Le Devoir

Un florilège de perles puisées dans la littératur­e jeunesse

Nicole Leblanc invite à savourer l’intelligen­ce du verbe offert par les livres aux enfants

- MARIE FRADETTE Collaborat­rice Le Devoir

Le désamour, vous connaissez? C’est ce sentiment «comme quelque chose d’usé qu’on garde au fond d’un grand tiroir, mais dont on ne se sert plus», écrit Thierry Lenain dans Quand l’amour court (Les 400 coups). La sagesse? C’est quand «chacun traverse les événements importants de sa vie en tricotant ses propres solutions […] », selon l’auteure Agnés Grimaud.

Tout autant que la «grande» littératur­e, celle proposée aux jeunes reste une petite mine d’or de phrases poétiques, de réflexions et autres pensées bien souvent philosophi­ques. Nicole Leblanc, auteure d’ouvrages didactique­s, ex-enseignant­e, animatrice, a eu l’idée de rassembler ces phrases, ces perles qui nous émeuvent, celles qui nous incitent à gribouille­r dans nos livres, à dessiner une petite apostrophe dans les marges, trace laissée au passage pour mieux y revenir.

Petits mots pour grandes personnes. Perles de la littératur­e jeunesse, c’est un recueil de citations prises ici et là dans quelque 900livres jeunesse d’ici et d’ailleurs, de maintenant et d’hier.

En préface, l’auteure motive ses choix: d’abord, les auteurs québécois qui se sont imposés dans le paysage littéraire. Elle retient notamment Dominique Demers, François Gravel, Cécile Gagnon, Sylvain Trudel. Elle puise dans les oeuvres jeunesse classiques que sont Fifi Brindacier, Anne, la maison aux pignons verts. Elle plonge aussi dans les romans contempora­ins de Jo Hoestlandt, Ingrid Chabbert, Linda Amyot, et plus encore.

La qualité de l’ouvrage repose sur la diversité que l’on y trouve. Des auteurs de tous horizons, de toutes époques enrichisse­nt de leurs mots les pages de ce recueil. Divisé en thèmes porteurs que sont par exemple l’amour, la sagesse, l’école, les guerres et conflits, la mort — ce sont au total 22 thèmes qui sont soulevés —, l’ouvrage laisse libre court à nos yeux qui se promènent d’une de ces perles à une autre, sans oublier l’humour qui lui aussi fait partie de la production jeunesse.

On le croise de mille et une façons, depuis la Comtesse de Ségur qui nous raconte qu’un «âne à deux pieds peut devenir général et rester âne», jusqu’à François Gravel qui écorche doucement les adolescent­s, eux qui « détestent avoir l’air de bonne humeur [parce que, dit-il] ça fait partie de leur maladie».

Le besoin d’expliquer

Si on ne peut qu’applaudir l’initiative entreprise par Nicole Leblanc, souligner non seulement le travail accompli, mais aussi la volonté de mettre en lumière la beauté qui sillonne les oeuvres jeunesse de partout et de tout temps, il faut dire que la forme de l’ouvrage, notamment les courtes présentati­ons des thèmes en amorce de chacune des sections, tend à infantilis­er le lecteur. À coups de grandes paroles creuses sur ce qu’est l’amour, la bonté, la maladie, à force d’explicatio­ns inutiles sur les sentiments, le charme se perd.

La littératur­e jeunesse est débordante de phrases touchantes, de plumes riches et précises qui parviennen­t à rendre avec justesse la pureté des émotions. Beaucoup d’auteurs cités dans cet ouvrage méritent que nous leur levions notre chapeau parce qu’ils réussissen­t mieux que quiconque à se mettre à hauteur d’enfant et à rendre la grandeur et la sensibilit­é qui se trouvent dans ces petits êtres étonnants. Pour une fois qu’on faisait honneur à cette écriture, il aurait été bien, simplement, de la laisser exister d’elle-même, de lui laisser toute la place et non lui faire de l’ombre en tentant de tout expliquer. L’ouvrage reste tout de même intéressan­t et servira sans doute les éducateurs, les enseignant­s dans leur travail, mais confine encore une fois la littératur­e jeunesse à une case didactique, une formule bien encadrée qui ne fait aucune place à l’imaginatio­n. Décevant.

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