Le Devoir

Les vents sont de nouveau favorables aux groupes miniers

- GLENDA KWEK

Sydney — Grâce à l’envolée de l’immobilier en Chine, ajoutée aux espoirs de grands projets d’infrastruc­tures aux États-Unis et en Inde, le secteur minier se redresse et les géants des matières premières engrangent des bénéfices considérab­les, expliquent les analystes.

Le ralentisse­ment économique, en particulie­r en Chine, premier consommate­ur de métaux au monde, couplé à la surabondan­ce de l’offre, a fait plonger les cours ces dernières années. Ce qui s’était traduit par des faillites ou des coupes sombres dans les effectifs et les investisse­ments. Mais Pékin se redécouvre un appétit pour les métaux et l’économie chinoise présente des signes de stabilisat­ion. L’optimisme est de retour même s’il est tempéré par les craintes que la reprise ne fasse pas long feu.

«La plupart des groupes miniers vont réaliser de très bons résultats, les meilleurs depuis des années», a déclaré à l’AFP Daniel Morgan, analyste chez UBS. «Leurs coûts sont réduits et, souvent, ils en sont aux investisse­ments de maintien plutôt qu’aux investisse­ments de croissance. Ils vont engranger de l’argent et améliorer leur bilan comptable. »

L’exemple du fer

Le minerai de fer, qui entre dans la compositio­n de l’acier, est un bon exemple de l’évolution en montagnes russes des matières premières. En 2011, il valait près de 200$US la tonne avant de s’écrouler de 80% fin 2015, à moins de 40$US. La tonne s’échangeait récemment 90$US environ. Le cuivre rebondit aussi, une grève dans la mine Escondida de BHP au Chili, la plus grande mine de cuivre au monde, contribuan­t à la tendance.

D’après Andrew Driscoll, analyste chez CLSA, les principaux facteurs à l’oeuvre sont la demande et des contrainte­s d’approvisio­nnement en Chine.

Pékin a pris des mesures début 2016 pour soutenir les achats d’appartemen­ts et relancer le secteur crucial de la constructi­on en facilitant l’octroi de crédits immobilier­s, tout en dopant massivemen­t les dépenses publiques dans les projets infrastruc­tures. «La demande s’est révélée meilleure que prévu, portée par ces deux sous-secteurs pendant une bonne partie de l’année», explique-t-il à l’AFP.

Dans le même temps, Pékin a adopté des réformes environnem­entales qui renchériss­ent la production des matières premières polluantes en Chine. L’élection de Donald Trump, qui fait espérer des dépenses d’infrastruc­tures massives aux États-Unis, et la promesse du gouverneme­nt indien de moderniser les routes, les aéroports et les chemins de fer apportent également leur pierre à l’édifice.

Énormes bénéfices

Les deux plus grands du secteur — les Anglo-Australien­s BHP Billiton et Rio Tinto — viennent d’annoncer d’énormes bénéfices pour 2016 alors qu’ils avaient plongé dans le rouge l’année précédente. Le brésilien Vale a fait part de résultats en forte hausse. Le britanniqu­e Anglo-American a signé un spectacula­ire retour dans le vert.

La reprise des cours du charbon a motivé la réouvertur­e de mines par des opérateurs comme le géant suisse Glencore. Après s’être déclarés en faillite, des producteur­s de charbon américains comme Alpha Natural Resources et Arch Coal sont de retour. Warrior Met Coal, qui possède les principaux actifs de Walter Energy, en faillite, embauche tandis que Peabody Energy envisage sa réintroduc­tion en Bourse.

« C’est un exemple intéressan­t qui montre comment la boucle a été bouclée», poursuit M. Driscoll. «On est sortis du tunnel, ces groupes se sont restructur­és, et l’environnem­ent est bien plus favorable au charbon.» À mesure que les trésorerie­s gonflent, les actionnair­es pourraient bénéficier de vagues de rachats d’actions et le secteur renouer avec les fusions et acquisitio­ns.

Bémol

Mais, préviennen­t les analystes, l’industrie pourrait y regarder à deux fois avant de se lancer dans les grandes dépenses qui pourraient se retourner contre elle si les cours dégringole­nt à nouveau. Des ressources comme le charbon font face à des pressions à long terme, concurrenc­e du gaz naturel peu coûteux ou demande d’énergie propre. Même la demande en Chine pourrait avoir atteint un plateau, selon certains analystes, à l’heure où le géant asiatique entend rééquilibr­er son économie vers les services et la consommati­on intérieure.

Un facteur déterminan­t pourrait être cependant le dollar américain dans lequel s’échangent les matières premières. Les projets d’investisse­ments et de réforme fiscale évoqués par Donald Trump devraient nourrir l’inflation. La Réserve fédérale américaine devrait augmenter les taux d’intérêt ce qui renforcera­it le dollar. Or, un billet vert coûteux renchérit les achats des investisse­urs munis de devises différente­s.

Le dollar, «c’est probableme­nt le vent contraire mondial qui empêchera les matières premières de réaliser des performanc­es solides», a dit à l’AFP David Lennox, analyste chez Fat Prophets.

Les deux plus grands groupes miniers, BHP Billiton et Rio Tinto, viennent d’annoncer d’énormes bénéfices pour 2016 alors qu’ils avaient plongé dans le rouge l’année précédente

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AIZAR RALDES AGENCE FRANCE-PRESSE Des mineurs sortent d’un puits de la mine d’étain San Jose, près d’Oruro, en Bolivie.

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