Le Devoir

Dans les coulisses des négociatio­ns sur la Syrie à Genève

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Genève — Interdicti­on d’enregistre­r clandestin­ement les réunions, courtoisie et discrétion demandées: les consignes de l’émissaire de l’ONU aux belligéran­ts syriens illustrent la tension entourant les pourparler­s de Genève, censés amorcer une solution au conflit.

«Respectez-vous mutuelleme­nt, ne remettez pas en cause la légitimité des uns et des autres. Assurez-vous que les réunions ou conversati­ons ne sont pas enregistré­es. Utilisez un langage approprié, évitez les injures et attaques personnell­es. » Ces quelques «consignes de base», contenues dans un document remis par le médiateur de l’ONU, Staffan de Mistura, aux belligéran­ts, racontent en creux l’animosité et la défiance entre les deux parties, après six ans d’un conflit dévastateu­r et plusieurs tentatives de négociatio­ns avortées.

Cette tension était palpable dès le soir de l’ouverture officielle des pourparler­s, jeudi, dans une grande salle du Palais des Nations de Genève. La délégation du régime, menée par l’ambassadeu­r syrien aux Nations unies, Bachar al-Jaafari, faisait face à celle de l’opposition, conduite par le cardiologu­e Nasr al-Hariri. Entre les deux, l’habituelle­ment souriant Staffan de Mistura appelait solennelle­ment les deux parties à faire preuve de «responsabi­lité historique» pour mettre fin au conflit.

«Jaafari avait une attitude de défi, les bras croisés, il nous toisait littéralem­ent », raconte un diplomate occidental. La délégation du régime n’a pas applaudi et a quitté la salle immédiatem­ent à la fin du discours de M. de Mistura.

Incident évité

Du côté de l’opposition, l’incident diplomatiq­ue a été évité in extremis. Furieux de voir que M. de Mistura avait convié les groupes dits du Caire et de Moscou (des opposants considérés comme proches de la Russie), des membres de la délégation de l’opposition du HCN (Haut Comité des négociatio­ns) voulaient boycotter la cérémonie, ce qui aurait envoyé un signal désastreux pour les négociatio­ns.

«Il y a eu de fortes pressions des envoyés spéciaux des pays qui soutiennen­t l’opposition. Britanniqu­es, Allemands, Français, Émiratis, Danois, Suédois, Turcs… Ils les ont poussés à participer à la cérémonie », raconte une source de l’opposition. Car en coulisses, les représenta­nts des pays impliqués directemen­t ou indirectem­ent dans le conflit veillent au grain. Ils « conseillen­t » leurs protégés respectifs.

Et conseiller l’opposition «n’est pas toujours simple; ça part un peu dans tous les sens», selon une source proche des négociatio­ns. Le HCN, qui regroupe à la fois des politiques et des militaires représenta­nt les groupes armés sur le terrain, est

souvent divisé sur la tactique à adopter face à un régime qui, lui, ne dévie pas de sa ligne.

Côté régime, le grand allié russe s’est exprimé le jour de l’ouverture des pourparler­s de Genève. Le président Vladimir Poutine a souligné que l’objectif de Moscou en Syrie était de

«stabiliser le pouvoir légitime» et de terrasser le terrorisme. Son envoyé spécial à Genève a prévenu que vouloir enlever le pouvoir à Bachar Al-Assad, comme le demande l’opposition, était absurde.

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