Le court au long cours
Le Gala du court métrage Prends ça court ! est devenu aussi incontournable qu’indispensable
Le 28 février se tiendra à la Cinémathèque le 14e Gala du court métrage Prends ça court!, en collaboration avec les Rendez-vous du cinéma québécois (RVCQ). Bien plus qu’une célébration, l’événement est devenu incontournable, voire indispensable, dans l’écosystème du court métrage au Québec. En effet, en distribuant une valeur de plus de 250 000 $ en bourses et en services divers, Prends ça court! permet aux cinéastes tantôt de souffler, tantôt de déployer davantage leurs ailes.
«Quand tu gagnes 10 000$ en location d’équipement, ça paraît dans un budget de court; ça te permet de consacrer l’équivalent de ce montant à autre chose, et ça se voit à l’image», note Danny Lennon, fondateur de Prends ça court!.
Le Grand Prix offre, à titre d’exemple, 15 000 $ en services de postproduction. De telles sommes peuvent faire la différence dans ce qu’un prochain court métrage sera tourné ou non.
Programmateur à Sundance, Berlin et Cannes, grand manitou du Centre PHI, Danny Lennon a la passion du court, et il accorde son action à ses convictions. «Je fais ça tout seul, avec mon compte épargne, lâche-t-il. Le gala, je le paie de ma poche. Ce qu’on arrive à faire avec si peu, c’est fou, et moi, je dis aux institutions qui me félicitent mais qui n’investissent pas: imaginez le niveau qu’on atteindrait avec un peu d’aide. À l’inverse, les compagnies, les gens de l’industrie que j’ai sollicités au fil des ans, ils ne se sont pas fait prier; de gros joueurs comme Vision globale, étaient tout de suite prêts à embarquer parce qu’ils comprennent les enjeux. Ils savent que c’est important, le court.»
Important pour l’émergence de nouvelles voix, important pour le développement d’une cinématographie forte. Et de fait, nos courts brillent, partout. Mais encore faut-il les voir ici.
«Les festivals font une belle job, mais je désire revenir à la formule originale de Prends ça court!, qui consistait à des projections mensuelles. L’expérience de la salle est nécessaire, et le fait de se rencontrer et d’échanger aussi.»
Plus diversifié
Ceux qui fréquentent le milieu du court au Québec savent à quel point le talent y est présent, mais combien on est souvent forcé de tourner à l’arraché avec des comédiens particulièrement dévoués. Le corollaire positif de cela est qu’on expérimente et déchaîne sa folie créatrice davantage en court qu’en long: avec des sommes souvent dérisoires en jeu, que risque-t-on?
Plus représentatif aussi, le court permet à un ratio plus élevé de réalisatrices de faire valoir leur vision (elles sont cette année majoritaires dans le volet court des RVCQ). Ces dernières années, Anne Émond, Chloé Robichaud, Sophie Goyette, Chloé Leriche, et Lawrence Côté-Collins, ont pu accéder au long après s’être illustrées dans le court. Idem pour Sophie Dupuis, qui vient de faire le saut, et pour l’actrice-réalisatrice Monia Chokri, qui y travaille.
Quoique ce ne soit pas une fin en soi, car certains choisissent de faire carrière dans le court, le format leur convenant davantage, à l’instar des nouvellistes en littérature. Prenez David Uloth, qui fera sous peu l’objet d’une rétrospective au festival Regard: il a réalisé une douzaine de courts, dont le lyrique La voce, primé un peu partout. C’est là une filmographie, c’est là une oeuvre.
Et c’est aussi cela que célèbre Prends ça court!, et c’est aussi pour cela que Danny Lennon se bat. Toute l’année, à coeur de jour.
Ceux qui fréquentent le milieu du court au Québec savent à quel point le talent y est présent