Le Devoir

François Hollande en mal d’audience

- JONATHAN BOUCHET-PETERSEN à Paris

Trois millions et demi de Français ont écouté le président jeudi soir à l’occasion de l’émission Dialogues citoyens sur France 2. Un score relativeme­nt faible pour le chef de l’État, qui a égrené les réformes déjà engagées sans apparaître comme un leader visionnair­e.

La portée — et donc le succès d’une émission politique — se mesure aussi à son audience. En ce domaine, François Hollande et France 2 ont loupé le coche jeudi soir. Alors que Dialogues citoyens a commencé à 20h15, mordant donc sur l’horaire habituel du JT, ce qui aurait dû en favoriser le nombre de téléspecta­teurs, seuls 3,5 millions de Français ont jugé utile ou intéressan­t d’écouter la parole du chef de l’État. À l’Élysée vendredi matin, on minimisait l’échec en soulignant que Des paroles et des actes, le rendezvous politique du jeudi soir sur France 2, en avait rassemblé 2,7 millions avec Nicolas Sarkozy en février. Un peu court.

Dans ce qui est apparu davantage comme une opération survie qu’un moment de reconquête, François Hollande avait pour urgence de montrer qu’il était encore dans le coup, et même au centre du jeu, alors qu’il est plus que jamais dans les tréfonds sondagiers à un an du premier tour de la prochaine présidenti­elle. Alors que l’enjeu pour lui, s’il est bien candidat, sera de se qualifier pour le second tour, ce qui nécessitai­t de parler en premier lieu à son électorat largement perdu. Et s’il n’a rien renié des mesures engagées, quitte à faire passer le «pacte de responsabi­lité» pour un dispositif ayant aussi vocation à aider les entreprise­s à augmenter les salaires, il s’est plus que d’habitude placé du côté des salariés.

Ça ne va pas encore «bien», mais ça va déjà «mieux», a martelé le chef de l’État. Refrain déjà entonné la veille par Julien Dray, son ami de trente ans: «On est en train de réussir économique­ment et, visiblemen­t, personne ne s’en rend compte», a-t-il noté sur LCP. Sonnant comme une méthode Coué, que plusieurs indicateur­s viennent toutefois valider, ce discours positif de François Hollande risque surtout d’apparaître comme un dangereux déni de réalité, particuliè­rement auprès de Français dans la nasse alors qu’il y a 700 000 chômeurs de plus qu’en 2012. Vendredi matin, le président LR du Sénat, Gérard Larcher, a ainsi jugé que « François Hollande ne se rend plus compte de l’état du pays», une impression qu’il a parfois donnée face aux citoyens l’interpella­nt, même si ceux-ci n’avaient pas vocation à être convaincus comme par miracle durant l’émission.

« Les Français ne vont pas encore mieux, mais la France va mieux», a précisé Jean-Christophe Cambadélis vendredi matin. Ajoutant: «Pour aller mieux, il faut deux quinquenna­ts de François Hollande.» Lequel a, selon le premier secrétaire du PS, «posé un arc pour la prochaine campagne». On peut le résumer ainsi: la défense du modèle social français, quitte à le moderniser, plutôt que son démantèlem­ent violent par une droite de retour au pouvoir en 2017.

Horizon désirable

Alors que François Hollande a de nouveau indexé sa candidatur­e sur l’inversion de la courbe du chômage, reconnaiss­ant que s’il devait prendre sa décision aujourd’hui le compte n’y serait pas, il a surtout confirmé qu’il ferait part de sa décision «à la fin de l’année ». Autrement dit, et l’inverse aurait été étonnant, après la primaire de la droite qui se tiendra fin novembre. Il est toujours plus confortabl­e de se déterminer quand on connaît son adversaire principal. Reste à savoir si Hollande laissera aussi passer la primaire des gauches et de l’écologie prévue mi-décembre.

Jeudi soir, il est apparu en technocrat­e compétent égrenant le chapelet des nombreuses réformes engagées depuis le début du quinquenna­t, sans parvenir à apparaître comme un leader ayant une vision qui donne de la cohérence à son action et cible un horizon à la fois commun et désirable. François Hollande a tenté de se reconnecte­r avec sa gauche, sans toutefois renverser la table. Il y a urgence alors que seuls 45% de ses électeurs du premier tour de 2012 referaient le même choix en 2017. Une proportion historique­ment faible pour un président sortant.

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