Un ralliement boursier alimenté par les petits investisseurs
Déconnectée de la réalité, la Bourse américaine carbure à l’enthousiasme économique du président Trump. Plus inquiétant, le ralliement des dernières séances, avec la multiplication des records à Wall Street, s’alimente d’un retour en force des petits investisseurs sur le marché des actions. Les expectatives sont très élevées!
L’histoire est riche en corrélations voyant l’entrée massive des petits investisseurs sur le marché des actions agir tel un précurseur à une correction boursière. La moyenne symbolique de Dow Jones passant les 20 000, puis les 21 000 points; le S& P 500 et le Nasdaq additionnant les records en fermeture selon une séquence jamais vue en plus d’une décennie…
Le ralliement boursier postélections américaines traduit un découplage chez les investisseurs, les institutionnels se méfiant de la complaisance des marchés alors que les petits investisseurs s’en remettent massivement aux actions. JP Morgan Chase a calculé que 83 milliards $US ont été dirigés vers les fonds d’investissement à gestion passive depuis le début de l’année, alors que 15 milliards sont sortis des fonds gérés activement.
Retour normal
La banque d’affaires y voit une évidence d’un retour ressenti des petits investisseurs sur le marché des actions combiné à une plus grande prudence chez les institutionnels. Un retour dit normal après toutes ces années à prioriser les titres à revenu fixe, l’investisseur dit de détail acceptant de prendre plus de risque en misant sur le renforcement des perspectives de croissance économique et de rentabilité des entreprises américaines avec l’arrivée de Donald Trump à la présidence. «Si le rythme actuel se maintient, l’argent dirigé vers les fonds d’actions par les investisseurs de détail pourrait atteindre les 442 milliards en 2017, six fois le volume de l’an dernier», soulignent les analystes de JP Morgan. Et ce, alors que les institutionnels réduisent leur exposition au marché des actions.
La banque d’affaires observe que, depuis le début de l’année, trois des quatre fonds négociés en Bourse attirant le plus de capitaux se concentrent sur les actions américaines.
Goldman Sachs a également observé ce retour en force des petits investisseurs qui, après avoir hésité entre novembre et décembre, «misent sur le président Trump » depuis le début de l’année. L’institution a également mesuré une réduction notable des primes sur les stratégies défensives, et rappelle que le VIX, l’indice de volatilité du S& P 500, est tombé sous les 11 points. Une telle complaisance est souvent associée à l’atteinte d’un sommet pour le S& P 500.
Tout s’expliquerait
Dans son commentaire hebdomadaire, Douglas Porter, économiste en chef de BMO Groupe financier, estime que tout peut s’expliquer. Et même une prochaine hausse du taux directeur de la Réser ve fédérale dans deux semaines n’y fait rien, puisque rapidement escomptée. Entreprises et investisseurs demeurent obnubilés par les expectatives de forte croissance économique et d’allégement fiscal dans l’ère Trump.
L’économiste indique que la confiance des petites entreprises demeure à son niveau le plus élevé en dix ans, alors que celle des dirigeants d’entreprise se situe au sommet de son cycle. Chez les investisseurs aussi la confiance est à son zénith. Selon le Conference Board, le nombre d’Américains prévoyant des prix plus élevés pour les actions à la fin de 2017 a bondi à son niveau le plus haut des 13 dernières années. Mais (plus inquiétant) ce nombre est désormais supérieur à une lecture mensuelle de 92 % faite en 1987 (année du krach boursier survenu un lundi noir d’octobre).
Le marché des premiers appels publics à l’épargne (PAPE) n’émet également pas de signe d’alarme, ajoute l’économiste de BMO. L’irrationnelle expérience de Snapchat cette semaine ne serait donc pas représentative d’un marché sinon plutôt tranquille, avec des volumes en baisse l’an dernier et des performances post-appel public se collant au rythme du S& P 500. L’indice Bloomberg de performance des PAPE avait explosé de 260 % en 1999, a-t-il indiqué.
Rien d’inquiétant non plus de voir les soldes des comptes sur marge bondir de 15% en janvier sur un an pour atteindre un record de 513 milliards. Cet endettement spéculatif repose sur une capitalisation boursière en progression rapide, suggère-t-il. Pourtant, le ratio cours-bénéfice du S& P 500 est désormais à 18 fois le bénéfice prévu, soit l’un des multiples les plus élevés depuis la bulle des valeurs technologiques, mais bon.
Et l’économiste de conclure: en additionnant tout cela, on obtient une image d’un marché autoalimentant sa propre exubérance à partir d’expectatives très élevées.