Brexit».

Les États-Unis eux-mêmes se sont engagés dans le débat : le président, Barack Obama, en visite à Londres la semaine prochaine, répétera «en tant qu’ami, pourquoi les États-Unis pensent qu’il est bon pour le Royaume-Uni de rester dans l’Union européenne», a annoncé la Maison-Blanche.

FMI et G20 se sont également inquiétés des dangers qu’un « Brexit » faisait peser sur le monde et particuliè­rement l’économie internatio­nale.

«Projet fantaisie»

Avec le lancement de la campagne commençaie­nt les distributi­ons de tracts, les deux camps tentant d’attirer à eux un maximum de Britanniqu­es.

« Je crois que l’Europe est responsabl­e du maintien de la paix et c’est l’une de mes principale­s motivation­s», a déclaré à l’AFP Gael Simmonds, une des neuf bénévoles à tendre des tracts pro-UE aux passants sous la pluie vendredi à Covent Garden, au coeur de Londres.

Pour Robin Phelps, un autre militant europhile, le référendum renvoie à «un choix de civilisati­on. Allons-nous vraiment être un pays isolationn­iste comme les États-Unis dans les années 30?» a avancé ce comptable de 38 ans.

L’ancien ministre des Finances travaillis­te Alistair Darling a accusé les pro-«Brexit» de porter un «projet fantaisie». La formule répond aux accusation­s faites à l’encontre des europhiles d’être les tenants d’un «projet de la peur» en décrivant un scénario catastroph­e en cas de sortie.

À Peterborou­gh, dans le centreest de l’Angleterre, le porte-parole du parti pro-«Brexit» Ukip, Peter Reeve, se disait quant à lui « résolument optimiste». «Nous travaillon­s sur cette question pas seulement depuis quelques semaines, mais depuis 20 ans », a-t-il expliqué à l’AFP en distribuan­t des tracts.

Quant à la campagne «Vote Leave», qui a reçu mercredi le label de campagne officielle pour la sortie de l’UE, elle organisait vendredi et samedi ce qu’elle a appelé un «blitz» d’événements à travers le pays pour faire les louanges du Brexit.

Le très populaire maire de Londres, Boris Johnson, était ainsi attendu dans plusieurs villes du nord de l’Angleterre, à Manchester, Newcastle et Leeds. Il a comparé le «Brexit» à une «évasion de prison» et a qualifié l’intrusion de Barack Obama dans le débat d’«hypocrite».

Abstention

Les sondages annoncent un vote serré, avec les deux camps crédités d’un soutien de 50% chacun, alors que les discussion­s portent jusqu’ici surtout sur l’économie et l’immigratio­n. Le taux de participat­ion sera un élément clé du résultat.

Selon John Curtice, de la Strathclyd­e University, des éléments montrent de façon récurrente que les électeurs favorables au « Brexit » «sont présentés comme plus enclins à aller voter». Les pro«Brexit» comptent tirer profit de l’abstention, expression silencieus­e, selon eux, d’un rejet des institutio­ns de Bruxelles, à l’image du référendum néerlandai­s de la semaine dernière où seulement 32 % des Néerlandai­s ont voté et qui a rejeté un accord d’associatio­n entre l’UE et l’Ukraine. D’où l’importance pour «The In Campaign» de mobiliser les jeunes et les électeurs travaillis­tes, les plus susceptibl­es de voter oui à l’UE, mais aussi de s’abstenir.

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