Le Devoir

Balade dans le Soho d’autrefois, fragile refuge des gais londoniens

- REMI BANET à Londres

Il fut le refuge des homosexuel­s à l’époque où un simple baiser pouvait conduire en prison : un demi-siècle après la décriminal­isation partielle de l’homosexual­ité en Angleterre, Londres propose de replonger dans l’histoire du quartier Soho.

Les visites, qui seront proposées au public du 2 au 26 mars, sont une plongée dans ce paradis des noceurs et des homosexuel­s londoniens. Au coeur de la balade, six étapes retraçant l’histoire gaie du quartier de 1918 à 1967, année où l’homosexual­ité fut autorisée — pour les plus de 21 ans — en Angleterre et au pays de Galles.

Première étape au numéro 41 de Dean Street, désormais occupé par un resto branché. De 1948 à 2008, l’adresse était celle du célèbre «Colony Room», repaire d’artistes et de poètes et club préféré du peintre Lucian Freud.

À l’époque, le quartier, entrelac de rues et de ruelles, fourmille de lieux de rencontre homosexuel­le. Au fil de la balade, les noms de clubs, souvent fermés, fusent, tandis que nombre d’anciennes adresses clandestin­es sont aujourd’hui impossible­s à situer.

À côté de ces clubs, « beaucoup de gens, issus notamment de la classe ouvrière, devaient utiliser des lieux comme les toilettes publiques et les parcs», souligne Richard Sutton, un des guides. Le quartier grouillait aussi de policiers, rappellet-il. Des «agents provocateu­rs» infiltrés dans les clubs, notant les moindres faits et gestes, et d’autres dans les rues.

«Un des tests, pour savoir si vous étiez gai, se faisait avec du papier buvard. Ils vous en mettaient sur votre visage et, s’il s’avérait que vous aviez du maquillage, c’était retenu comme une preuve contre vous», explique Richard Sutton. Souvent, même, «être efféminé suffisait pour qu’on vous accuse d’homosexual­ité ».

Quelque 46 000 personnes seront ainsi poursuivie­s entre 1895 et 1967, parfois condamnées à des peines de prison ferme.

Mutations du quartier

Étape finale de la visite, une reconstitu­tion partielle du Caravan Club, fermé en 1934 et décrit par les riverains de l’époque comme un repaire de «pervers sexuels, de lesbiennes et de sodomites». À l’intérieur, des banquettes, des tentures et des tasses de thé posées à même le sol. Sur une table, une machine à écrire et une copie du procèsverb­al dressé par la police londonienn­e au moment de la fermeture du club.

La situation a depuis largement évolué outre-Manche et le mariage gai a été adopté en Angleterre, au pays de Galles et en Écosse en 2014.

Soho, également, a muté. Plusieurs clubs et cabarets connus ont fermé — même si le célèbre Madame Jojo’s doit rouvrir — et des bars à champagne et restaurant­s de burgers ont poussé. Le quartier a perdu de son âme, déplorent certaines figures du quartier.

Dans sa friperie Ze German Clothing, dans Greek Street, Camilo, installé depuis neuf ans, peste contre sa rue. « C’est gris, beaucoup de commerces ont fermé. Les gens ne peuvent plus payer les loyers, déplore-til. Il y avait une vie avant, de la couleur. »

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JUSTIN TALLIS AGENCE FRANCE-PRESSE L’étape finale de la visite est une reconstitu­tion partielle du Caravan Club, fermé en 1934.

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