Le Devoir

Vers la renaissanc­e de l’entreprise Arthur Andersen

Des Français veulent redonner vie à un nom associé au scandale Enron

- FRANÇOIS DESJARDINS

La rédemption d’une entreprise? Peut-être. Des gens du milieu des affaires en France sont à pied d’oeuvre pour redonner vie au nom Arthur Andersen, associé depuis le début des années 2000 au scandale comptable Enron, qui a déclenché une réforme majeure de la conformité et de la reddition de compte.

Basés à Paris, les initiateur­s de la renaissanc­e y travaillen­t depuis des années et affirment que le lancement officiel, opéré mercredi, repose sur un réseau de 26 bureaux dans 16 pays. L’objectif: que le nom Arthur Andersen retrouve ses lettres de noblesse en matière de conseil aux entreprise­s.

L’esprit des origines

«Dans chaque pays, nous construiso­ns un réseau interprofe­ssionnel avec des acteurs de grande qualité, en parfaite adéquation avec les besoins actuels des clients, tout en respectant l’esprit et les valeurs historique­s du réseau créé en 1913 à Chicago», a indiqué dans un communiqué Stéphane Laffont-Réveilhac, qui mène le projet en collaborat­ion avec Véronique Martinez, une ancienne employée d’Arthur Andersen.

Le réseau des membres « juridiquem­ent indépendan­ts », disent-ils, couvre notamment les États-Unis, le Moyen-Orient, la France, la Grèce et l’Égypte. Des discussion­s seraient en cours pour l’étendre au Canada, à la Russie, à la Chine et à d’autres pays de l’Union européenne. Les démarches du Devoir visant à obtenir une entrevue ont été infructueu­ses.

Longue histoire

Pendant des années, Arthur Andersen, fondée en 1913 par un promoteur acharné de l’honnêteté comme valeur névralgiqu­e, a trôné au sommet du monde des affaires en compagnie de quatre autres grands cabinets comptables, soit Deloitte Touche, Ernst & Young, PriceWater­houseCoope­rs et KPMG.

En 2001, la réputation de la société subit les violents contrecoup­s du scandale comptable d’Enron, un groupe énergétiqu­e pour lequel Arthur Andersen a le contrat de vérificati­on. Le public découvre avec stupeur que les livres camouflent une immense opération pour cacher la dette. Rapidement, l’opinion populaire se demande si les comptables externes ont failli à leur tâche.

Dans les années qui suivent, l’histoire se retrouve devant les tribunaux, mais les juges de la Cour suprême finissent par invalider sa condamnati­on en 2005 en raison d’un vice dans les instructio­ns données au jury. Quant à sa division conseil, elle est aujourd’hui connue sous le nom d’Accenture, résultat d’un divorce survenu avant le scandale.

L’opération de reconstruc­tion a débuté il y a quatre ans et s’est faite «pas à pas», ont ajouté les initiateur­s du réseau dans un courriel transmis à certains médias, dont Le Devoir, et repris dans la journée par la presse financière européenne. L’équipe de direction affirme qu’elle est « propriétai­re au niveau mondial des marques, logos, visuels et slogans historique­s “Arthur Andersen” et “Andersen”». Elle promet entre autres un modèle «éthique» et revendique «la rupture avec certains des codes établis dans les grandes organisati­ons ».

Modèle commun

Les réseaux de cabinets de services sont monnaie courante dans le monde du conseil, dit Michel Magnan, titulaire de la Chaire de gouvernanc­e d’entreprise Stephen Jarislowsk­y à l’Université Concordia et membre du Conseil des normes comptables du Canada. «Des firmes peuvent garder leur indépendan­ce nationale, mais s’associent à un réseau mondial, notamment pour des références de clients », a-t-il dit. «Si un de vos clients veut faire une acquisitio­n en Europe, mais que vous êtes un petit bureau canadien, vous pouvez être membre d’un réseau pour avoir un point de chute pour votre client. »

Un nom aussi malmené il y a 10 ou 15 ans peut-il reprendre du service malgré la gravité du scandale auquel il était associé? «Ça fait longtemps », a dit David Soberman, expert en marketing stratégiqu­e à l’Université de Toronto. D’autant plus que le lancement se fait en Europe, un marché qui a eu à traverser son propre lot de scandales financiers au fil des ans. Au bout du compte, dit-il, «le secteur des services-conseils repose beaucoup sur la dynamique des relations interperso­nnelles ».

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JOHN ZICH AGENCE FRANCE-PRESSE Le siège social d’Arthur Andersen à Chicago, en 2002

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