Le Devoir

L’IRIS craint une privatisat­ion du transport en commun

- JEANNE CORRIVEAU

Le train de la Caisse de dépôt et placement du Québec ouvre la porte à une privatisat­ion du transport en commun, estime l’Institut de recherche et d’informatio­ns socio-économique­s (IRIS) dans une étude qui vient d’être publiée. Selon le chercheur Bertrand Schepper, la formule choisie comporte plus de dangers qu’un partenaria­t publicpriv­é (PPP).

L’IRIS a souvent critiqué les PPP. Mais la stratégie du gouverneme­nt pour la réalisatio­n du Réseau électrique métropolit­ain (REM) en « partenaria­t public-public» soulève de nombreuses questions.

Pour mener à bien le projet que lui a confié Québec, la Caisse a créé une filiale, CDPQ Infra, qui a reçu pour mandat de financer, planifier, construire et exploiter le projet d’infrastruc­ture. Mais à terme, qu’adviendra-t-il des actifs ?

«CDPQ Infra est une entreprise privée qui appartient essentiell­ement à la Caisse, note M. Schepper dans son étude. Il n’y a pas de clause dans l’entente entre le gouverneme­nt et la CDPQ qui stipule que l’infrastruc­ture appartiend­ra un jour a l’État. Au contraire, si on lit attentivem­ent l’entente, on constate que “les biens corporels et ouvrages acquis, construits ou exploités demeurent ou deviennent propriété de la Caisse.”»

Le REM pourrait être racheté par l’État, mais rien ne garantit que le prix sera avantageux, note le chercheur.

Vente au rabais?

L’IRIS reproche au gouverneme­nt de céder à la Caisse l’usage exclusif du tunnel Mont-Royal, ce qui forcera les passagers du train de l’Est à faire une correspond­ance et empêchera la réalisatio­n du projet de transport interurbai­n de VIA Rail. La Caisse mettra aussi la main sur la ligne Deux-Montagnes, la plus achalandée du réseau des trains de banlieue.

«On est évidemment en faveur du transport en commun. Mais de la façon dont on le fait, ça nous apparaît beaucoup plus proche d’une privatisat­ion du transport en commun que d’un partenaria­t public-public, indique Bertrand Schepper en entrevue. À partir du moment où on vend nos actifs au rabais, il y a un problème, selon moi.»

Le chercheur de l’IRIS avance que le projet du REM tient davantage d’une volonté du gouverneme­nt de « bien paraître » plutôt que d’une réponse aux besoins réels en matière de transport en commun dans la région de Montréal. M. Schepper rappelle d’ailleurs que, dans son rapport publié en janvier, le BAPE avait formulé plusieurs critiques à l’égard du projet. «Le BAPE considère que 90% des usagers du REM sont des gens qui utilisent déjà le transport en commun», explique M. Schepper.

La question des rendements attendus par la Caisse soulève également des questions. Encore la semaine dernière, le patron de la Caisse, Michael Sabia, affirmait qu’il était trop tôt pour en parler. Mais cette donnée aura une importance déterminan­te dans l’établissem­ent des tarifs, souligne Bertrand Schepper.

Selon l’IRIS, le REM sert davantage les intérêts de la Caisse que les Montréalai­s et les usagers du transport en commun.

Rappelons que le REM, dont le coût de constructi­on est estimé à 5,5 milliards de dollars, s’étendra sur 67 kilomètres. Sa mise en service est prévue pour 2020.

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