Le Devoir

Hyesang Park, en route pour la gloire

La soprano donne dimanche à Montréal son premier concert officiel au Canada

- CHRISTOPHE HUSS HYESANG PARK OEuvres de Bellini, C. Schumann, Rimski-Korsakov, Poulenc, Granados et Verdi. Récital Pro Musica, salle Bourgie, dimanche 5 mars à 15 h 30. Le Devoir

Samedi dernier, Hyesang Park a brillé sur les écrans du monde entier en direct du Metropolit­an Opera, dans le rôle de la première nymphe de Rusalka de Dvorák. Second Prix du Concours musical internatio­nal de Montréal en juin 2015, la soprano coréenne revient à Montréal, ce dimanche à la salle Bourgie, pour son premier concert officiel au Canada, un récital de mélodies et d’airs d’opéras.

L’année 2015 a été celle de l’éclosion pour Hyesang Park. Un mois après son second prix à Chant 2015, elle occupait le même rang lors du fameux concours Operalia, organisé par Plácido Domingo. La Coréenne a, depuis, effectué un grand retour dans sa patrie en chantant à l’Opéra national de Séoul dans Roméo et Juliette de Gounod. «Les Coréens me connaissen­t maintenant, d’autant plus que j’ai eu la chance d’y chanter aussi sous la direction de Plácido Domingo. Les jeunes artistes et les étudiants sont stimulés par le fait que j’y suis arrivée, que j’ai remporté ces prix», se réjouit Hyesang Park, jointe par Le Devoir à New York, où elle réside.

La parfaite compétitri­ce de Chant 2015, aux effets si calculés, est devenue aujourd’hui une vraie artiste. Tous l’ont vue crever l’écran dans Rusalka. Le rôle de la première nymphe était son premier sur la scène du Metropolit­an Opera. À 28 ans ! Dans son petit air du 3e acte — «J’ai les cheveux dorés, par lesquels les lucioles sont attirées » — pointait déjà une potentiell­e Traviata !

Les leçons de James Levine

En octobre 2015, Hyesang Park était revenue à Montréal dans le cadre d’une soirée-bénéfice du Concours musical internatio­nal. Un petit quelque chose avait déjà changé, un naturel avait pris le pas sur certains gestes stéréotypé­s. Il faut dire qu’à compter de la saison 2015-2016, Park avait intégré le Lindemann Young Artists Program du Metropolit­an Opera.

Dans le cadre de ce programme de développem­ent des jeunes artistes du Met, dont elle sera membre jusqu’en 2018, Hyesang Park a pu travailler avec James Levine. Elle a en a tiré très rapidement des leçons majeures. « J’ai chanté La Traviata et Roméo et Juliette pour James Levine. Il m’a félicité pour mon chant et m’a dit que comme Meryl Streep, je pouvais être une actrice incarnant des rôles très différents. Mais il m’a demandé de penser à deux choses. La première est de ne pas me mettre de la pression après une prestation. “Nous sommes tous des êtres imparfaits. Quoi qu’il arrive, quoi que les gens disent ou écrivent, faites-vous confiance”, m’a-t-il dit. La seconde recommanda­tion était d’avoir une vigilance émotionnel­le très affûtée, afin de ne pas “surchanter” ou surjouer. “Il faut croire en ce que l’on fait à partir de la partition, à partir de tout ce qui est écrit.” Si je reste dans ce cadre et ne mets pas d’emphase sur ce que je veux que les gens voient ou entendent, je serai plus crédible aux yeux du public. L’émotion qui vient de l’intérieur est plus forte que l’émotion qui est jouée.»

Voilà des paroles sensées qui font écho à nos propres réserves de 2015. De ce que nous avons vu, la chanteuse les a très vite intégrées.

Tout est en place

Hyesang Park aura une autre occasion de chanter sur la scène du Met, mais ne peut encore l’annoncer. Elle ne révélera pas davantage si elle est la doublure, ou «triplure» de la Traviata en cours. Mais je suis prêt à parier que c’est dans un remplaceme­nt au pied levé dans ce rôle qu’elle fera un jour sensation : « Si on m’appelle en me disant “es-tu prête?”, je serai là pour bondir sur la scène», consent-elle. Hyesang Park l’est d’autant plus qu’elle a déjà incarné Violetta à l’Opéra national de Séoul. Pour l’heure, elle chantera le fameux air du 1er acte pour parachever son récital à la salle Bourgie, dimanche.

On apprend par la bande que l’avisée Coréenne a quatre grands rôles, «appris par coeur » dans sa besace. «Un jour… » ils la mettront en valeur. Et la logistique est prête puisque Hyesang Park a déjà intégré la réputée agence d’artistes IMG, qui a flairé l’affaire et a assigné à la photogéniq­ue chanteuse un coordonnat­eur spécialisé en «médias et projets spéciaux», spécialist­e qui cornaque à ces fins rien moins que Renée Fleming et Angela Georghiu!

Parmi les projets de Hyesang Park, il y a des débuts au Festival de Glyndebour­ne. Elle y chantera l’été prochain la Naïade dans Ariane à Naxos de Strauss sous la direction de Cornelius Meister, avec Thomas Allen en maître de musique. Un Cosi et un Don Giovanni sont prévus en Europe, mais dans des maisons encore tenues secrètes car elles n’ont pas dévoilé leur prochaine saison.

La jeune femme ne manque pas de panache, puisque dans son récital montréalai­s entre des ariettes de Bellini, des mélodies de Clara Schumann, des romances de Rimski-Korsakov et le grand air de La Traviata, Hyesang Park chantera cinq mélodies de Poulenc. « À travers la compétitio­n, les Montréalai­s connaissen­t ma voix, mais je viens dimanche comme une chanteuse profession­nelle, pas comme une candidate. Pour Poulenc, je n’allais pas enlever du récital des mélodies que j’aime parce que le public est francophon­e. Je vais courir le risque et j’y consacre beaucoup de temps. C’est ça mon caractère. »

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SOURCE DARIO ACOSTA Hyesang Park, parfaite compétitri­ce de Chant 2015, aux effets si calculés, est devenue aujourd’hui une vraie artiste.

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