Le Devoir

Comment l’amour reste-t-il beau? se questionne Albin de la Simone

Le Français lance le disque L’un de nous

- PHILIPPE PAPINEAU Le Devoir

En prenant un pas de recul devant son dernier disque Un homme et celui qu’il lance ce vendredi, intitulé L’un de nous, Albin de la Simone n’a pas trop le choix de reconnaîtr­e l’évidence : sa vie récente se distille dans sa musique. Alors que le précédent album plongeait en 2013 le nouveau père dans une réflexion sur la masculinit­é, les nouvelles pièces du Français tournent maintenant autour de la survie du couple au gré du temps qui passe.

Premier appel à Albin de la Simone : répondeur. Une courte ritournell­e pianotée se fait entendre en guise de message, puis le bip. Bah oui, c’est un homme de piano après tout. Cinq minutes plus tard, en gentleman poli et posé, il s’excuse au bout du fil, coincé qu’il était en pleine répétition avec ses musiciens, quelque part autour de Lille.

Au moment de sa dernière discussion avec Le Devoir il y a déjà quatre ans, le chanteur à la voix délicate et ronde avait un enfant en bas âge et construisa­it sa maison. «Là j’ai cet enfant, j’ai cette maison, reste que la vie de couple doit continuer, et continue, raconte-t-il. C’est plus ça ma préoccupat­ion d’aujourd’hui, donc le disque est beaucoup plus imprégné de ça que le précédent. Comment dure l’amour et comment fait-il pour rester beau?»

Disque concept, L’un de nous ? Albin de la Simone rejette la démarche, mais accepte le résultat. «Quand j’écris, c’est très laborieux, mais chaque chanson qui sortait tournait franchemen­t autour de la thématique du couple. Je me suis rendu compte que ma vie était tellement allumée par cette quête-là que mes chansons ne parlaient que de ça.»

Le temps ne fait rien à l’affaire

Le passage du temps traverse plusieurs des 12 nouveaux titres du chanteur, complexifi­ant du même coup les sentiments qui en émanent. Albin de la Simone ne livre pas des histoires où tout va bien ou alors où tout va mal, mais davantage des capsules en demiteinte­s, sans fantasme. « C’est la complexité de l’amour et pas juste le rêve de l’amour simple, raconte-t-il. N’allez pas croire que je me propose en conseil au couple! Mais c’est important, l’amour, la relation se transforme avec le temps, on le sait tous, et il faut réussir cette transforma­tion, cette mue.»

Le temps triture l’amour, ou le façonne. Mais il peut aussi avoir un impact sur la création, non? Albin de la Simone laisse filer un petit rire à cette idée. «Je crois que mon écriture se précise. En fait j’espère, parce que je galère de plus en plus à écrire, j’espère que c’est parce que je deviens de plus en plus exigeant. Mon but étant toujours, et c’est vraiment une quête, d’être intelligib­le dans le langage, mais par contre d’exprimer des choses complexes. »

Une histoire de piano

Pour ce quatrième disque, Albin de la Simone — un bon ami de Pierre Lapointe — a eu envie de faire les choses un peu dans le désordre. Au lieu d’attendre que toute la musique soit enregistré­e pour s’attaquer aux lignes de voix, il a décidé de faire l’inverse. Le musicien a donc livré en deux jours de sessions les titres de L’un de nous en format pianovoix, avant d’ajouter les orchestrat­ions et les arrangemen­ts.

Mais pour ce faire, il fallait d’abord qu’il trouve l’instrument avec un grand «i», celui qui épouserait sa voix. De la Simone est donc parti à la recherche du bon piano, écumant des studios, «des caves et des arrière-cuisines», comme il l’écrit dans le livret du disque. «C’était joyeux, hein! Ce qui est marrant, c’est que c’était plutôt la recherche de l’instrument avec un petit “i”, parce que je n’avais pas besoin d’un super piano, j’avais besoin d’un piano qui me ferait vibrer. J’en essayais plein. “Oui il est super, mais bon, ce n’est pas celui-là”, c’est vraiment bizarre, j’avais du mal à m’exprimer auprès des gens. »

Il a finalement trouvé le bon instrument, un piano droit à la sonorité «à la fois ronde, chaude, et large, mais aussi d’une charmante imperfecti­on». S’ajoutent sur cette matrice piano-voix des arrangemen­ts simples, au service des chansons. Les cordes sont discrètes, le wurlitzer roucoule doucement, on entend ici et là le chant de la scie musicale, et la batterie dynamise habilement le tout.

Toujours dans sa bulle

À l’autre bout du fil, Albin de la Simone nous avise qu’il doit retourner à sa répétition, lui qui se promènera d’ailleurs un peu partout en France dans les prochaines semaines. «Je continue à jouer sans sonorisati­on, ce que je fais depuis cinq ou six ans, avec comme seul équipement une enceinte pour ma voix, parce qu’il faut que l’on comprenne mes paroles, et mon clavier électrique. Mais sinon c’est acoustique, avec violon et violoncell­e, on est dans une vibration comme en musique classique, presque. Et ça me ravit, on peut faire des salles jusqu’à 500 ou 600 places. Ça me limite à ça, mais c’est rare que j’aie besoin de plus. »

Vétéran de la chanson française, Albin de la Simone aime bien sa situation. Sans être une star, il a son public fidèle. «En général, quand je fais des concerts, les salles sont plutôt pleines et ça se passe bien. J’essaie d’être dans une sensation de gagner. Si je joue dans une salle où il y a trois fauteuils et qu’il y a trois personnes dans les fauteuils, c’est bien. S’il y a cinq fauteuils et seulement trois personnes, ça ne va pas ! »

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