Ailleurs en Floride, Singer Island
C’est une autre Floride. Située dans le très chic comté de Palm Beach, parterre de millionnaires, loin des foules bruyantes. Une Floride BCBG, plus résidentielle que touristique, avec comme histoire une litanie de célébrités.
Singer Island est une longue bande de terre. C’était une péninsule avant qu’on ne creuse un canal qui la sépare de sa non moins riche voisine, la ville de Palm Beach. On a créé une île avec la terre extraite pour creuser ce canal. C’est ainsi qu’est née Peanut Island en 1918. L’îlot a gardé son nom, même si le projet d’expédier de l’huile d’arachides à partir de là a rapidement été abandonné. Dans les années 1930, on y a ouvert un poste de la garde côtière et, en 1961, on y a bâti un bunker où le président Kennedy, qui venait en villégiature dans le coin, aurait pu se réfugier en cas de tumulte. Qui sait, le bunker reprendra peut-être du service, puisqu’un autre président séjourne régulièrement dans les environs… Sinon, l’île a maintenant une vocation récréative.
Singer, comme dans machine à coudre
Singer Island a été baptisée du nom d’un de ses propriétaires, Paris Singer, 23e fils d’Isaac Singer, fondateur de la compagnie de machines à coudre du même nom et dont la vie sentimentale constitue un véritable roman, sa ribambelle d’enfants n’étant pas de la même femme. Né à Paris,
d’où son prénom, Paris, qui tenait de son père un goût pour la vie dissolue, a eu un fils avec la célèbre danseuse Isadora Duncan, qui est mort tout jeune dans un tragique accident de voiture. Singer aurait acheté l’île pour l’offrir en cadeau à une maîtresse, qui n’aurait pas apprécié le présent… Il s’en trouve pour préférer les diamants aux
plages de sable blanc.
Sur place, Paris a voulu investir dans le développement touristique de la Floride en s’associant avec Addison Mizner, qui a imaginé le décor méditerranéen de Worth Avenue, la mecque du luxe dans le coin et l’une des rues les plus chères du monde. Un ouragan et la crise de 1929 ont mis un terme à leur rêve. L’hôtel projeté,
le Blue Heron, n’a jamais été ouvert. Ni le golf. Un Hilton actuel occupe l’emplacement de ce premier hôtel.
Alors que l’île avait d’abord été peuplée plus ou moins légalement par des pêcheurs qui jouissaient ici de la proximité des eaux poissonneuses du Gulf Stream et d’un climat sec idéal pour faire sécher les filets qu’ils utilisaient à l’époque, elle est petit à petit devenue une oasis de luxe.
Loin de la foule déchaînée
Le coup de pouce est venu de la municipalité de Riviera, qui investit pour s’approprier quelques centaines de mètres de plage sur l’île en 1940.
Quelques années plus tard, A. O. Edwards, un magnat du chemin de fer et de l’hôtellerie, achète des terres sur l’île. On lui doit un plan de développement avec rues, parcs, sentiers, et tout le tralala. Un pont d’acier remplace le pont de bois, et les condos y poussent comme des champignons. Le financier John D. MacArthur reprend un temps l’hôtel, qui fut rasé plus tard pour faire place au Marriott Ocean Pointe Resort. À sa mort, MacArthur lègue à la communauté un bout de terrain de près de 1km2, qui devient le John D. MacArthur Beach State Park. L’endroit aurait été un refuge pour baigneurs nudistes. Il aurait été fréquenté à cette époque par Walt Disney lui-même, qui aurait été tenté d’y établir son DisneyWorld dans la région, avant d’être séduit par les possibilités immenses du centre de l’État.
Aujourd’hui, résidants et vacanciers se partagent l’île et ses kilomètres de plage. Deux ponts relient Singer Island au continent : l’un à la limite de Blue Heron Boulevard, l’autre à celle de PGA Boulevard. Entre les deux, tout est calme, luxe et volupté, côté mer comme côté canal. Beaucoup de bungalows proprets, quelques McManoirs et de multiples tours modernes ponctuent le paysage. L’endroit est malgré tout un sanctuaire de nidification pour les tortues et chacun apporte sa contribution pour que les espèces en voie de disparition puissent assurer leur pérennité. Même si l’île est hérissée de tours à condos, ses habitants sont conscients de la beauté et de la fragilité de la nature.
Il y a peu de services sur l’île : une poignée de restaurants, une petite épicerie de dépannage et une boutique de t-shirts et d’accessoires divers, près de la plage municipale, où le stationnement est gratuit, une rareté dans le comté. Surtout résidentielle, l’île ne compte pas beaucoup d’hôtels.
Villégiature sur place
Complexe hôtelier composé uniquement d’appartements de deux et trois chambres, le Marriott Resort Palm Beach Singer Island s’inscrit dans la vocation historique de l’île et dans la lignée des hôtels de villégiature de la Belle Époque qui procuraient des divertissements à leurs clients. On y propose ici une pléiade d’activités, des leçons de plongée à la location de vélos. En saison, on permet aux clients d’observer le va-etvient des tortues, de façon toujours respectueuse.
Fraîchement rénové à grands frais, l’hôtel compte 189 luxueuses suites avec cuisine et balcon, réparties sur 21 étages dans un cadre somptueux, directement sur la plage. Le complexe comprend des piscines, un spa, de beaux espaces publics dont quelques bars et restaurants. Il dispose aussi d’un Kids Club, payant.
Au restaurant de l’hôtel, le 3800 Ocean, la cuisine ouverte domine une grande salle moderne avec vue sur la mer. On y sert une cuisine de chef, bien faite, à base de produits frais, souvent locaux à quelques exceptions près, notamment pour les pétoncles qui viennent du Maine. Un délice.