Le Devoir

Juncker révèle ses pistes pour que le Brexit « ne stoppe pas » l’UE

- CÉDRIC SIMON à Bruxelles

Le Brexit «ne peut pas stopper l’UE dans sa marche vers l’avenir», a exhorté le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, appelant les dirigeants nationaux à choisir clairement parmi plusieurs scénarios de réformes dévoilés mercredi.

Dans un livre blanc attendu, il a décrit cinq pistes disparates, allant d’une Europe se contentant d’être un marché unique à une Europe plus intégrée qu’aujourd’hui, en passant par une Europe à « plusieurs vitesses» pour dépasser ses divisions.

Réagissant au document, les ministres français et allemand des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault et Sigmar Gabriel ont marqué leur intérêt pour ce dernier scénario qui permettrai­t d’avancer sur certains projets, notamment dans le domaine de la défense, sans attendre les pays les plus réticents.

«Sans remettre en cause ce que nous avons accompli, nous devons aussi trouver les moyens de mieux prendre en compte les différents niveaux d’ambition des États membres afin que l’Europe réponde mieux aux attentes de tous les citoyens européens», ont-ils souligné dans un communiqué conjoint.

Le chef de l’exécutif européen n’exprime pas de préférence dans son document d’une trentaine de pages, mais il appelle les pays de l’UE à y puiser des idées pour préparer le sommet du 25 mars à Rome, à l’occasion des 60 ans du traité fondateur de l’Union.

Un nouveau chapitre

«Rome doit marquer le début d’un nouveau chapitre» pour une «Europe unie à 27», a-t-il estimé, appelant à ce que ce sommet «ne soit pas simplement la célébratio­n d’un anniversai­re, mais un acte de naissance » pour sortir du marasme créé par les crises à répétition. Le Brexit, bien que « douloureux et regrettabl­e, […] ne peut pas stopper l’UE dans sa marche vers l’avenir», a-t-il lancé devant les eurodéputé­s réunis à Bruxelles, avant d’évoquer dans l’hémicycle les scénarios de son livre blanc.

L’un suggère notamment que l’Europe se recentre sur le marché unique, pour tenir compte du fait que les 27 «ne sont pas capables de trouver un terrain d’entente dans un nombre croissant de domaines». Une autre propose au contraire de faire beaucoup plus ensemble, en élargissan­t les partages de compétence­s entre les 27 et en accélérant les prises de décisions de l’UE. Entre les deux, des voies intermédia­ires sont tracées, comme celle d’une Europe à plusieurs vitesses, «où ceux qui veulent plus font plus» ensemble, sans être bloqués par les plus réticents.

Susciter le débat

Mis à part son rejet d’une «UE réduite à une simple zone de libre-échange», M. Juncker a préféré ne pas prendre position entre les différente­s options exposées. Il a expliqué vouloir d’abord susciter le débat et mettre les États membres devant leurs responsabi­lités, appelant à de premières conclusion­s des 27 en décembre, puis à des décisions concrètes d’ici les élections européenne­s de juin 2019.

«Avant novembre ou décembre de cette année, pas grandchose ne pourra être décidé à cause des élections en France et en Allemagne», a souligné à l’AFP Janis Emmanouili­dis, du Centre de politique européenne, un think tank basé à Bruxelles. Ensuite, « cela dépendra de la capacité de Paris et de Berlin à trouver une voie de consensus qui ne serait pas seulement le plus petit dénominate­ur commun » sur l’avenir de l’UE, estime-t-il.

La France et l’Allemagne n’ont pas caché ces dernières semaines leur préférence pour l’idée d’une Europe à plusieurs vitesses, afin de ne pas être entravées dans certains projets à cause de l’opposition d’une poignée de pays réticents, notamment dans le domaine de la défense.

M. Juncker, qui avait fait part il y a quelques jours de ses grands doutes sur le fait que des pays comme la Hongrie et la Pologne aient les mêmes aspiration­s que le couple franco-allemand, a reconnu mercredi les avantages d’une Europe à plusieurs vitesses pour avancer. Mais il a aussi averti que cela pourrait renforcer l’impression « d’un système compliqué», rendant l’Europe «encore plus incompréhe­nsible qu’aujourd’hui » pour les citoyens.

Lors d’un déplacemen­t en Lituanie, Sigmar Gabriel a aussi tenu à rassurer les petits pays de l’UE. «Les différence­s dans l’Union européenne ne doivent pas être si grandes que certains courent devant et d’autres ne suivent pas derrière», at-il dit.

Rencontre Merkel-Hollande

La chancelièr­e allemande, Angela Merkel, et le président français, François Hollande, ont prévu de se rencontrer le 6 mars à Versailles pour discuter de l’avenir de l’UE, avec les chefs des gouverneme­nts espagnol et italien, Mariano Rajoy et Paolo Gentiloni.

Après un sommet européen prévu les 9 au 10 mars à Bruxelles, puis celui de Rome le 25 mars, les dirigeants des pays de l’UE envisagent déjà un autre rendez-vous le 6 avril, mais à 27 cette fois, ont indiqué des sources européenne­s à l’AFP. Il s’agit, si Londres déclenche bien comme prévu en mars la procédure de divorce avec l’UE, de définir des lignes directrice­s pour la rude négociatio­n des conditions dans lesquelles s’opérera la sortie du Royaume-Uni.

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JOHN THYS AGENCE FRANCE-PRESSE Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker

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