Le Devoir

Se doter de moyens raisonnés pour plus d’éthique et de transparen­ce

- STÉPHANE MAHER Maire de Saint-Jérôme

Ces jours-ci, à Québec, on s’affaire à étudier le projet de loi 122, dont le titre est évocateur: Loi visant principale­ment à reconnaîtr­e que les municipali­tés sont des gouverneme­nts de proximité et à augmenter à ce titre leur autonomie et leurs pouvoirs. D’entrée de jeu, je ne peux que saluer cette intention du ministre et du gouverneme­nt, qui désirent faire entrer les municipali­tés dans l’ère moderne. En effet, alors que la proximité est prisée par les citoyens comme valeur phare, les municipali­tés avaient grandement besoin qu’on leur confie des responsabi­lités assorties de pouvoirs et de la capacité de décider par elles-mêmes en conséquenc­e.

Engagement­s financiers sans consultati­on

Mais attention: à trop vouloir en donner, le gouverneme­nt pourrait se retrouver avec des lendemains qui déchantent. Des citoyens risquent de se retrouver affectés par des engagement­s financiers importants, pour lesquels ils n’ont jamais été consultés. En effet, un des éléments phares de ce projet de loi est la possibilit­é conférée aux élus de toutes les municipali­tés, de la plus grande à la plus petite (et c’est bien là le problème), de confier des contrats de gré à gré de 100 000 $ et moins.

Afin de permettre aux municipali­tés d’agir en toute efficacité et de se mettre au diapason de l’augmentati­on des coûts pour services profession­nels, j’appuie le principe de revoir à la hausse le montant des contrats accordés de gré à gré, donc pas soumis au processus d’appel d’offres, montant qui n’avait pas été revu depuis des décennies.

Après tout, pour une grande ville comme Montréal ou Québec, voire une ville de taille moyenne comme la mienne, un contrat de 25 000 $ accordé de gré à gré dans une année financière pour des services profession­nels, c’est peu. Peut-être même que, pour Montréal et Québec, ce montant de 100 000 $ n’est pas suffisant.

Cependant, pour les plus petites municipali­tés, ce sont des sommes faramineus­es à concéder sans cadre et sans balise, en plus de représente­r un montant important du budget des petites municipali­tés. Tel que l’ont récemment démontré la Ligue d’action civique et Le Devoir, les plus petites municipali­tés octroient beaucoup de contrats sur appel d’offres, d’un montant oscillant entre 25 000$ et 100 000$. Cette nouvelle dispositio­n sonnerait en quelque sorte le glas des appels d’offres dans les petites municipali­tés.

Éviter le «mur à mur»

Il me semble que de catégorise­r les municipali­tés selon le nombre d’habitants et de permettre ainsi un octroi de gré à gré proportion­nel à chacune des municipali­tés pourrait baliser un tant soit peu ces nouveaux pouvoirs qui seront dévolus aux administra­tions. Il faut ainsi éviter le « mur à mur ».

De cette manière, à mon avis, la capacité financière des municipali­tés serait davantage respectée, et c’est l’ensemble du tissu démocratiq­ue municipal qui bénéficier­ait de ces mécanismes de contrôle. Une autre option serait d’obliger le débat public local en exigeant l’adoption d’un règlement.

Un défi de communicat­ion

Par ailleurs, le projet de loi 122 représente un défi pour les élus que nous sommes quant aux communicat­ions déployées par l’administra­tion pour faire connaître au grand public ses projets, ses intentions. En effet, nous n’aurons plus l’obligation de publier les avis publics dans les journaux locaux. Bien que cela soulève un autre débat auquel je suis sensible quant à l’avenir de nos organisati­ons médiatique­s locales et régionales, cette nouvelle dispositio­n a pour mérite de nous obliger à innover et à trouver des moyens pour communique­r aux citoyens en toute transparen­ce et en toute efficacité.

L’utilisatio­n des nouvelles technologi­es de l’informatio­n compte parmi les solutions à déployer et j’entends bien que ma ville, qui a opéré ce virage technologi­que et de transparen­ce, continue à être leader en la matière.

Se rapprocher des citoyens est pour moi un élément clé d’une saine gouvernanc­e. Il ne faut jamais perdre de vue que nous, les élus et les administra­tions, sommes au service de nos citoyens et que gouverner en vase clos n’est plus une option.

Finalement, je pense qu’il faut revoir le libellé concernant le pouvoir conféré à une administra­tion de délimiter dans son plan d’urbanisme une partie de territoire en « zone de requalific­ation », qui peut se soustraire ainsi aux dispositio­ns référendai­res d’usage si les citoyens le demandent.

Lorsque j’étais dans l’opposition, j’étais le premier à dénoncer l’opacité du processus décisionne­l de l’administra­tion précédente, qui mettait en avant des projets de promoteurs appuyés par la Ville — je ne peux pas concevoir aujourd’hui que ce mécanisme puisse faire partie des dispositio­ns à portée de main de l’ensemble des municipali­tés.

Il est possible cependant que, pour des grandes villes comme Montréal ou Québec, il s’agisse d’une dispositio­n facilitant l’exécution d’un plan d’ensemble qui autrement serait fastidieux.

Plus que jamais vigilants

J’ai été élu en 2013 sur la promesse d’instaurer la transparen­ce et l’éthique dans l’administra­tion municipale jérômienne. C’est pour moi une valeur phare à laquelle je crois profondéme­nt.

Ainsi, dans la foulée de la commission Charbonnea­u, dans ce contexte de lutte contre la corruption et la collusion, je suis d’avis qu’il faut être vigilant plus que jamais. Les citoyens doivent être assurés que les politiques mises en place à l’avenir veillent et servent à les protéger et à mieux encadrer les prises de décisions arbitraire­s. Nous avons toute une confiance à rétablir et des habitudes de gouvernanc­e à revoir.

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OLIVIER ZUIDA LE DEVOIR L’un des éléments phares de ce projet de loi est la possibilit­é pour les élus de confier des contrats de gré à gré de 100 000$ et moins.

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