Le Devoir

Perdu en mer

L’odyssée hésite entre la vie du commandant Cousteau et celle de son fils Philippe

- FRANÇOIS LÉVESQUE

L’ODYSSÉE

1/2 Drame biographiq­ue de Jérôme Salle. Avec Lambert Wilson, Pierre Niney, Audrey Tautou, France, 2016, 122 minutes.

Jacques-Yves Cousteau aurait donc été un monstre de narcissism­e, mais un bon père néanmoins; un mari infidèle à répétition, mais un époux aimant malgré tout. C’est, en gros, ce que l’on retire du drame biographiq­ue L’odyssée, qui revient sur la vie et l’oeuvre du célèbre commandant de la non moins mythique Calypso. Hélas, ces contradict­ions de l’homme ne contribuen­t pas tant à créer un portrait complexe qu’à mettre en relief la nature indécise du scénario.

Indécise et fracturée, en l’occurrence. La scission narrative qui afflige le film de Jérôme Salle est manifeste dès les premières minutes. L’action s’ouvre en 1979 avec l’écrasement tragique qui coûta la vie à Philippe Cousteau, fils cadet du commandant, puis enchaîne, plus tôt, en 1950, avec JacquesYve­s Cousteau entouré de sa femme Simone et de leurs enfants Jean-Michel et Philippe, alors qu’il expériment­e avec une caméra submersibl­e.

Tout le film alternera ensuite, avec plus ou moins de bonheur, entre les points de vue de Philippe et de Jacques-Yves au gré d’un conflit père-fils qui, vrai ou romancé, ne bénéficie pas d’un traitement particuliè­rement inspiré. À cela s’ajoute ce qui se veut la trame, supposée dominante: le parcours hors du commun du commandant Cousteau, versions publiques et privées.

Paradoxe narratif

Cousteau qui, encouragé par Simone, risque tout et achète un ancien dragueur de mines qu’il reconverti­t en navire océanograp­hique: la Calypso. Envoyé en pension, Philippe commence à emmagasine­r son ressentime­nt.

Dans une des scènes, Philippe reproche à son père de ne penser qu’à lui. Ironiqueme­nt, en voyant les deux personnage­s se toiser et se récriminer, on se dit que le scénario, lui, n’en a que pour eux et que pendant ce temps, JeanMichel, l’aîné, et sa mère, Simone, font de la figuration. Cette dernière laisse cela dit une impression, mais c’est grâce à la transforma­tion d’Audrey Tautou (Coco avant Chanel), qui parvient à insuffler une profondeur à sa Simone malgré des situations convenues et des répliques banales.

Fond contre forme

Techniquem­ent parlant, L’odyssée éblouit avec ses images sous-marines magnifique­s, sa réalisatio­n ample et sa conception visuelle de haute tenue. Dès ses premiers films Anthony Zimmer et Largo Winch, aventures luxueuses sur fond de mer et de soleil, Salle a démontré son aisance à diriger ce type de production­s.

Pour ce qui est de l’interpréta­tion principale, Lambert Wilson (Des hommes et des dieux) est excellent et couvre de manière convaincan­te trois décennies de la vie de commandant. Quant au très talentueux Pierre Niney (Yves Saint Laurent), un peu comme Tautou, il s’avère meilleur que ce que le rôle écrit méritait, Philippe n’étant ici défini que par deux choses: son rapport difficile avec son père et son éveil écologique. C’est mince.

Bref, tout fasciné par le père eût-il été, Jérôme Salle s’est aussi, de toute évidence, pris de passion pour le fils disparu. Tellement qu’il en a perdu la focalisati­on de son récit. De telle sorte qu’à terme, on se retrouve devant un film beau à regarder, mais dont on ne sait trop ce qu’il veut raconter.

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REMSTAR Malgré la nature indécise du scénario, L’odyssée éblouit avec sa réalisatio­n ample et sa conception visuelle de haute tenue.

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