Peter Peter : jusqu’au bout de la solitude
Le chanteur installé à Paris lance l’onirique et accrocheur Noir éden
Séduit par l’idée de la solitude et de l’exil, Peter Peter a acheté il y a près de trois ans un billet aller simple pour Paris, où sa musique pop alternative trouvait de plus en plus écho. Enfermé dans son appartement de 35 mètres carrés de Montrouge, au nord de la ville, le chanteur a poussé le fantasme jusqu’à se plonger dans une longue et profonde introspection, qui a donné son troisième disque, Noir éden, un album onirique, crypté, mais musicalement plus pop que jamais.
«Je suis allé au bout de la solitude », confie Peter, joint au bout du fil dans son appartement parisien. Le Québécois n’y avait que peu, voire pas, de vie sociale. Il ne croisait que sa copine de l’époque et son chat Vénus — qui est la muse d’un des morceaux et qu’on peut voir sur la pochette du disque.
Peter Peter parle de sa plongée intérieure avec des mots positifs, quoiqu’en trame on sente qu’il n’en est pas sorti complètement indemne. «J’avais besoin de ça, mais c’est insidieux. C’est quelque chose que j’idéalisais, mais je pense que j’ai réussi à faire quelque chose avec ça. Peut-être que, psychologiquement, j’ai un peu écopé. Je me suis rendu compte que ça m’avait fait prendre certains chemins, ma personnalité a changé. J’ai toujours été solitaire, mais là j’étais plus reclus, en fait. J’étais plus sauvage. »
Fantasmagories
On sent que le huis clos a teinté l’univers de ces nouvelles chansons, où le rêve est très présent, comme l’étrangeté du monde, les murs ou leur absence, le tourment intérieur. Noir éden se révèle donc plus codé que les précédents disques de Peter Peter, qui avoue pratiquer l’écriture automatique. Onirisme? Tout à fait, dit-il, évoquant le roman Ubik de Philip K. Dick.
«Ça m’intéressait d’écrire à partir de rien, sans nécessairement vivre les choses, juste me perdre pendant des heures dans ma tête et transcender les murs de cet appartement-là par des fabulations, en créant un univers fantasmagorique, explique-t-il. Je suis allé au fond du gouffre pour aller chercher ces choses-là. [La pièce] Bien réel, c’est un peu ça. J’avais un peu perdu la connexion avec la réalité, tout ce qui m’entourait n’avait pas toujours du sens. J’avais l’impression de répéter la même journée. »
Nouvelle voix, nouvelle voie
Dès les premières notes de Noir éden, c’est la voix de Peter Peter qui étonne. Son chant est plus aigu, et plus assumé. C’est pour lui un retour à sa manière intuitive d’interpréter, approche qu’il avait réprimée dans ses premiers albums, car il trouvait qu’elle donnait à ses pièces une énergie trop proche d’une pop classique.
« Avant, je faisais des albums un peu anglo-saxons, pour éviter les codes de la chanson française, parce que j’avais envie de faire de la chanson différente. Là, j’ai l’impression d’avoir fait un album de variétés, de chanson francophone. »
Noir éden assume donc cette idée de mélodies accrocheuses. Ses sonorités androgynes sont très plongées dans les années 1980 et donnent beaucoup de corps à son univers éclectique.
«Je suis quelqu’un qui est très instinctif, je ne fais pas trop de pastiches, se défend celui qui a pour la première fois joué un rôle important dans la réalisation d’un de ses disques. Tout ce que j’entends, je le mets. Que ce soit des [cordes synthétiques] ou des tambours à la Toto. C’est très naïf, la façon dont je fais des albums.»
Sortir
À Paris, Peter Peter réussit peu à peu à s’émanciper de son statut d’étranger, et est bien content de ne plus trop être le Québécois de service. «Il faut dire que je ne suis pas celui qui débarque avec son gros accent, j’ai un français assez normatif. Je ne vois pas ça comme si on m’instrumentalisait. »
Il a récemment été invité sur plusieurs plateaux radio, dont à France Inter avec Didier Varrod, et plusieurs spectacles s’inscrivent déjà à son agenda. « C’est le meilleur démarrage que j’ai jamais eu.» En mars, il viendra faire son tour au Québec pour trois concerts: à Montréal dans le cadre de Montréal en lumière, à Trois-Rivières et à Québec. «Bref, je sors de chez moi, je suis content.»