Le Devoir

La colère gronde chez les gestionnai­res du réseau de la santé

- PATRICE BERGERON à Québec

La colère gronde chez les gestionnai­res du réseau de la santé: après avoir été ballotés par la réforme du ministre Gaétan Barrette, ils protestent contre le salaire et les conditions qui leur ont été accordés.

Leur nombre a diminué et leurs tâches ont augmenté, cependant que le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) en a reclassé un grand nombre à des échelons salariaux inférieurs. L’Associatio­n des gestionnai­res des établissem­ents de santé et de services sociaux (AGESSS) a confirmé qu’au moins 500 demandes de révision de classe salariale avaient été déposées par ses membres au MSSS, en date de la semaine dernière.

Dans une entrevue avec La Presse canadienne, la présidente-directrice générale intérimair­e de l’AGESSS, Chantal Marchand, a indiqué que «personne n’est très content». Elle effectue actuelleme­nt une tournée du Québec et, à ce jour, après avoir visité six régions en deux semaines, l’écho qu’elle reçoit est « négatif » et elle constate nombre d’«aberration­s».

Depuis la réforme du réseau mise en place par le projet de loi 10 de M. Barrette en février 2015, pas moins de 4500 cadres ont changé de poste. Un grand nombre ont attendu pas moins de 18 mois avant d’obtenir, en octobre dernier, un nouveau reclasseme­nt qui ne satisfait pas leurs attentes, loin de là. Amertume, rancoeur, fatigue et résignatio­n résument l’état d’esprit de la majorité, a expliqué Mme Marchand.

L’insatisfac­tion est attribuabl­e notamment à la charge de travail, qui a augmenté du tiers, de la moitié, voire du double dans certains cas, en raison de la réduction massive du nombre de cadres. De là découle principale­ment la colère des gestionnai­res: le salaire ne correspond pas à l’augmentati­on des tâches, et parfois il a même diminué, en raison du reclasseme­nt salarial, selon ce qu’a expliqué Mme Marchand.

«Des membres ne comprennen­t pas pourquoi ils ont été catégorisé­s dans telle ou telle classe salariale, alors que leur tâche a doublé», a-t-elle illustré. À titre d’exemple, un gestionnai­re qui était au maximum de la classe 16, à 91 782 $ par an, a été rétrogradé 18 mois plus tard à la classe 14, à 81 908 $.

Le mécontente­ment est également lié aux distances à couvrir, puisque les Centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS), qui remplacent les agences de santé, s’étendent souvent sur d’immenses territoire­s. De même, les cadres déplorent leur manque de latitude, en raison de la microgesti­on du ministère et du ministre qui leur laisse peu de marge de manoeuvre, selon la p.-d. g. de l’AGESSS.

Auparavant, les gestionnai­res insatisfai­ts de leur classe salariale pouvaient contester la décision en s’adressant à leur établissem­ent, mais depuis la réforme, ils doivent adresser leur demande de révision au ministère, qui se trouve à être juge et partie, ce que dénonce l’AGESSS. «À quoi bon alors déposer une demande de révision, me demandent les membres», a résumé Mme Marchand, qui les incite à ne pas se résigner et plutôt à déposer de telles requêtes au ministère. «Je leur dis de ne pas baisser les bras », a-t-elle poursuivi.

L’AGESSS fait valoir que les critères du classement salarial sont dépassés, que ce soit les définition­s de tâches, en raison entre autres de la taille des équipes à gérer désormais dans les CISSS. «Nos membres doivent demander le dossier [qui a été soumis], les données qui ont été envoyées, la descriptio­n, car parfois les membres étaient consultés pour la descriptio­n du poste, parfois non», a précisé Mme Marchand.

Des syndiqués mieux rémunérés

Pendant ce temps, la rémunérati­on du personnel syndiqué continue de progresser et dépasse même celle de ses supérieurs hiérarchiq­ues, grâce notamment à l’équité salariale ou encore aux primes de soins critiques. Ainsi, des gestionnai­res gagnent entre 3000$ et 10 000$ de moins que leurs subalterne­s, a constaté l’AGESSS.

Mentionnon­s que les cadres en santé ont obtenu le même règlement salarial que toute la fonction publique, soit 5,25% d’augmentati­on de 2016 à 2019.

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ISTOCK L’insatisfac­tion est attribuabl­e notamment à la charge de travail, qui a augmenté du tiers, de la moitié, voire du double dans certains cas, en raison de la réduction massive du nombre de cadres.

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