Le Devoir

Les horreurs de la bataille d’Alep passées au crible par l’ONU

- CÉCILE FEUILLATRE à Genève

Bombardeme­nts indiscrimi­nés, armes interdites, boucliers humains: la bataille d’Alep en Syrie entre juillet et décembre 2016 a donné lieu à d’innombrabl­es crimes de guerre, commis par le régime et par l’insurrecti­on, selon un rapport d’enquête onusien publié mercredi.

«Toutes les parties ont commis de graves violations des lois humanitair­es internatio­nales constituti­ves de crimes de guerre», conclut la Commission d’enquête internatio­nale indépendan­te sur la Syrie qui, pour la première fois, met aussi directemen­t en cause le régime dans le bombardeme­nt d’un convoi humanitair­e en septembre près d’Alep.

Le rapport couvre la période allant du 21 juillet, date du début du siège d’Alep par les forces du régime, au 22 décembre 2016, date de la reprise de la ville par Damas, qui a marqué un tournant majeur dans la guerre syrienne. Il a été établi sur la base de près de 300 entretiens avec des habitants d’Alep, conduits par téléphone ou messagerie­s.

L’enquête souligne également le rôle des forces alliées du régime dans cette bataille d’une «violence implacable», particuliè­rement celui de la Russie.

«Entre juillet et décembre 2016, les forces russes et syriennes ont conduit des frappes aériennes quotidienn­es, faisant des centaines de morts et réduisant les hôpitaux, les écoles et les marchés en cendres», accuse le rapport, soulignant que les civils ont payé le plus lourd tribut de cette bataille.

La commission dénonce aussi l’usage par les forces syriennes d’armes interdites, comme le chlore ou les bombes à fragmentat­ion, rappelant que «l’usage de ces armes dans des zones résidentie­lles constitue un crime de guerre».

La reprise d’Alep-Est, menée par des forces terrestres du régime mais aussi des milices étrangères (Gardiens de la révolution iraniens, combattant­s du Hezbollah chiite libanais, milices afghanes et irakiennes), a donné lieu à des « exécutions» de combattant­s hors d’état de nuire.

Pour la première fois, le régime est aussi mis en cause dans l’attaque d’un convoi humanitair­e, le 19 septembre à Orum al-Koubra, près d’Alep.

L’attaque, qui avait tué 15 travailleu­rs humanitair­es selon le rapport, avait suscité un tollé internatio­nal et mis un terme aux tentatives

d’accord entre Washington et Moscou pour un cessez-le-feu. Damas a toujours démenti son implicatio­n, tout comme la Russie.

Les rebelles syriens, qui contrôlaie­nt Alep-Est, sont eux aussi accusés de crimes de guerre. Ils ont notamment mené une «campagne de bombardeme­nts indiscrimi­nés» sur la partie ouest de la ville, sous contrôle gouverneme­ntal.

En outre, la commission d’enquête accuse des groupes rebelles d’avoir empêché des civils de fuir Alep-Est, parfois en les exécutant, et de les avoir utilisés comme boucliers humains.

Le rapport dénonce la mainmise des groupes armés sur l’aide humanitair­e, le favoritism­e et le népotisme dans la distributi­on de l’aide, et décrit le climat de peur instauré par les groupes armés dans la population.

Le rapport qualifie enfin de «crime de guerre» l’accord final d’évacuation d’Alep-Est, conclu sous l’égide de la Russie et de la Turquie.

«De tels accords sont constituti­fs de crimes de guerre » pour «déplacemen­t forcé de population­s », écrit la Commission.

 ?? AMEER ALHALBI AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Les civils ont payé le plus lourd tribut de cette bataille, accuse le rapport.
AMEER ALHALBI AGENCE FRANCE-PRESSE Les civils ont payé le plus lourd tribut de cette bataille, accuse le rapport.

Newspapers in French

Newspapers from Canada