À la limite
Ouf, voilà, la date limite des transactions est passée, et nous pouvons songer, bien qu’ayant le souffle court et la liste d’affaires qui ne se sont pas produites longue, à reprendre un semblant d’existence normale. À renouer avec les petites choses, comme ils disent d’un gars qui termine ses mises en échec et effectue une bonne lecture de jeu nord-sud. Par exemple, on peut relire Shakespeare dans le texte, lui qui a déjà pondu une excellente comédie à se fendre la pipe à propos de la date limite des transactions, Much Ado About Nothing.
En effet, il arrive plus qu’épisodiquement que le citoyen reste sur sa faim. Mais cette journée annuelle nous permet d’apprendre toutes sortes de trucs du plus haut intérêt, et elle serait fériée si nos gouvernements avaient une once de bon sens. Personnellement, si je puis évoquer une tranche de petite vie, je me suis claquemuré dans mon cul-de-basse-fosse décoré style Second Empire mercredi pour ne rien manquer de l’inaction.
Il s’agit évidemment d’un cours pas accéléré du tout sur la façon de remplir des heures et des heures d’antenne en jasant d’hypothèses et d’occuper une partie d’écran pour informer en toutes lettres le téléspectateur qu’un joueur des ligues mineures vient d’être échangé contre un choix au repêchage conditionnel.
On peut aussi se familiariser avec le vocabulaire du terroir. Il y a les joueurs de location, la marge de manoeuvre sous le plafond salarial et les vendeurs et les acheteurs. (On ne sait cependant pas si un acheteur qui acquiert un joueur de location l’achète ou le loue, ni si le vendeur vend ou loue.) Et on retrouve une expression qui, selon mes calculs, a pu être entendue 10 000 fois en une fraction de journée : gros bonhomme.
Il n’y a plus de joueurs costauds, messieurs dames, il n’y a maintenant que de gros bonshommes (rarement utilisé au pluriel, le mot, et si c’est le cas, sans prononcer le
s du milieu). On notera toutefois par ailleurs que, si un joueur est de petite taille, il n’est jamais, jamais qualifié de petit bonhomme.
On a déjà hâte à l’an prochain.
Vous découvrez avec une stupeur mal contenue mais combien compréhensible que vous n’avez peut-être pas choisi la bonne carrière en étudiant en métaphysique des particules ou en urbanisme rural lorsque vous prenez connaissance d’une occurrence semblable à celle qui est évoquée ci-dessous. En stricte matière de revenus, s’entend, car nous savons tous que l’essentiel est au fond de s’accomplir au boulot, de se réaliser, de cheminer, de s’épanouir, bref de trouver le bonheur, cette condition si évanescente qu’elle nous rend d’humeur massacrante.
Il s’agit donc de José Calderón. Calderón est un joueur espagnol de basketball professionnel âgé de 35 ans, un garde qui a longtemps porté les couleurs des Raptors de Toronto avant de fréquenter le collège April-Fortier et de se spécialiser dans le domaine du voyage. Depuis 2013, il a appartenu successivement aux Pistons de Detroit, aux Mavericks de Dallas, aux Knicks de New York, aux Bulls de Chicago, aux Lakers de Los Angeles et aux Warriors de Golden State.
Cette semaine, les Warriors se sont engagés à embaucher Calderón, récemment libéré par les Lakers. Mais l’équipe ayant appris que son ailier étoile Kevin Durant, blessé lors d’un match mardi, devrait s’absenter pour une période prolongée, elle a plutôt choisi de se tourner vers un autre attaquant en Matt Barnes, luimême remercié il y a peu par les Kings de Sacramento. Les Warriors ont quand même tenu à tenir leur promesse et fait signer à Calderón un contrat pour le reste de la présente saison de la NBA avant de le libérer peu après pour faire place à Barnes.
Calderón recevra donc la coquette somme de 415 000 $US pour avoir été un membre des Warriors pendant moins de deux heures (1 heure 59 minutes pour être précis), sans jouer ni s’entraîner. Parions que ce n’est pas votre formation en anthropomorphisme comparé ou en philologie différentielle et intégrale qui pourrait accoter ça.
Ce n’est pas la première fois que Calderón appartient à un club et joue un grand total de zéro (0) match pour lui. Pendant la dernière morte-saison, il est passé des Knicks aux Bulls en juin et des Bulls aux Lakers en juillet.
Mais tout est bien qui finit provisoirement bien pour lui puisqu’on a annoncé vendredi qu’il s’est entendu avec les Hawks d’Atlanta. Calderón a à cet égard insisté pour remercier sa carte aéroplan.