Le Devoir

Décès de René Préval, ex-président secret et incontourn­able

- AMÉLIE BARON à Port-au-Prince

René Préval, ancien président haïtien décédé vendredi d’un accident cardio-vasculaire à l’âge de 74 ans, aura été une personnali­té politique incontourn­able des 30 dernières années en Haïti, malgré son tempéramen­t secret.

René Préval a dirigé le pays de la Caraïbe durant deux mandats, entre 1996 et 2001, puis de 2006 à 2011, seul dirigeant depuis la fin de la dictature duvaliéris­te en 1986, à avoir achevé ses deux mandats, la limite imposée par la Constituti­on, sans subir de coup d’État ni avoir à partir en exil.

C’est lui qui était à la tête du pays lors du terrible tremblemen­t de terre qui a tué plus de 220 000 personnes le 12 janvier 2010, et M. Préval avait achevé son mandat sans bénéficier d’une grande popularité, les habitants lui reprochant notamment son manque de leadership au lendemain du séisme.

Proche d’Aristide

«J’ai appris avec émoi le décès de l’ancien président René Préval. Je me prosterne devant la dépouille de ce digne fils d’Haïti », a écrit le président Jovenel Moïse sur Twitter.

Michel Martelly, successeur de René Préval en mai 2011, a aussi réagi sur le réseau social: «président Préval, Ti René, mon frère, mon ami et conseiller, ton départ nous laisse sous le choc», a écrit celui qui a été à la tête du pays de 2011 à 2016.

Agronome de formation, René Préval, élu de gauche, a été très proche du leader charismati­que Jean-Bertrand Aristide, dont il a été le premier ministre, avant de prendre ses distances au début des années 2000.

Né le 17 janvier 1943, fils d’un ancien ministre, M. Préval, surnommé «Ti René» par les Haïtiens en raison de sa petite taille, parlait, outre les deux langues officielle­s haïtiennes (français et créole), l’anglais et l’espagnol.

Exilé avec sa famille en 1963, René Préval, ser veur dans des restaurant­s aux États-Unis dans les années 1970, était revenu dix ans plus tard en Haïti pour y ouvrir une boulangeri­e.

Après la chute de la dictature de la famille Duvalier en 1986, il milite activement dans les organisati­ons populaires et les organismes de défense des droits de la personne. Il se lie d’amitié avec le fondateur du mouvement «La famille, c’est la vie», le prêtre Jean-Bertrand Aristide, qui le considère comme son «frère jumeau».

Le 9 février 1991, il est choisi par M. Aristide, devenu président, comme premier ministre. Mais sept mois plus tard, le 30 septembre 1991, un coup d’État militaire les renverse. René Préval quitte Haïti l’année suivante et rejoint Aristide en exil à Washington.

Il rentre après que les ÉtatsUnis ont réussi à faire signer un accord avec la junte militaire pour rétablir M. Aristide au pouvoir.

Deux fois président

En 1996, il devient à son tour président, la Constituti­on interdisan­t à Jean-Bertrand Aristide deux présidence­s successive­s. L’ex-prêtre ne le soutient que du bout des lèvres.

René Préval est élu avec 87,9% des voix mais l’abstention dépasse les 70% du corps électoral.

En 2001, il remet le pouvoir présidenti­el à Aristide, élu au premier tour d’une élection controvers­ée car boycottée par l’opposition. René Préval prend alors ses distances avec lui.

Réélu président en 2006, il ne parvient pas à juguler l’aggravatio­n de la crise économique du pays qui enregistre, en 2008, d’importante­s manifestat­ions populaires, surnommées les «émeutes de la faim».

Très affecté et critiqué après le séisme de 2010, les Haïtiens lui avaient aussi reproché sa volonté d’imposer le candidat de son parti pour sa succession en octobre 2010, ce qui avait provoqué, dans la capitale d’importante­s manifestat­ions de partisans de Michel Martelly.

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AGENCE FRANCE-PRESSE René Préval

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