Le Devoir

Les plus anciens fossiles du monde trouvés au Québec

- ÉMILIE BERGERON

De minces filaments contenus dans des roches trouvées près d’Inukjuak, dans le Nord-du-Québec, semblent constituer les plus vieux fossiles découverts jusqu’à maintenant dans le monde, et donnent des arguments aux défenseurs de l’idée selon laquelle les premiers écosystème­s habitables sont apparus dans des cheminées sous-marines.

Une nouvelle étude dont les résultats ont été publiés mercredi dans la revue scientifiq­ue Nature lève le voile sur la découverte de restes minéraux qui découlerai­ent d’une bactérie qui existait il y a de 3,77 milliards à 4,28 milliards d’années.

Si l’on se fie aux conclusion­s des chercheurs qui ont piloté l’étude, ces fossiles outrepasse­nt par leur âge la barre des 3,7 milliards d’années attribuées aux éléments qui étaient jusqu’à présent identifiés comme les fossiles les plus anciens. Ces derniers avaient été trouvés au Groenland et identifiés comme de possibles fossiles en août dernier.

Cette fois, la précieuse trouvaille a été faite dans la ceinture géologique de Nuvvuagitt­uq, située sur la côte est de la baie d’Hudson, au Nunavik. L’emplacemen­t, qui pourrait avoir recelé certaines des premières formes de vie sur Terre, est situé à environ 40 kilomètres d’Inukjuak.

Pour le chercheur canadien Jonathan O’Neil, qui agissait à titre de géologue expert en environnem­ents primitifs tout au long des recherches, la découverte annoncée mercredi a de quoi «mettre les choses en perspectiv­e », même si la ceinture de Nuvvuagitt­uq est son terrain de jeu de prédilecti­on depuis déjà une douzaine d’années et que peu de choses semblent désormais le prendre au dépour vu à cet endroit.

«C’est vraiment l’environnem­ent idéal où on pouvait trouver des traces de vie », a expliqué le professeur du Départemen­t des sciences de la Terre et de l’environnem­ent de l’Université d’Ottawa en entrevue avec La Presse canadienne. L’âge très avancé de cette formation rocheuse est connu depuis le tournant des années 2000, mais de nouvelles avancées, en 2008, ont permis de réévaluer son ancienneté à 4,3 milliards d’années, a-t-il exposé. On estimait a priori que cette ceinture géologique était vieille de 3,8 milliards d’années.

Scepticism­e à l’horizon

Si les auteurs de l’étude parue dans Nature — dont plusieurs sont issus du University College de Londres — s’extasiaien­t mercredi sur leur récente découverte, leur travail est loin d’être terminé, puisqu’ils doivent encore convaincre l’ensemble de la communauté scientifiq­ue que les éléments trouvés ont bel et bien abrité des formes de vie. L’étude rendue publique mercredi n’a pour l’instant pas suffi à convaincre les spécialist­es, du moins pas tous.

Martin J. Van Kranendonk, qui avait rapporté la découverte de fossiles anciens au Groenland au mois d’août, est parmi ceux qui ont des doutes. «Je dirais qu’il ne s’agit pas de fossiles», a dit le chercheur de l’université australien­ne New South Wales en entrevue avec l’Associated Press, au sujet des filaments détectés dans la ceinture géologique de Nuvvuagitt­uq.

Quoi qu’il en soit, M. O’Neil, géologue expert en environnem­ents primitifs, souligne que l’étude rendue publique mercredi est loin d’être une porte de sortie ou une résolution définitive de l’immense question de la naissance de la vie. Plus encore, la vie primitive pourrait être révélatric­e de la vie qui reste à être découverte dans le futur — proche comme lointain —, croit-il.

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JONATHAN O'NEIL UNIVERSITÉ MCGILL / LA PRESSE CANADIENNE Les microfossi­les étaient enfouis dans des couches de quartz du site géologique de la ceinture de Nuvvuagitt­uq.

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