L’investissement responsable se démocratise
Après l’émission, la semaine dernière, des premières obligations vertes du gouvernement du Québec, qui ont rapidement trouvé preneur auprès de grands investisseurs institutionnels, une plateforme d’investissement montréalaise offre depuis quelques jours ses propres obligations vertes directement accessibles à tous les particuliers québécois, une première. La preuve que, petit à petit, l’investissement responsable se démocratise.
CoPower, une entreprise fondée en 2013, a annoncé mercredi l’émission de 20 millions de dollars d’obligations vertes d’ici la fin de 2017, que tous les Canadiens provenant du Québec, de l’Ontario, de l’Alberta, de la Colombie-Britannique ou de la Nouvelle-Écosse peuvent obtenir. L’investissement minimal est de 5000 $ — un montant qui est appelé à diminuer — et chaque tranche d’obligations permet de financer des projets d’énergie propre à travers le pays.
À la différence des obligations vertes émises par de grandes institutions, celles de CoPower sont liées à des projets plus modestes que les grands fonds hésitent à financer, comme l’installation d’ampoules DEL dans des tours à condos ou de panneaux solaires sur des toits.
Nouvelles solutions
«Il y a de la demande de la part de tous les types d’investisseurs pour l’investissement responsable, mais pour le moment, les occasions sont surtout réservées aux grandes institutions », explique Raphael Bouskila, le président de CoPower.
De nouvelles règles entrées en vigueur l’an dernier permettent désormais aux petits investisseurs de la plupart des provinces canadiennes d’avoir accès à un éventail plus large de produits financiers. Et selon M. Bouskila, cela permettra de donner un coup de fouet à l’investissement d’impact, c’est-à-dire l’investissement qui vise avant tout à générer un impact mesurable sur l’environnement ou la société.
« Plusieurs compagnies développent des projets rentables, mais elles rencontrent une barrière de financement au moment de déployer leur technologie, souligne-t-il. La transition vers une économie verte va nécessiter de nouvelles solutions financières pour franchir cette barrière.»
Soutenir la croissance
«L’investissement d’impact est en progression », observe Brenda Plant, cofondatrice d’Éthiquette, une plateforme Web indépendante consacrée à l’investissement responsable.
Selon l’Association canadienne de l’investissement responsable, la valeur des actifs canadiens issus de l’investissement d’impact est passée de 3,8 milliards de dollars en 2012 à 9,2 milliards en 2015. Cela représente toutefois une modeste part de l’ensemble de l’investissement responsable au pays, dont la valeur a atteint 1506 milliards de dollars en 2015.
«On voit que l’offre d’investissement d’impact pour les particuliers est encore rare, note malgré tout Mme Plant. Sans compter qu’il y a certains obstacles. Les gens ne se sentent pas outillés pour prendre des décisions d’investissement et les conseillers financiers ne s’y connaissent pas ou n’ont aucun incitatif financier pour proposer ces options à leurs clients.»
La spécialiste travaille d’ailleurs à la mise sur pied d’un organisme indépendant qui pourrait conseiller les particuliers en matière d’investissement responsable et d’investissement d’impact.
Multiplier les outils
Alors, quoi choisir ? Des obligations vertes ciblées ou provenant de grands fonds d’investissement? Pourquoi pas les deux, répond Mme Plant. «Je crois que la pluralité des approches va permettre d’effectuer une réelle transition sociétale.»
Elle voit donc d’un bon oeil les 500 millions de dollars d’obligations vertes émises il y a une semaine par le gouvernement du Québec. Parmi les acquéreurs, il y a le Fonds de solidarité FTQ, qui annoncera officiellement lundi qu’il a pu mettre la main sur 22,9 millions de dollars d’obligations, soit 4,6% du lot.
Le vice-président aux affaires publiques et corporatives du Fonds, Mario Tremblay, salue le «signal» envoyé par Québec, même s’il admet que les projets financés par ces premières obligations vertes l’auraient été de toute façon par des obligations traditionnelles. «Ce qu’on trouve bien, c’est qu’[avec les prochaines émissions d’obligations vertes], on va se diriger tranquillement vers des projets qui ne naîtraient pas, n’eût été ce genre d’initiative. Et c’est pourquoi on veut embarquer.»