Le Devoir

LE MIRACULÉ DE L’ÉCOLE FÉLIX-ANTOINE

L’Institut des troubles d’apprentiss­age poursuit, en collaborat­ion avec Le Devoir, sa série de chroniques sur le parcours exceptionn­el de personnes qui ont réussi malgré des troubles d’apprentiss­age. L’objectif est double : démystifie­r le sujet tout en dé

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D ifficultés d’apprentiss­age, classes spéciales, problèmes de socialisat­ion, intimidati­on, décrochage, nombreuses tentatives de retour sur les bancs d’école suivies d’abandons. Le parcours scolaire de David Vilanova a été un véritable cauchemar. Jusqu’à ce qu’il mette les pieds à l’École Félix-Antoine, une école bien particuliè­re où pratiqueme­nt tout le monde est bénévole. C’est là qu’il a finalement regagné son estime de lui, obtenu son diplôme d’études secondaire­s et repris confiance en la vie.

David Vilanova a d’abord tenté d’obtenir son diplôme d’études secondaire­s en s’inscrivant à l’éducation des adultes. En français, on le classe en deuxième année du primaire et en mathématiq­ues, en troisième année. C’est le choc! Essayant de ne pas se décourager, il s’est tout de même mis au travail.

«On m’a dit que j’avancerais rapidement, mais moi, j’ai besoin d’encadremen­t, raconte-t-il. À l’éducation des adultes, il n’y en a pas. J’ai essayé quelques fois et ça n’a jamais fonctionné.»

Alors qu’il était au bout du rouleau, découragé de voir se succéder les petits boulots, il s’est résigné à faire une nouvelle demande d’aide sociale. Un appel de sa mère a toutefois changé sa vie. «Elle m’a demandé si je voulais retourner à l’école. Je savais qu’il y avait un programme de subvention d’Emploi-Québec qui aide financière­ment les adultes qui retournent à l’école. J’ai dit oui. Elle m’a demandé de me rendre immédiatem­ent à une entrevue. C’était à l’École Félix-Antoine.»

Il y a rencontré l’enseignant Martin Beaulieu et Denyse Mayano, la fondatrice de cette école unique en son genre, qui fonctionne sans subvention gouverneme­ntale, grâce à des dons et à l’engagement de bénévoles.

«J’ai connu Denyse Mayano il y a plusieurs années à l’École Vanguard, une école spécialisé­e pour les élèves en difficulté d’apprentiss­age où je travaille, indique Suzanne Langlais, mère de

David. Lorsque Denyse a pris sa retraite, elle a fondé cette école qui enseigne vraiment de façon différente, avec de petites classes, beaucoup de mentorat et un suivi personnali­sé.» Après l’entrevue, David a passé les tests de classement. «Ils m’ont dit qu’ils comprenaie­nt pourquoi j’avais été classé au primaire à l’éducation des adultes, mais qu’ils voyaient aussi que je connaissai­s bien certaines parties de la matière,

explique-t-il. Ils m’ont dit que j’aurais besoin de deux ou trois mois de rattrapage pour les notions de primaire, puis que je passerais au secondaire. Finalement, après un mois, j’étais au secondaire.»

La transforma­tion

Tout jeune, David était une véritable tornade, au dire de sa mère. Il a reçu un diagnostic de trouble de déficit de l’attention avec hyperactiv­ité à six ans. Même une fois à l’École Félix-Antoine, il n’a pas été un élève facile, et il le sait.

«J’ai tout de suite aimé l’école, mais j’ai quand même vécu une période d’adaptation,

raconte-t-il. J’ai eu tendance à retourner à mes mauvaises habitudes et à mettre le trouble. Mais, leur approche est vraiment adaptée. J’avais l’encadremen­t dont j’avais besoin. Il y a zéro tolérance pour le manque de respect. Ils m’ont parlé, ils m’ont mis au pied du mur, ils savaient que c’était ce dont j’avais besoin.»

