Humanité latente
Sous le sable ramène à la surface un épisode méconnu de la Deuxième Guerre
SOUS LE SABLE (V.O., S.-T.F.); LAND MINE (V.O., S.-T.A.) OF ★★★1/2 Drame de Martin Zandvliet. Avec Roland Møller, Louis Hofmann, Joel Basman, Emil Belton, Oskar Belton, Mikkel Følsgaard, Laura Bro. Danemark, 2015, 90 minutes.
Une plage de sable blanc, une mer d’un bleu profond, un ciel un ton plus clair: en apparence idyllique, ce paysage est en réalité miné, au sens propre. On est en mai 1945, et plus de deux millions de mines ont été enfouies par les Allemands le long des côtes du Danemark. Dans les jours qui suivent la capitulation nazie, des prisonniers de guerre y sont transportés pour déminer les plages. Plusieurs ne sont que des adolescents envoyés au front aux derniers mois du conflit. En nomination pour l’Oscar du meilleur film en langue étrangère, Sous le sable conte l’histoire d’une poignée d’entre eux, ainsi que celle de leur geôlier.
Implacable mais traversé par des moments de grâce, Sous le sable (Land of Mine avec s.-t.a.) est habile à communiquer la peur sourde qui tenaille ces démineurs néophytes. Pour y arriver, le cinéaste Martin Zandvliet fait naître une tension dans un moment en apparence calme, la dilate, puis la laisser retomber… pour mieux surprendre au moyen d’un choc inattendu. Le procédé est efficace, quoiqu’il devienne répétitif.
Par ailleurs, le film ne recule jamais lorsque vient le temps de montrer l’inévitable. Une séquence, qui dure jusqu’à la limite du supportable, s’avère particulièrement bouleversante.
Pétri de contradictions
Cependant, là où Sous le sable impressionne le plus, c’est dans son refus de simplifier les enjeux en présence. La manière dont chacun des détenus vit cette captivité à haut risque est traitée avec un sens aiguisé de l’observation (des dynamiques de groupes, notamment). Certaines figures s’imposent, comme celle de Sebastian (Louis Hofmann), qui tente de garder ses compagnons motivés et qui développe une complicité fragile avec le sergent responsable de leur détention, un certain Rasmussen (Roland Møller).
Le cinéaste et son comédien sont très habiles à suggérer le conflit qui anime ce dernier personnage: il est troublé d’envoyer à une mort presque certaine des gamins, mais en même temps, il déteste ce qu’ils représentent.
À mesure que la plage est ratissée et que des mines en sont retirées, les tempéraments de chacun se révèlent…
Maintenir son humanité
Sous des dehors inflexibles, Rasmussen est un homme d’honneur, et il n’est pas là pour assouvir une vengeance sur l’ennemi vaincu, bien que la tentation soit parfois grande. Il est d’abord là pour accomplir une mission.
C’est patent lorsque son supérieur, enclin au sadisme (et un brin caricaturé), lui demande s’il ne serait pas en train de «devenir comme eux», en parlant des jeunes prisonniers. L’ironie étant que c’est cet officier qui est « devenu comme eux». Rasmussen, lui, est en lutte constante pour maintenir ce qu’il lui reste d’humanité.
Et de fait, c’est aussi à mettre en lumière ce qu’il y a de laid chez les « bons » et ce qu’il subsiste de beau chez les «méchants» qu’aspire le film. L’effroi côtoie donc l’espoir, situation paradoxale s’il en est. Comme des engins de mort qui attendent sous la surface d’un paysage idyllique.