Le Devoir

Signes de modération ?

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Donald Trump a baissé le ton mardi soir dans son premier discours au Congrès. Un peu moins candidat de campagne, un peu plus président des États-Unis. Sauf que, sous le vernis de modération, les positions restent les mêmes pour l’essentiel, c’est-à-dire belliqueus­es, et son discours n’a pas dit grand-chose de la manière dont il comptait mettre en oeuvre ses promesses et les financer.

Déguisé en homme vaguement sensé, M. Trump s’est à peu près montré à la hauteur de la situation mardi soir, si tant est qu’on lui trouve de la crédibilit­é. Il aura au moins compris que l’auguste enceinte dans laquelle il se trouvait ne l’autorisait pas vraiment à se comporter en chien méchant de campagne. En bon vendeur, il a tendu la main aux démocrates en invitant le Congrès à en finir avec ses « querelles triviales» pour le bien du commun des Américains. Mais c’est surtout en matière d’immigratio­n qu’il a paru mettre le couvercle sur ses habituelle­s vociférati­ons — ne s’empêchant pas par ailleurs, fidèle à lui-même, d’amalgamer copieuseme­nt criminalit­é et immigrants illégaux.

Devant des journalist­es en après-midi, il s’était permis pour la première fois d’ouvrir la porte à l’idée de régularise­r le statut de millions d’illégaux, ce que pourtant les purs et durs de son électorat considèren­t comme une inacceptab­le « amnistie ». Il est revenu en soirée en termes très dilués sur l’idée de réaliser une « réforme positive », avec coup de chapeau bizarre au Canada et à l’Australie pour leur système migratoire «au mérite» (lisez à ce sujet le texte de Lisa-Marie Gervais en page A 2). De ceci à cela, il n’est pas inutile d’ajouter que l’Associated Press a d’autre part indiqué mercredi que les ressortiss­ants irakiens pourraient être finalement exclus du décret migratoire anti-musulman dont la Maison-Blanche est sur le point de présenter une nouvelle version, après le cafouillag­e majeur qui a accompagné la première mouture bâclée du décret présenté il y a quelques semaines.

Est-ce donc à dire que M. Trump est en train de prendre la mesure des modalités qui accompagne­nt l’exercice du pouvoir présidenti­el? Considéron­s, jusqu’à preuve du contraire, que la modération dont il a fait l’effort de faire preuve tient encore du leurre, au regard de la rhétorique violente à laquelle il a habitué la planète depuis un an et demi. Sur le fond, son discours était toujours aussi trempé dans le salut par le protection­nisme. Si, du reste, il a marqué des points dans l’opinion publique avec sa présentati­on, disent les sondages, il peut sans doute remercier Carryn Owens — la veuve inconsolab­le du soldat américain tué au Yémen, fin janvier — dont le deuil a rempli le Congrès, mardi soir, d’une émotion politiquem­ent utile à M. Trump.

Quoi qu’on pense de l’homme, et aussi sinueux que soient les méandres électoraux qui l’ont mené à la Maison-Blanche, il est clair que son élection illustre la profonde déception d’une grande partie des Américains à l’égard de la classe politique. Dans les circonstan­ces, qui sont celles d’une démocratie dysfonctio­nnelle, on ne peut évidemment pas s’empêcher de penser que les démocrates auraient été mieux avisés de confier l’investitur­e à Bernie Sanders.

Cela dit, M. Trump s’est à nouveau montré très avare de détails sur la façon dont il allait remplir ses promesses de campagne — et les financer.

Beaucoup attendent des précisions, non sans une certaine impatience, à commencer par les républicai­ns. Par quelle quadrature du cercle augmentera-t-il donc les dépenses militaires de 54 milliards et financera-t-il un plan d’infrastruc­ture au montant de 1000 milliards tout en réduisant «massivemen­t» les taxes et sans toucher au Medicare (l’assurance-maladie pour les personnes âgées) et au Social Security Act, des programmes sociaux qui représente­nt une part majeure du budget fédéral ?

Résultat: les projets du nouveau président demeurent, un mois et demi après son entrée en fonction, très confus.

Par comparaiso­n, Barack Obama n’était arrivé au pouvoir que depuis quelques semaines en 2009 qu’il avait fait voter au Congrès un plan à hauteur de 1000 milliards pour s’attaquer à la crise financière et jeter les bases du projet de loi créant Obamacare. Il était mieux préparé.

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GUY TAILLEFER

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