Malgré tout, tranquille­ment, il a commencé à connaître de plus en plus de succès dans ses résultats scolaires. D’après sa mère, l’École FélixAntoi­ne a littéralem­ent sauvé David. «Il avait connu beaucoup d’échecs et son estime de lui commençait à être minée, explique-t-elle. Lorsqu’il a commencé à avoir de bons résultats, je l’ai vu se transforme­r. Nous lui disions tout le temps qu’il était capable de réussir, mais là, il le réalisait.»

Alors que l’École Félix-Antoine l’aidait énormément, David a eu envie, à son tour, d’aider les gens. Il s’est engagé auprès de la banque alimentair­e de l’école. Il s’est d’abord porté volontaire pour aller chercher les denrées chez Moisson Montréal, puis il a commencé à s’occuper de la distributi­on.

«Je me souviens d’une nouvelle élève, une mère seule, raconte-t-il. Elle est arrivée, je lui ai donné plein d’affaires. Elle n’en revenait pas. Il y avait peut-être 200$ d’épicerie là-dedans. Elle m’a dit qu’elle ne savait pas comment elle aurait nourri sa famille cette semaine sans ça.»

David a vu la différence que son engagement pouvait faire dans la vie des gens. C’est ainsi que même s’il a obtenu son diplôme d’études secondaire­s l’an dernier, après cinq ans d’efforts, il s’occupe toujours de l’administra­tion de la banque alimentair­e.

Les projets

Puis, il a voulu faire plus. Il trouvait qu’il manquait de sport à l’école, alors que plusieurs élèves ont, comme lui, un diagnostic de TDAH et ont un grand besoin de bouger pour faciliter leur concentrat­ion. «Moi, je faisais du CrossFit, j’adorais ça et ça m’aidait beaucoup, alors j’ai décidé de proposer à Denyse Mayano d’offrir des cours de CrossFit gratuiteme­nt aux élèves, explique-t-il. J’ai négocié avec un gym pour que les élèves puissent y venir une fois par semaine et j’ai trouvé un entraîneur qui a accepté de le faire bénévoleme­nt. J’ai vu un jeune du groupe vraiment s’améliorer à l’école. Il a même eu 100 % à un examen final en mathématiq­ues. J’étais vraiment fier.»

«J’ai vu mon fils se responsabi­liser en commençant à s’engager à l’école, renchérit sa mère. Il a vraiment évolué. Il a gagné en maturité, il gère ses finances, ses rendez-vous, il a des projets. Ça vaut de l’or.»

Aujourd’hui, à 28 ans, David réalise qu’il a développé une éthique de travail. Il occupe depuis un certain temps déjà un emploi en entretien ménager, puis il a un objectif : entrer dans la GRC. «Je veux aider le monde, lance-t-il. Puis, ça me donnerait la chance de toucher à plusieurs métiers. Un jour, j’aimerais être dans l’équipe tactique, mais je serais déjà vraiment heureux d’être patrouille­ur! Je me donne environ deux ans pour y arriver.»

Lorsqu’il s’agit de soutenir les personnes ayant un trouble d’apprentiss­age ou un trouble qui lui est souvent associé comme le TDAH dans leur cheminemen­t scolaire il y a quelques solutions. L’une d’elles est l’École Félix-Antoine qui est reconnue par le ministère de l’Éducation. L’histoire de David Vilanova n’est pas unique. Comme lui, nombreux sont ceux qui veulent obtenir un diplôme, avoir accès au marché du travail et contribuer ainsi à notre société. La réussite de ces personnes repose sur leur déterminat­ion bien sûr mais aussi sur le travail de nombreux bénévoles essentiels dans cette école qui ne reçoit pas de subvention du ministère de l’Éducation mais vit de dons d’individus qui croient en l’éducation des adultes qui ont des troubles d’apprentiss­age.

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Crédit photo : Jade Grenier Le parcours scolaire de David Vilanova a été un véritable cauchemar jusqu’à ce qu’il mette les pieds à l’École Félix-Antoine.

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