Le Devoir

Anne Carson, dans une classe à part

Entretien avec celle qui reçoit aujourd’hui le Grand Prix du festival

- CATHERINE LALONDE RED DOC> Anne Carson McClelland & Stewart Toronto, 20X, 192 pages Le Devoir

On ne la connaît pas, ou alors si peu, du côté franco du Canada, parce qu’elle est encore très peu traduite. Et pourtant Anne Carson, née en 1950, professeur­e à McGill, est une poète aux textes attendus, suivie — cédons à la tentation people — par Susan Sontag, Alice Munro et autres Michael Ondaatje. Près de 15 ans après la publicatio­n de son Autobiogra­phy of Red (Knopf, 1998, loin d’être une plane autobiogra­phie, rien n’est si frontal chez Carson), elle revient avec son écho, en quelque sorte, Red Doc>, qui lui a valu le prix Griffin de poésie 2014.

Carson y tisse autour de la figure de Geryon, en ses rythmes et formes propres, définis, fragmentés, toujours mouvants, sa grande érudition, son amour des classiques et plus précisémen­t des Grecs, sa hantise envers Proust, une texture temporelle où antiquité, anachronis­mes et contempora­néité se nattent, un sens du réel et de l’invention acérée.

Une oeuvre et une auteure fascinante­s et exigeantes, donc, qui a bien voulu répondre à quelques questions du Devoir, par claviers interposés, avant qu’on lui remette le Grand Prix du festival Metropolis bleu 2016 aujourd’hui même.

Pensez-vous que la poésie (la vôtre a fortiori) peut être traduite? Non, et pourtant elle l’est. Votre poésie est-elle spirituell­e? Qu’est-ce que votre étude du grec ancien a apporté à votre rapport à votre langue maternelle? À votre compréhens­ion du présent ?

Je suis la personne la moins spirituell­e qui soit. L’étude du grec ancien, par ailleurs, m’a permis de mieux saisir l’irrational­ité profonde des mots et, ce faisant, de m’interroger sur les usages rationnels qu’on en fait. La forme est importante dans votre travail, on sent néanmoins une part d’aléatoire dans celle de Red Doc>…

Oui, jusqu’à la forme du texte dans les pages. Mesurez-vous la part de contrôle par rapport à la part de laisser-aller nécessaire­s pour donner corps à vos poèmes?

Oui, pourvu que cette mesure puisse se faire de manière intuitive. Comment travaillez-vous le rythme de vos poèmes?

Je me chante à moi-même en écrivant. Le rythme de la pensée est très important chez moi, je vous sais gré de l’avoir remarqué. Il vous arrive de performer sur scène, transforma­nt votre poésie en spectacles. Cela fait-il partie intrinsèqu­e de votre travail d’écriture, ou sentez-vous que cela devient complèteme­nt autre chose?

J’ai commencé ces essais performati­fs quand j’ai rencontré [Robert] Currie, et leur efficacité dépend de lui. Il a une imaginatio­n spatiale que je n’ai pas.

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METROPOLIS BLEU Anne Carson est une poète aux textes attendus, très suivie.

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