Net recul du nombre d’agents de la faune
Une cinquantaine de postes ont été abolis depuis 2010 au Québec
Un total de 52 postes d’agents de la faune ont été supprimés en cinq ans au Québec, selon les données officielles du gouvernement. Un recul des effectifs qui offre un véritable «bar ouvert» aux braconniers, selon le Syndicat des agents de protection de la faune.
À la demande du Devoir, le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) a accepté de fournir les statistiques sur les agents de protection de la faune travaillant au ministère, et ce, pour les années 2010 à 2016.
Ces données permettent de constater qu’en 2011, 426 agents du MFFP étaient en fonction sur le très vaste territoire québécois. Ce nombre a par la suite chuté à 388 agents en 2013, et enfin à 374 agents en 2016.
La diminution globale est donc de 52 postes, soit un recul de 12% des agents de protection de la faune depuis 2011. Selon ce qu’a précisé le MFFP en transmettant les données, ce nombre d’agents inclut tous les statuts d’emploi, soit le personnel à temps complet, celui à temps partiel et les employés occasionnels. Les données ont par ailleurs été comptabilisées à
l’automne, soit la période la plus occupée de l’année, en raison de la chasse sportive.
«Bar ouvert»
Pour le Syndicat des agents de protection de la faune du Québec (SAPFQ), les compressions imposées par le gouvernement ont des impacts négatifs majeurs pour la protection de la faune contre les braconniers.
Son président, Pierre Gagné, n’hésite d’ailleurs pas à parler d’un véritable «bar ouvert» pour ceux qui exploitent illégalement et à leur profit les ressources fauniques des différentes régions du Québec. « Ils opèrent 24 heures par jour, 7 jours par semaine, affirme-til. Et nos informateurs nous le disent : “les contrebandiers n’ont plus peur de vous du tout. Ils savent que vous n’êtes pas là.” Ils savent qu’ils ne se feront jamais vérifier et ils opèrent assez ouvertement.»
M. Gagné, qui travaille dans la région de Senneterre, en Abitibi, constate surtout que «les agents de la faune sont de moins en moins présents sur le terrain ». Or, explique-t-il, «environ 95% des gros dossiers de braconnage résolus au Québec proviennent d’informations de la population. C’est un outil essentiel pour notre travail. Mais pour cela, il faut être sur le terrain ».
En plus de la réduction des effectifs, eux qui étaient « près de 600 dans les années 1990», les agents consacrent de plus en plus de leur temps de travail à des tâches administratives. Une situation qui mine la surveillance des forêts et des cours d’eau de la province, selon M. Gagné.
Dans son rapport publié au printemps 2016, le commissaire au développement durable souligne d’ailleurs que la proportion des heures passées sur le terrain est « insuffisante ». «Alors que le nombre d’heures passées sur le terrain et le nombre de constats délivrés ont diminué de plus de 15% depuis 2012, la majorité des heures travaillées, soit un peu plus de 50%, est consacrée à des activités effectuées au bureau », peut-on lire dans le rapport.
Ministre confiant
Malgré ces constats et ceux des agents de protection de la faune, le cabinet du ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs, Luc Blanchette, se veut rassurant. «Les effectifs des agents de la faune permettent d’assurer une protection de la faune dynamique et efficace», souligne l’attachée de presse du ministre, Gabrielle Fallu, dans une réponse transmise par écrit.
Elle fait valoir les « résultats très positifs » obtenus par les agents de protection de la faune, notamment dans le cadre de « plusieurs dizaines d’opérations anti-braconnage» menées en 2016.
Selon Mme Fallu, le ministre Blanchette est par ailleurs « sensible » aux conclusions du rapport 2016 du commissaire au développement durable. «À l’occasion du 150e de la protection de la faune qui se déroule cette année, le ministre compte mettre en place des initiatives qui iront dans le sens des préoccupations soulevées par le Vérificateur général afin d’augmenter la présence des agents de protection de la faune sur le terrain », explique-t-elle.
En plus des suppressions de postes dans le domaine de la surveillance contre le braconnage, le gouvernement Couillard a imposé des compressions à d’autres professionnels du MFFP, dont des biologistes et des techniciens de la faune. Plusieurs régions du Québec ont été touchées.